Dead Zone (1983) de David Cronenberg

Entre "Videodrome" (1983) et "La Mouche" (1985) le réalisateur David Cronenberg se voit proposer d'adapter un roman du maître de l'horreur et du suspense Stephen King. Ce dernier a déjà connu des adaptations particulièrement réussies de ses oeuvres avec "Carrie au Bal du Diable" (1976) de Brian De Palma et "Shining" (1980) de Stanley Kubrick, rien de plus logique donc que le cinéma se penche de plus en plus sur les livres de l'auteur. D'ailleurs, cette même année Cronenberg fait face à deux autres projets, "Cujo" (1983) de Lewis Teague et "Christine" (1983) de John Carpenter. À l'origine, le projet était prévu pour le réalisateur Stanley Donen mais suite aux difficultés financières des producteurs c'est le nabab Dino de Laurentiis qui récupère les droits pour John Badham mais ce dernier refusera car choqué par une histoire qu'il croit trop favorable aux assassinats politiques. Le scénario est écrit de Jeffrey Boam, connu plus tard pour les films "L'Aventure Intérieure" (1987) de John Badham, "Génération Perdue" (1987) de Joel Schumacher et "Indiana Jones et la Dernière Croisade" (1989) de Steven Spielberg, mais le script ne plaît pas au producteur. On essaie avec d'autres scénaristes dont King lui-même, pour finalement que Cronenberg et Boam retravaillent ensemble sous la houlette de la co-productrice Debra Hill. Le scénario est donc condensé, notamment en retirant le parallèle entre Johnny Smith et le politique Greg Stillson puis en occultant la tumeur de Johnny Smith. Précisons que pour son roman Stephen King s'est fortement inspiré de l'histoire vraie du parapsychologue Peter Hurkos (Tout savoir ICI)... Peu de temps après avoir raccompagné sa fiancée Johnny Smith est victime d'un accident. Il se réveille à l'hôpital où il apprend qu'il a été dans le coma durant 5 ans, apprenant par là même que sa fiancée s'est mariée depuis et a eu un enfant. Mais il apprend aussi qu'il est désormais doté d'un don de voyance qui survient quand il est en contact. Si les débuts sont difficiles, ne sachant pas vraiment comment agir et réagir il va petit à petit gérer et apprendre à se servir de son don à bon escient...Dead Zone (1983) de David Cronenberg

Idem que pour le réalisateur, le choix de l'acteur principal a été fastidieux, on peut notamment citer Bill Murray qui était le choix favori de Stephen King, mais de Laurentiis et Cronenberg ont opté au final pour Christopher Walken qui était alors un acteur de premier plan après des films comme "Voyage au Bout de l'Enfer" (1978) et "La Porte du Paradis" (1980) tous deux de Michael Cimino et "Les Chiens de Guerre" (1981) de John Irvin. Pour les autres rôles principaux, l'ex-finacée jouée par Brooke Adams vue dans "Les Moissons du Ciel" (1978) de Terrence Malick et "La Grande Attaque du Train d'Or" (1978) de Michael Crichton, le shérif interprétée part Tom Skerrit vu dans (1970) de Robert Altman et "Alien le Huitième Passager" (1979) de Ridley Scott, le psy incarné par le vétéran Herbert Lom qui a écumé des décennies de cinéma avec des films comme "Les Forbans de la Nuit" (1950) de Jules Dassin, "Tueurs de Dames" (1955) de Alexander MacKendrick ou encore "Le Fantôme de l'Opéra" (1962) de Terence Fischer, le politique Stillson incarné par Martin Sheen star depuis les films "La Balade Sauvage" (1973) de Terrence Malick et "Apocalypse Now" (1979) de Francis Ford Coppola. On peut aussi citer des seconds rôles aux têtes qui nous parlent forcément avec Colleeen Dewhurst qui retrouve Walken après (1977) de Woody Allen, Anthony Zerbe gueule marquante de "Traître sur Commande" (1970) de Martin Ritt et (1973) de Franklin J. Schaffner, Ken Pogue aperçu dans "L'Argent de la Banque" (1978) de Daryl Duke et (1980) de Kinji Fukasaku qui retrouve donc respectivement Sean Sullivan qui a été un des scientifiques de "2001 l'Odyssée de l'Espace" (1968) de Stanley Kubrick et Nicholas Campbell qu'on voit chez Cronenberg dans "Chromosome 3" (1979) et "Le Festin Nu" (1991)... Précisons qu'il faut privilégier la V.O. (comme souvent voir toujours !), ne serait-ce que pour une modification stupide en V.F. ; Smith/Walken fait référence à un moment aux oeuvres de Washington Irving dont "La Légende de Sleepy Hollow" dont Walken jouera justement le personnage central dans la célèbre adaptation "Sleepy Hollow" (1999) de Tim Burton, mais qu'en V.F. la référence est modifiée pour faire référence à un mystérieux "La Légende du Dormeur du Val", sans pour faire écho au poème phare de Arthur Rimbaud. On vous laisse là-dessus, avec les réflexions entre coma et mort qui s'impose vous vous en doutez (?!)... Le film débute comme une sorte de mélo sentimental qui s'arrête brusquement par un accident survenant comme un truc improbable et déjà terrifiant tant on se dit que Johnny Smith est un malchanceux, malheureusement faisant parti intégrante de la multitude de faits divers du même genre. Le côté idylle est un peu maladroit, du moins un peu mièvre (25-30 ans mais bien timorés dans l'intimité).

Dead Zone (1983) de David Cronenberg

Mais une fois l'ellipse passée l'intrigue débute franchement et met en place tous les points psychologiques qui rendent le personnage de Johnny Smith intéressant. La première partie voit un survivant que beaucoup voit comme un rescapé chanceux alors qu'il est plus logiquement contraint d'accepter une sorte de seconde vie qu'il ne désire pas, d'abord parce qu'il a perdu la femme qu'il aime, ensuite parce qu'il est doté d'un pouvoir dont il ne sait que faire. Un pouvoir terrible et à la fois un privilège qu'il se doit d'honorer. Dans un premier temps donc il abhorre ce côté divin qui l'obligerait presque à être moins égoïste, avant qu'un petit rien le pousse à accepter une proposition du shérif pour retrouver un tueur en série. Sans passion, presque à l'insu de son plein gré il va se rendre utile à la communauté. Johnny Smith accepte son pouvoir mais tente de le contrôler pour qu'il ne soit pas happer par ce don désagréable en soit. En cela, Christopher Walken offre une performance démente, d'une justesse infinie notamment parce qu'associée à la mise en scène de Cronenberg jamais on ne tombe dans le fantastique SF ou trop "superhéros" ou même ésotérique. Non, la force du film est de rester dans une dimension réaliste, sans esbroufe, qui ne pourrait choquer que les sceptiques de tous bords dans un monde où, pourtant, tant de monde croit encore aux esprits et pouvoirs occultes. On apprécie aussi le personnage du politique pourri qui, dans ces années 80, ne peuvent que renvoyer aux années Reagan ; l'assassinat politique plus ou moins appuyé est d'autant plus controversé et audacieux. Par contre, on émettra surtout deux bémols, le premier reste le côté bien mièvre de l'idylle (même après le réveil !) qui paraît peu crédible voir suranné, mais surtout il manque une montée en puissance et en tension plus pregnant (qui aurait dû se démarquer à deux endroits différents). Le film sera à joli succès, amassant pas moins que le double de son budget rien qu'aux Etats-Unis. Succès mérité pour ce thriller psycho-fantastique puissant et inspiré, sans aucun doute une des meilleures adaptations de King malgré ses maladresses.

Note :

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