L'histoire de Sweeney Todd es telle une légende urbaine, bien qu'elle apparaisse pour la première fois "officiellement" dans le roman "The String of Pearls ; a Romance" (1846) de Malcolm Rymer et Thomas Peckett Prest, il semble que l'origine soit un mélange de plusieurs faits divers plus ou moins avérés. Cette histoire a connu de nombreuses adaptations pour la télévision et le cinéma dont la plus fameuse demeure "Sweeney Todd" (1936) de George King. Mais ce nouveau film est lui adapté de la comédie musicale "Sweeney Todd, the Demon Barber of Fleet Street" (1979) signée de Stephen Sondheim et Hugh Wheeler elle-même adaptée de la pièce de théâtre éponyme (1973) de Christopher Bond. Cela faisait très longtemps que Tim Burton cherche à adapter cette comédie musicale, après une première approche avec Stephen Sondheim vers 1990 la discussion n'aboutit pas et Burton passe à autre chose. Le projet arrive chez Dreamworks avec Sam Mendes aux commandes qui finit pourtant par abandonner pour "Jarhead" (2005) laissant l'opportunité à Tim Burton, après "Charlie et la Chocolaterie" (2005) et "Les Noces Funèbres" (2005), de revenir sur un projet qui lui tient à coeur depuis de nombreuses années. Il collabore avec le scénariste John Logan devenu un scénariste reconnu de "L'Enfer du Dimanche" (1999) de Oliver Stone à "Aviator" (2004) de Martin Scorcese en passant par (2000) de Ridley Scott et "Le Dernier Samouraï" (2003) de Edward Zwick. Néanmoins, Stephen Sondheim reste attaché au projet en tant que consultant sur le tournage... Au 19ème siècle à Londres, un ancien barbier injustement condamné revient sous un pseudonyme après 15 ans d'absence et apprend que son épouse s'est suicidée après un viol et que sa fille Johanna est devenue la pupille de l'agresseur, le juge Turpin. Le barbier, devenu Sweeney Todd va préparer sa vengeance avec l'aide de sa voisine Mrs Lovett, le premier égorgeant ses clients pour que la seconde en fasse des tourte à la viande...

Dans le rôle titre on retrouve un certain Johnny Depp acteur fétiche de Burton depuis "Edward aux Mains d'Argent" (1990) qui s'amuse en cette période faste à jouer le pirate, capitaine Jack Sparrow dans la saga "Pirates des Caraïbes" (2003-2017). Mrs Lovett est incarnée par la muse du réalisateur depuis "La Planète des Singes" (2001), Helena Bonham Carter qui retrouve son partenaire Johnny Depp et son époux à la ville Tim Burton après "Charlie et la Chocolaterie" (2005) et "Les Noces Funèbres" (2005), et à l'instar de Depp elle tient également un rôle récurrent dans une autre saga en étant Beatrix Lestrange dans la franchise "Harry Potter". Elle retrouve ainsi ses partenaires sorciers de chez "Harry Potter", Alan Rickman et Timothy Spall qui interprète respectivement le juge Turpin et son homme de main. La fille et pupille Johanna est jouée par une débutante, Jayne Wisener qu'on ne reverra que dans (2011) de Cary Fukunaga dqans lequel elle retrouevra Mia Wasikowska héroîne de "Alice au Pays des Merveilles" (1010) de Tim Burton. Un jeune prétendant est joué par Jamie Campbell Bower qui jouera un Grindelwald jeune dans "Harry Potter et les Reliques de la Mort 1 et 2" (2011) et dans "Les Animaux Fantastiques : les Crimes de Grindelwald" (2018) tous trois de David Yates, alors que c'est Johnny Depp qui incarne le sorcier maléfique âgée. Et enfin, le barbier concurrent est interprété par Sacha Baron Cohen dans son premier rôle "sérieux" entre "Borat" (2006) et "Brüno" (2009) tous deux de Larry Charles. Précisons que la musique est donc celle de la comédie musicale de 1979 signée de Stephen Sondheim, ce n'est donc pas Danny Elfman, compositeur attitré de Burton sur tous ses films qui signe la BO cette fois-ci, une première qui se répètera pour "Miss Peregrine et les Enfants Particuliers" (2016)... Qui dit comédie musicale dit chant, les acteurs interprétant eux-mêmes leurs chansons. Johnny Depp est déjà chanteur au sein de son groupe de rock, et sa voix colle parfaitement à la détresse haineuse de son personnage. La plupart de ses partenaires s'en sortent bien, on mettra un bémol pour la jeune Jayne Wisener/Johanna dont la voix striante est un peu trop agressive.

Si le scénario suit la ligne directrice de ce récit particulièrement connu dansles pays anglo-saxons, soit un barbier qui tranche des gorges par folie et haine (cupidité pour Mrs Lovett en prime) on constate que le récit est enrichi d'une bonne dose d'une autre histoire : celle de "Le Comte de Monte Cristo" (1844) de Alexandre Dumas, lui-même adapté de très nombreuses fois. En effet, le barbier est emprisonné de langues années, sa famille est détruite, il revient secrètement sous un pseudo, il prépare sa vengeance... Dans ce ballet macabre où meurtre de sang froid et cannibalisme à l'insudu plein gré font bonne mesure, il y a surtout un homme détruit, consumé par la tristesse d'abord, et par la haine ensuite, bien assisté par une Mrs Lovett bien plus pragmatique. La rage meutrière n'a d'égal que la dextérité et la grâce du barbier dans la maniement de ses sublimes mais funestes rasoirs. Plus que de la mélancolie vengeresse il s'agit d'un chant funèbre que le romantisme gothique burtonien transcende. La violence sanguinolente, bien que graphique, fera que le film sera interdit au moins de 13 ans aux Etats-Unis, au moins de 12 en France. Le duo Depp-Carter forment un couple magnifiquement mortifère, dont un Johnny Depp idéalement dirigé évitant notamment un cabotinage parfois too much dans d'autres films. Les chansons sont belles mais terriblement tristes ou funestes, la musique est tout aussi marquée faisant du film un des plus déchirant (dans tous les sens du terme !) de Burton. Sur le fond tout est horrible et terrifiant (viol, meurtre, corruption...) et à aucun moment l'espoir ne semble pouvoir surgir tant la fatalité et le pessimisme sont omniprésent même dans la forme. Rarement Burton aura été aussi dur et aussi peu onirique finalement pour assumer cette poésie mortuaire qui reste pourtant d'une beauté esthétique impressionnante graĉe à cette photographie aux couleurs saturées qu'on doit au Directeur Photo Dariusz Wolski qui a oeuvré sur la saga "Pirates des Caraïbe" entre autres et qui est devenu l'opérateur attitré de Ridley Scott depuis "Prometheus" (2012). Malheureusement, malgré une réception critique très favorable (avec un Golden Globe pour Johnny Depp) le succès au box-office est plus que mitigé, le genre musical façon marche funèbre n'a semble-t-il pas que des adeptes ! Néanmoins, on ne peut que conseillé de voir et revoir ce film d'une incontestable beauté.