Filles de Joie (2020) de Frédéric Fonteyne et Anne Paulicevich

L'idée de cette histoire est venue Anne Paulicevich à la lecture d'un article qui racontait la double vie de femmes travaillant dans un bordel en Belgique où les bordels sont légaux. Elle précise : "A l'époque, les premiers plans d'austérité venaient d'être mis en oeuvre et ils frappaientde plein fouet les femmes, toujours plus précaires. Je voyais des amies, des voisines, se battre au quotidien pour s'en sortir, sans jamais baisser la tête. Toutes les pièces du puzzle se sont alors assemblées et, pour moi, tout a fait sens." Anne Paulicevich, qui a été actrice aperçue notamment dans "JCVD" (2008) de Mabrouk El Mechri, mais elle a surtout joué et écrit le scénario du film "Tango Libre" (2012) de Frédéric Fonteyne qui lui vaudra une nomination au Magritte du meilleur espoir féminin et devenant lauréate du Magritte du meilleur scénario 2014. Rien de plus logique finalement qu'elle co-signe ce nouveau film avec Frédéric Fonteyne dont la thématique de la femme forte est central dans sa filmo avec des films comme "Une Liaison Pornographique" (1999) et "La Femme de Gilles" (2004). Pour finaliser son projet Anne Paulicevich explique avoir rencontrer Dodo la Saumure célèbre proxénète :

Filles de Joie (2020) de Frédéric Fonteyne et Anne Paulicevich

"... je rencontre Dodo dans un café à Bruxelles. Deux jours plus tard, il m'emmenait visiter ses bordels. Dans les deux premiers, le contact était compliqué, mais au troisième, la connexion avec les filles a été immédiate. Je me suis installée dans un fauteuil et c'était parti. Pendant neuf mois, j'y suis allée deux à trois fois par semaine. Je n'ai jamais pris aucune note, ni rien enregistré. Je n'ai même pas eu à poser de questions : les réponses venaient, d'elles-mêmes. On fumait des clopes, avec les filles, et elles me racontaientleurs histoires, leur vie, leur quotidien."... Trois prostituées partagent un secret en commun : celui de cacher leur boulot à leurs proches. Tous les matins elles partagent la route pour rejoindre leur bordel en Belgique. Axelle a des enfants et séparé de son époux ce dernier tente de reprendre sa place, Conso est amoureuse d'un homme riche et pense pouvoir rêver à une vie meilleure, et Dominique est une mère de famille d'âge mûre qui semble ne plus être connectée avec sa famille... Axelle est incarnée par la blonde Sara Forestier qui s'est faîte rare ces dernières années dont on peut citer tout de même son premier long en tant que réalisatrice "M" (2017) et l'acclamé "Roubaix, une Lumière" (2019) de Arnaud Depleschin. La black est jouée par la plus méconnue Annabelle Lengronne remarquée dans (2012) de et avec Franck Gastambide et vue dans "Jusqu'ici Tout va Bien" (2019) de Mohamed Hamidi. Et enfin la "maman" est incarnée par Noémie Lvovsky qui fait le grand écart (sans jeu de mot !) après avoir été bonne soeur dans "La Bonne Epouse" (2020) de Martin Provost et qui retrouve un personnage et un film qui rappelle forcément le magnifique "L'Apollonide - Souvenirs de la Maison Close" (2011) de Bertrand Bonello. A leurs côtés, on peut citer les deux époux joués par Sergi Lopez qui était repartit tourné en Espagne et qu'on va bientôt revoir dans "Les Parfums" (2020) de Grégory Magne, puis Nicolas Cazalé qu'on avait pas vu sur grand écran depuis "Géographie du Coeur Malchanceux" (2014) de David Allain et Alexandra Billington, mais qu'on a pu voir dans la série TV "Le Bureau des Légendes" (2018 - saison 4)... Le film débute avec une séquence qui annonce la couleur, une violence omniprésente ainsi matérialiséer mais qui va prendre toutes formes possibles. Le premier soucis est qu'on a bien du mal à comprendre pourquoi ces trois femmes se prostituent ?! Non pas que toutes est le choix, mais certaines font ce choix de façon réfléchie et délibérée plutôt que d'aller à l'usine entre autres exemples, et certaines font le choix plus "chic" d'un job plus axé sur l'escort. Le problème est que jamais on apprend quoi que ce soit sur ces trois femmes qui nous permettrait plus de compréhension et/ou plus d'empathie.

Filles de Joie (2020) de Frédéric Fonteyne et Anne Paulicevich

Le choix des deux cinéastes est clairement de montrer uniquement la face obscure et glauque, le bordel étant également partout ailleurs, dans leur intimité ou dans leur vie privée et familiale. Le misérabilisme est à tous les étages et même la fin qui nous ait montré comme un mesage d'optimisme n'est pas crédible. La caricature est aussi dans les autres paramètres, les maris sont violents ou beaufs, les enfants ingrats, et on peut même poussé sur les costumes de travail des prostituées aussi hideux que peu sexy. Ajouté aux dialogues/images particulièrement crus et souvent gratuits (pipi dans un parking, fille qui s'épile comme maman...) le duo de réalisateurs manque de subtilité et de finesse sur un sujet qui aurait mérité le contraire. On peut dénoncer et être vrai sans pour autant tout miser sur le glauque. Malgré tout, on s'attache un peu grâce à des personnages toutefois bien croquées et surtout magnifiquement incarnées par trois actrices inspirées et investies. Et même si on tombe dans la crasse basse même dans les sous-intrigues il n'en demeure pas moins que le réalisme frappe forcément les esprits. Un film maladroit donc, intéressant mais dont on préférera bien d'autres films sur ce même sujet, pêle-mêle non-exhaustif "Lilya 4 Ever" (2004) de Lukas Moodysson, "Irina Palm" (2007) de Sam Gabarski, (2011) de Malgorzata Szumowska, "Jeune et Jolie" (2013) de François Ozon, (2015) de Nabol Ayouch et "L'Apollonide" évidemment...

Note : Filles Joie (2020) Frédéric Fonteyne Anne PaulicevichFilles Joie (2020) Frédéric Fonteyne Anne Paulicevich