L'Homme du Président (2020) de Woo Min-Ho

Voici un film prévu pour représenter la Corée du Sud au prochain Oscar du meilleur film étranger. Un film qui retrace les 40 jours précédents l'assassinat du président coréen en 1979. L'eau a sans doute coulé sous les ponts puisque le sujet a déjà été abordé par le film "The President's Last Bang" (2005) de Im Sang-Soo, présenté au Festival de Cannes 2005 et dont la sortie fut compromise à la demande du fils du président défunt. La justice a fini par censurer 4 mn du film que le réalisateur a décidé de remplacer par un écran noir. 15 ans après donc, le cinéma coréen revient sur son Histoire, en se focalisant sur les 40 jours qui ont mené à l'assassinat du président Park Chung-Hee en 1979 (Tout savoir ICI !). Ce nouveau point de vue sur les faits est un projet du réalisateur-scénariste Woo Min-Ho auquel on doit déjà les thrillers "Inside Men" (2015) et "The Drug King" (2018)... 1979, la Corée du Sud est sous la coupe du président Park depuis le coup d'état de 1961 et il vient de placer à la tête du KCIA sa tout puissante agence de renseignements son fidèle partisan depuis les débuts, Kim (vrai nom Kim Jae-Gyu). Alors que le peuple manifeste de plus en plus et que jamais la position du président avait été si fragile, Kim doit faire le nécessaire pour éviter une catastrophe alors qu'un ancien directeur du KCIA (vrai nom Kim Hyong-Uk) a demandé l'asile politique aux Etats-Unis. Alors que la tension monte, le président Park semble de plus en plus sous la coupe d'un adversaire de Kim...

L'Homme du Président (2020) de Woo Min-Ho

Le directeur du KCIA Kim est incarné par une des plus grandes stars coréennes, l'acteur Lee Byung-Hun qui retrouve le réalisateur après "Inside Men" mais vu surtout chez le réalisateur Kim Jee-Woon avec les excellents "A Bittersweet Life" (2005), "Le Bon, La Brute et le Cinglé" (2008), "J'ai Rencontré le Diable" (2010) et "The Age of Shadows" (2016) mais aussi de temps à autre en Amérique avec notamment "Terminator Genisys" (2015) de Alan Taylor et "Les Sept Mercenaires" (2016) de Antoine Fuqua. Le président Park est incarné par Sung-Min vu dans "Morsures" (2012) de Ha Yu et "The Spy Gone North" (2018) de Yoon Jong-Bin. Le dissident est joué par Kwak Do-Won qui retrouve son partenaire Lee Byung-Hun après "Le Bon, La Brute et le Cinglé" (2008) de Kim Jee-Woon et vu dans de grands films comme "Mother" (2009) de Bong Joon-Ho, "The Man from Nowhere" (2010) de Lee Jeong-Beom, "The Murderer" (2010) et "The Strangers" (2016) tous deux de Na Hong-Jin. Le garde du corps présidentiel est interprété par Lee Hee-Joon qui retrouve le réalisateur après "The Drug King" et vu dans "Pandemie" (2014) de Kim Sung-Soo. Citons également deux rôles secondaires joué par l'actrice Kim So-Jin vue dans "Another Child" (2019) de Kim Yun-Seok et "The Closet" (2020) de Kim Kwang-Bin, puis Joo Suk-Tae qui retrouve ainsi Lee Byung-Hun après "The Age of Shadows"... Un tel film, une telle histoire vraie est d'emblée compliqué pour les néophytes en matière d'Histoire de Corée mais le début se montre assez explicite (très scolaire mais nécessaire sans doute) pour ne pas être trop noyé par un manque de connaissance. On connait donc la fin du film, mais encore faut-il comprendre les tenants et aboutissants qui vont mener au drame, ce que le film va tenter de mettre en place. Le réalisateur a pu se documenter via les archives notamment et affirme ainsi que son film est très fidèle aux événements ce qui donne forcément un gage historique au film. Si on peut se méfier (comme toujours pour les films estampillés "histoire vraie") on peut sans doute faire confiance surtout à la seconde partie, car la première demeure finalement très "résumée", très floue sur les sujets abordés et sur les propos qu'elle avance. En effet, nous nous trouvons immergés dans les coulisses de la Maison Bleue (résidence présidentielle coréenne) avec tous les secrets, les hypocrisies etc qui en découlent comme tout panier de crabes qui se respecte.

L'Homme du Président (2020) de Woo Min-Ho

Ainsi, un dissident décide de trahir son président et affirme que ce dernier cache une organisation secrète au-dessus du pourtant tout puissant KCIA, des "révolutionnaires" veulent en profiter pour faire tomber le président Park, entre temps le peuple bouge un peu trop tandis qu'un adversaire du directeur Kim du KCIA fait tout pour le discréditer face au président Park, tout ça sous le regard, la surveillance voir l'influence des Etats-Unis. Le réalisateur, spécialiste du thriller, semble opter pour une mise e scène très discrète, presque statique, engoncée comme le serait des fonctionnaires dans leur costume et si elle frôle l'effet ennui elle instaure aussi une atmosphère qui mêle austérité et inquiétude pour évoluer doucement, très doucement vers une montée sous tension. Le qualité du scénario réside aussi son plus grand défaut pourtant, car si Kim semble hanté par la question "Qu'avons-nous fait de notre révolution ?" en s'adressant à son président, on est en vérité à la recherche du pourquoi, pourquoi un fidèle lieutenant depuis 18 ans assassine son président sur une sorte de coup de tête qui tient à priori d'une frustration et/ou d'une vexation ?! On suit pourtant bien d'autres intrigues qui permettent bien des suppositions et hypothèses mais qui sont finalement bien peu étoffées ou étayée pour franchement convaincre. Finalement ne s'agirait-il pas plus d'une amitié et/ou d'une relation de confiance qui prend fin, tout simplement ?! On a une sensation de tout ça pour ça tant les intrigues adjacentes ne mènent pas bien loin. Mais pourtant Woo Min-Ho mène un thriller d'espionnage qui reste particulièrement captivant, d'abord via des personnages charismatiques, par des intrigues prenantes dont on sait qu'elles pourraient bel et bien être la cause d'un assassinat politique, même si on a d'ores et déjà une idée on ne peut s'empêcher d'attendre l'affaire, le point de discorde ou le grain de sable qui va tout déclencher. Il y a sûrement un pointe de frustration dans cette affaire dans laquelle, peut-être, le drame humain a surpassé le drame politique. Passionnant dans son déroulement presque trop chirurgical, on ne peut que conseiller de le voir en complémentaire au film "The President's Last Bang" (2005) de Im Sang-Soo.

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