La Fille de tes Rêves (1998) de Fernando Trueba

Après des films comme "Le Rêve du Singe Fou" (1989) et "Belle Epoque" (1993) avec lesquels il obtient le Goya du Meilleur Film, le réalisateur Fernando Trueba va réitérer pour un troisième trophée avec ce film qui s'inspire des tournages des films "Carmen, la de Triana" (1938) de Florian Rey et "Andalusische Nächte" (1938) de Herbert Maisch, tous deux étant la version espagnole et allemande du même film avec la star argentine Imperio Argentina. Il faut donc rappeler que l'époque se prêtait souvent au tournage "double" afin de faciliter la langue du spectateur. Enfin, précisons que le soutien en co-production entre l'Espagne franquiste (on est en pleine Guerre d'Espagne encore !) et l'Allemagne nazie n'est alors pas du tout illogique bien au contraire. Le cinéaste co-signe le scénario avec plusieurs collaborateur, d'abord son frère David Trueba qui a signé pour son frère "Trop, c'est Trop" (1995) et qui venait de signer "Perdita Durango" (1997) de Alex de la Iglesia, puis Miguel Angel Egea, Carlos Lopez, et surtout Rafael Azcona auteur anti-franquiste ayant connu la censure et fidèle du réalisateur Marco Ferreri de "L'Appartement"(1959) à "Y a Bon les Blancs" (1988) en passant par "Le Mari de la Femme à Barbe" (1963) et "La Dernière Femme" (1976)... En 1938, une équipe de tournage espagnole se rend en Allemagne pour y tourner un film avec l'aide technologique et financière de l'Allemagne et le soutien du ministre de la propagande Goebbels. Si la plupart des membres de l'équipe sont plu sou moins franquiste, la star Macarena Granada quant à elle se trouve plutôt prisonnière puisque son père est dans les geôles franquistes. Le tournage a tout le soutien de Goebbels, ce dernier faisant tout pour conquérir Macarena...

La Fille de tes Rêves (1998) de Fernando Trueba

Les deux stars espagnoles du film sont incarnés par Penelope Cruz qui retrouve le réalisateur après l'époque de sa révélétion avec les films "Jambon Jambon" (1992) de et "Belle Epoque" (1992) de Fernando Trueba, puis Jorge Sanz dont le premier rôle a été d'incarner le jeune "Conan le Barbare" (1982) de John Milius et qui retrouve une partie de l'équipe après "Belle Epoque". Le réalisateur et amant de Macarena est joué par Antonio Resines vu dans "Action Mutante" (1993) de Alex de la Iglesia et "La Bonne Etoile" (1997) de Ricardo Franco. Dans le reste de l'équipe espagnole citons Rosa Maria Sarda qu'on verra ensuite dans "Tout sur ma Mère" (1999) de Pedro Almodovar avec Penelope Cruz et "Ne Dis Rien" (2003) de Iciar Bollain, Santiago Segura et Neus Asensi qui jouent ensemble dans "Torrente" (1998) de Sabtiago Segura, Jesus Bonilla qui retrouve Penelope Cruz et Trueba après "Belle Epoque", puis Maria Barranco et Loles Leon qui on été révélées avec les films "Femmes au Bord de la Crise de Nerfs" (1988) et "Attache-Moi !" (1989) tous deux de Pedro Almodovar. Côté allemand, citons la star germanique jouée par Götz Otto remarqué dans "La Liste de Schindler" (1993) de Steven Spielberg, "Demain ne Meurt Jamais" (1997) de Roger Spottiswoode et surtout connu pour "La Chute" (2004) de Olivier Hirschbiegel, puis n'oublions pas le couple funeste des Goebbels incarné par Hanna Schygulla muse de Rainer Werner Fassbinder notamment dans "Le Mariage de Maria Braun" (1978) et "Lili Marleen" (1981), puis Johannes Silberschneider vu dans "Le Chateau" (1997) de Michael Haneke et "Le Violon Rouge" (1998) de François Girard... On notera que le film tourné reprend le célèbre opéra "Cramen" de Verdi avec une musique signé de Antoine Duhamel qui a surtout oeuvré pour la Nouvelle Vague avec des films comme "Pierrot le Fou" (1965) de jean-Luc Godard et "Baisers Volés" (1968) de François Truffaut, le compositeur retrouve Trueba après "Belle Epoque"... Le film débute avec des images d'archives et une voix Off qui explique le contexte géo-politique qui n'est pas anodin tant la Guerre d'Espagne n'est aussi simple à appréhender pour les néophytes, et permet entre autre de placer le film dans un environnement à l'aube de 39-45 pour, aussi, mieux marquer les esprits quant au genre qui sera celui du film au fur et à mesure de l'évolution du récit. Ainsi le film de Trueba est à placer plus dans la veine des films comme "Jeux Dangereux" (1942) de Ernst Lubitsh ou "L'As des As" (1982) de Gérard Oury, on peut même citer "Casablanca" (1942) de Michael Curtiz.

La Fille de tes Rêves (1998) de Fernando Trueba

On retrouve la période pré-guerre, la persécution des juifs, l'aspect artistiques (le cinéma après le théâtre de Lubitsh et la boxe chez Oury), le décalage politico-culturel même (à priori) quand deux facettes du fascisme se croise... etc... Les coulisses du tournage sont particulièrement intéressants, le prestige du cinéma allemand fait face au manque de moyen espagnol, la politique omniprésente même si l'artiste veut en faire abstraction, tandis que les jalousies restent les mêmes au sein du groupe, les considérations des uns et des autres fluctuent au gré des mouvances et des responsabilités alors que, pourtant, il semble qu'une seule chose mène tout ce petit monde (allemand ou espagnol !) : le sexe ! Ainsi quasi tous les protagonistes ont avant tout un rapport (!) étroit avec un ou plusieurs partenaires, plus ou moins consenti par ailleurs. L'effet gag est donc souvent en rapport avec des scènes plus ou moins scabreux, mais c'est aussi ce qui mène au drame quant à la manière dont un certain Goebbels s'impose. Finalement, la morale est sauve presque par ce paramètre impromptu. Historiquement pourtant on ne peut croire à cette partie tant Goebbels (connu pour son intelligence supérieure) est montré comme un simple pervers benêt, tandis que les allemands sont en général montrés comme bas du front. Fernando Trueba signe une comédie qui aurait pu s'assumer un poil plus, appuyer un peu plus l'humour tout en trouvant un autre point d'appui que le sexe, mais le scénario est assez dense pour combler une histoire qui ne manque pas de rebondissements et de séquences savoureuses. Imparfait assurément, le film reste intéressant sur bien des aspects avec des acteurs investis. Le film récoltera tout de même un joli succès avec en prime 6 Goyas (équivalent César ou Oscar) dont meilleur film et meilleure actrice pour Penelope Cruz. Après son excellent "L'Artiste et son Modèle" (2012), le réalisateur retrouvera quasi toutes son équipe dont la plupart des acteurs pour une suite, "La Reine d'Espagne" (2016)...

Fille Rêves (1998) Fernando TruebaFille Rêves (1998) Fernando Trueba