Suivant de peu la star Olivia De Havilland, on apprend la disparition du réalisateur Alan Parker ce 31 juillet 2020 à l'âge de 76 ans.

Né en 1944 à Londres au sein d'une famille ouvrière, Alan William Parker connaît une enfance et une scolarité "normale", sans lien avec le cinéma. Pourtant, il devient passionné de photographie grâce à ses oncles sans pour autant éveillé une quelconque vocation. Il quitte l'école à 18 ans et trouve un boulot de garçon de bureau dans un boîte de publicité. Un premier travail qui l'intéresse d'abord parce qu'il pensait que de travailler dans la publicité était un "bon moyen de rencontrer des filles" !

Mais ce premier pied à l'étrier est pourtant bel et bien une opportunité capitale. Ses collègues le poussent à écrire et devient ensuite rédacteur, poste qui lui permet de rencontrer David Puttman (ci-dessous avec Alan Parker) et Alan Marshall qui deviendront ses futurs producteurs.

En 1970 il fonde une société de pub avec Alan Marshall. Société qui va devenir leader du marché dans les années 70, Parker étant derrière quelques publicités devenues célèbres comme pour le vermouth Cinzano ou la bière Heineken. Il rejoint à l'époque les grands noms du métier comme les frères Ridley et Tony Scott , Adrian Lyne ou encore Hugh Hudson.

A force, son ami et collègue David Puttman le pousse et le convainc de signer un scénario pour un long métrage, ce sera "Melody" (1971) de Waris Hussein. Logiquement Alan Parker enchaîne en signant deux téléfilms "Melody" (1975) et "The Evacuees" (1976) qui ont d tous deux pour fond la Seconde Guerre Mondiale, dont le second est priméaux Bafta et aux Emmy Awards.

Ce succès lui permet de financer son premier long métrage cinéma en tant que réalisateur-scénariste. Ce sera le film musical "Bugsy Malone" (1976 - ci-dessous), parodie de films de gangsters avec uniquement des enfants dont une certaine Jodie Foster qui était à l'époque également à l'affiche du plus sérieux "Taxi Driver" (1976) de Martin Scorcese. Parker précise : "Le seul genre de films qu'ils pouvaient voir étaient des films de Walt Disney... J'ai pensé que ce serait bien de faire bon pour les enfants et aussi pour les adultes qui doivent les emmener. Donc, pour être honnête, Bugsy Malone était un exercice pragmatique pour percer dans le cinéma américain." Le film sera très bien reçu avec notamment 8 nominations aux Bafta dont deux lauréats pour Jodie Foster.

Le cinéaste désire aussitôt prendre le contre-pied de ce premier succès. Il porte son choix sur le premier scénario d'un certain Oliver Stone basé sur l'Histoire Vraie de Billy Hayes. Normalement, Stone étant un débutant, il était prévu que Alan Parker réécrive et reprenne le scénario original, mais après coup Parker comme son producteur David Puttman trouvèrent le scénario de Oliver Stone parfait et sera finalement gardé. Le film est "Midnight Express" (1978 - ci-dessous) qui reçoit un accueil critique et public de premier ordre avec à la clef un Oscar du meilleur scénario pour Stone et un Oscar pour la musique signée Girogio Moroder.

Cette fois, ce succès mondial apporte une vraie reconnaissance à Alan Parker qui entre désormais dans la catégorie des grands réalisateurs du moment. Mais restant cohérent avec son principe, après un film si tragique le réalisateur décide de revenir avec un film plus léger. Il opte pour la comédie musicale "Fame" (1980 - ci-dessous) qui suit le quotidien d'étudiants dans une école d'arts de New-York. Succès énorme au box-office, à tel point que le film donnera une suite à la télévision avec une série TV éponyme (1982-1987) qui reprend une bonne partie du casting du film.

Après ce film le cinéaste change une nouvelle fois de registre, pour un projet dont il dira lui-même que c'est "le premier film pour adulte que j'ai fait". Il s'agit d'un drame conjugal, "L'Usure du Temps" (1982 - ci-dessous) sur un couple d qui se délite. Aussitôt après il revient avec une comédie musicale atypique, sorte de opéra-rock, presque sans dialogue et suivant le concept de l'album culte du groupe Pink Floyd. Le film "The Wall" (1982) devient culte malgré que Roger Waters (leader du groupe Pink Floyd) se déclarera déçu du film notamment reprochant que "le rire y est absent".

Il revient avec une nouvelle histoire vraie, ou plutôt inspiré de, soit l'histoire de deux vétérans de la guerre du Viêtnam revenus diminués psychologiquement comme physiquement de la guerre. Le film "Birdy" (1984 - ci-dessous) est adapté du roman de William Wharton d'après ses souvenirs de 39-45. Si Parker a tout de suite adoré l'histoire il avoue avoir eu des difficultés : "Je ne savais pas si vous pouviez prendre la poésie du livre et en faire de la poésie cinématographique..." Résultat, Parker y a parfaitement réussit tout en boustant les carrières des acteurs Nicolas Cage et Matthew Modine.

Alan Parker revient ensuite avec un thriller fantastique dont il écrit également le scénario (une première depuis "Bugsy Malone") en adaptant le roman "Falling Angel" de William Hjortsberg. Avec un casting hyper bankable réunissant Robert De Niro et Mickey Rourke, le film "Angel Heart" (1987 - ci-dessous) connaît un joli succès. Rien que le box-office américain rembourse le budget du film.

Le cinéaste signe ensuite le magnifique "Mississippi Burning" (1988 - ci-dessous) qui relate l'Histoire Vraie connue sous le titre Meurtres de la Freedom Summer (Tout savoir ICI !). Le film qui met en scène les deux stars Gene Hackman et Willem Dafoe est un nouveau succès mérité avec ne prime l'Oscar de la meilleure photographie.

Parker poursuit dans le genre drame historique avec un sujet rarement traité au cinéma, l'internement des émigrés japonais aux Etats-Unis suit à l'attaque de Pearl Harbor. "Bienvenue au Paradis" (1990) raconte le destin d'un couple sino-américain séparé par l'internement. Ce film est également écrit par le réalisateur. Aussitôt après le cinéaste revient avec une comédie musicale, "The Commitments" (1991 - ci-dessous) qui suit un groupe amateur de soul à Dublin (Irlande). Pour ce film plus de 1200 groupes de dubliners ont été auditionné ! Le film est un joli succès suivi par là même du succès de la bande originale.

De nouveau réalisateur-scénariste, Alan Parker adapte le roman de T.C. Boyle pour le film "Aux Bons Soins du Docteur Kellogg" (1994 - ci-dessous) qui relate de façon romancé le destin des frères Kellogg à l'origine des célèbres céréales Corn Flakes. Malheureusement, malgré un casting prestigieux et un budget conséquent le film est un échec cuisant. Le premier de Alan Parker. Il semble que le portrait peu glorieux (portrait acide et/ou tout en dérision) du docteur John Harvey Kellogg (qui reste une icône puritaine outre-Atlantique) ait particulièrement déplu.

Pour son nouveau film Alan Parker allie ses deux thématiques préférées en un, une histoire vraie et une comédie musicale. Ainsi il signe "Evita" (1996 - ci-dessous sur le tournage), adaptation de la comédie musicale de Tim Rice et Andrew Lloyd Webber qui fut à l'origine lancé par Oliver Stone mais finalement repris par Alan Parker. Après le désistement de Michelle Pfeiffer c'est Madonna qui sera choisi après que la pop star ait écrit une lettre à Alan Parker expliquant pourquoi elle serait le choix idéal. Le film relate ainsi le destin de Eva Peron, première dame de l'Argentine. Un film qui reçoit une bel accueil à travers le monde, à l'exception notable de l'Argentine qui remontera le film à cause des "altérations présumées" mises sur le compte de Andrew Lloyd Webber. Le film demeure cependant un drame passionnant avec ne prime une bande son admirable avec en prime l'Oscar de la meilleure chanson pour Madonna.

Le réalisateur-scénariste continue et persévère dans le genre historique et adapte le roman autobiographique (Prix Pulitzer 1997) de Frank McCourt avec "Les Cendres d'Angela" (1999 - ci-dessous). Le film se focalise sur l'enfance difficile du futur écrivain Frank McCourt. Le film est globalement bien reçu mais reste un succès mitigé au box-office.

Une fois de plus Alan Parker opte pour sujet d'actualité encore brûlant en abordant la peine de mort aux Etats-Unis et, aussi porte sur la question de l'engagement militant. "La Vie de David Gale" (2003 - ci-dessous avec ses acteurs lors de la promo) est une sorte de thriller militant, un plaidoyer dont le scénario alambiqué frappe par un twist aussi improbable que puissant. Malheureusement, ce qui reste le dernier film de Alan Parker connaît un accueil plutôt médiocre, surtout aux Etats-Unis où les critiques restent particulièrement défavorables, le sujet lui-même expliquant sans doute cela.

Alan Parker s'est marié deux fois (1966-1992 puis la seconde jusqu'à sa mort), et il a eu 5 enfants dont Nathan Parker, scénariste notamment du film "Moon" (2009) de Duncan Jones.

Alan Parker aura réalisé 14 films dont une bonne moitié de grands films. Sa filmo démontre un intérêt fort pour le musical et une bande son toujours soigné, ainsi que pour les sujets engagés et les histoires vraies. Alan Parker demeure un très grand cinéaste, sous-estimé à l'évidence tant il est rarement cité mais son oeuvre est clairement à voir, à revoir et à conseiller.

Alan Parker est mort ce vendredi 31 juillet 2020 à l'âge de 76 ans des suites d'une longue maladie (comme on dit trop souvent).