Le messager

Un grand merci à ESC Editions pour m’avoir permis de découvrir et de chroniquer le DVD du film « Le messager » de Joseph Losey.

Le_messager

« Le passé est un pays étrange. Les choses s’y font autrement. »

Un jeune garçon de milieu modeste est invité pour l'été par son camarade de classe issue d'une famille de l’aristocratie britannique dans le château provincial de sa famille . Il va servir de messager a la jeune fille de la maison qui vit des amours impossibles avec un fermier de la région.

« Rien n’est jamais la faute d’une femme »

Le_messager_Julie_Christie

Né au sein d'une riche famille bourgeoise du middle-west, Joseph Losey reçoit une éducation conservatrice et puritaine, dépourvue de toute culture politique. Le choc n'en sera que plus grand lorsqu'il découvrira par lui-même le monde durant ses années universitaires. Frappé par les inégalités sociales, les injustices et la misère qui gagnent le pays suite au krach boursier de 1929, il abandonne ses études de médecine pour se consacrer au théâtre. Surtout, séduit par les théories socialistes venues d'Europe, il part étudier un temps à Moscou puis à Berlin où il rencontre Bertolt Brecht. Avant de revenir en Amérique où il se forme à Broadway comme décorateur puis comme metteur en scène, tout en fréquentant les milieux des intellectuels et des artistes engagés. S'il débute à Hollywood au lendemain de la Seconde Guerre Mondiale (« Le garçon aux cheveux verts », 1948), il n'y tourne que cinq films avant d'être inquiété par la Commission des activités anti-américaines qui lui reproche ses accointances avec le Parti communiste américain. Blacklisté, il choisit donc le chemin de l'exil et s'installe définitivement en Europe où il tournera aussi bien pour des productions britanniques que françaises ou même italiennes. Si les années 60 semblent être sa période la plus faste (« The servant », « Accident », « Boom », « Cérémonie secrète »), il accède à la consécration internationale avec son film « Le messager » (1971) qui décroche la Palme d’or à Cannes (devant « Mort à Venise » de Visconti qui partait pourtant ultra favori).

« Il n’y a pas de malédiction sauf celle d’un cœur qui n’aime pas »

Le_messager_Alan_Bates

Quoi soit sensible ou non à ses films, peu de réalisateurs peuvent se targuer d’avoir une filmographie aussi homogène que celle de Joseph Losey. En effet, de film en film, le cinéaste a toujours su s’intéresser aux mêmes thèmes – les rapports de classes et de domination – tout en parvenant toujours à renouveler ses sujets. Adaptation du roman éponyme de Leslie Poles Hartley, débute comme une chronique sociale sise aux premières heures du vingtième siècle. Là un jeune adolescent d’origine modeste vient passer l’été chez un camarade d’internat, d’ascendance aristocratique. Subjugué par la beauté de la sœur ainée de ce dernier, le jeune héros se laissera manipuler jusqu’à accepter de porter la correspondance secrète de celle-ci avec un fermier des environs, sans soupçonner la nature de leurs échanges ni de leur relation. Comme souvent (« The servant », « Cérémonie secrète », « Accident », « Une anglaise romantique »), Losey use ici d’un canevas scénaristique bien précis – l’irruption dans un milieu clos d’un personnage étranger – pour dénoncer la violence et la duplicité des rapports de classes. L’originalité ici étant la façon dont le cinéaste joue sur la temporalité du récit, parsemé d’abord ci et là de courtes séquences anachroniques (où apparaissent tantôt une télévision ou une voiture moderne), jusqu’à nous faire comprendre dans les ultimes séquences contemporaines du film que le récit n’était alors qu’un long souvenir visionnée en flashback. Une mise en perspective brutale qui donne cependant au film tout son sens : lé héros désormais vient fait ainsi le récit à hauteur d’enfant de ses premières (et violentes) désillusions, portant aussi bien sur le monde, les rapports humains, l’amitié que, bien évidemment, sur l’amour. Une forme de traumatisme qui l’aura marqué à vie et dont il portera toujours les séquelles puisque l’on comprend dans le dernier échange entre les deux protagonistes principaux (ultime témoignage de deux castes irrémédiablement irréconciliables et qui ne se comprennent définitivement pas) qu’il aura du coup été dans l’incapacité de fonder un foyer, préférant au contraire une vie solitaire. Un film brillant, à l’esthétique soignée et au casting anglais remarquable (Julie Christie, Alan Bates, Edward Fox, Michael Redgrave), qui souffre cependant formellement de quelques petites longueurs (la partie de cricket notamment).

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Le DVD : Le film est présenté en version originale anglaise (2.0) ainsi qu’en version française (2.0). Des sous-titres français sont également disponibles.

Côté bonus, le film est accompagné d’un entretien avec le journaliste Michel Ciment (26 min.).

Édité par ESC Editions, « Le messager » est disponible en édition combo blu-ray + DVD + livret signé Olivier Père (Exclusivité FNAC) ainsi qu’en édition DVD simple depuis le 3 novembre 2021. Il est également disponible en édition blu-ray simple depuis le 6 avril 2022.

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