La Bonne Epouse (2020) de Martin Provost

Le réalisateur-scénariste Martin Provost continue sur sa thématique de prédilection avec l'émancipation féminine. Après "Le Ventre de Juliette" (2003), "Séraphine" (2008), Où va la Nuit" (2011), "Violette" (2013) et "Sage Femme" (2017) le cinéaste s'intéresse aux écoles ménagères mais, cette fois, il aborde son sujet de manière plus légère avec une comédie. Martin Provost a eu l'idée de cette histoire après avoir discuté avec une dame de 80 ans qui lui a expliqué qu'elle préférait aller à l'école ménagère plutôt que de suivre des études pour pouvoir rester avec ses copines : "Je ne savais pas exactement ce qu'était une "école ménagère", mais l'entendant me parler de son expérience, j'ai vu des images défiler. Avec ma co-scénariste Séverine Werba, nous avons tout de suite lancé des recherches. Oui, il y a bien eu une époque où l'on enseignait aux jeunes filles à devenir des épouses parfaites. Autour de nous, des témoignages directs attestaient de cette époque révolue et en même temps pas si lointaine. Aux archives de l'INA, nous avons même déniché des documentaires étonnants sur ces écoles. Je me souviens de ma stupeur, quand une présentatrice de l'époque, sosie de Denise Fabre, racontait avec beaucoup de sérieux qu'une repasseuse digne de ce nom ne pouvait terminer ses deux années d'apprentissage que par la chemise de monsieur, qui consacrait en elle la bonne épouse."...

La Bonne Epouse (2020) de Martin Provost

Provost co-signe le scénario avec Séverine Werba auteur sur la série TV "Engrenage" (2017)... Apprendre à tenir un foyer et à servir son époux, voilà ce qu'on enseigne dans l'école ménagère dirigée par le couple Van Der Beck. Mais quand madame Paulette Van Der Beck se retrouve veuve et ruinée ses certitudes vacillent à l'aube de Mai 1968... La directrice de cette école est incarnée par la pimpante Juliette Binoche qui retrouve la comédie après (2016) de Bruno Dumont et "Telle Mère, Telle Fille" (2017) de Noémie Saglio. Son époux est joué par François Berléand en ce moment en salle avec "L'Esprit de Famille" (2020) de Eric Besnard, son banquier est joué par Edouard Baer vu dans "La Lutte des Classes" (2019) de Michel Leclerc. Dans l'équipe "éducative" il y a Yolande Moreau qui retrouve Martin Provost après "Séraphine" (2009) et "Où va la Nuit ?" (2011), et qui retrouve Noémie Lvovsky après "Camille Redouble" (2012) et "Les Estivants" (2019) de Valeria Bruni-Tedeschi. Parmi les jeunes filles on peut citer Anamaria Vartolomei vue dans "L'Echange des Princesses" (2017) de Marc Dugain... Martin Provost nous immerge dans une école ménagère type avec cette caricature qui fait sourire tant on se dit que ces écoles rétrogrades d'un autre temps semblent si loin. Et pourtant non, ce décalage est salvateur mais il ne faut surtout pas oublier que ces écoles existaient encore il y a seulement 50 ans ! Mais outre cette autre dimension qui semble un peu extraordinaire aujourd'hui le fait de situer cette histoire en 1968 est judicieuse car elle permet d'esquisser les prémices de la Parenthèse enchantée et tout ce qui va aller avec. Dans un premier temps le film nous immerge dans les 7 piliers qui font une épouse parfaite telle que les hommes aimeraient se l'approprier (à l'époque !). 7 piliers qui font sourire bien aidés par un trio de professeures idéalisées, à savoir le trio Binoche-Moreau-Lvovsky qui sont le parfait exemple puissance 7 de ce que les femmes ne veulent déjà plus en 1968.

La Bonne Epouse (2020) de Martin Provost

Le scénario est plutôt malin, voir judicieux mais peut-être même trop. En effet, le scénario permet d'aborder tout un panel sur les conditions de la femme d'alors ainsi que les revendications émergentes mais évidemment sans trop approfondir. Impossible au vu du chantier, et aujourd'hui nul besoin d'en faire une thèse avec l'évolution de ces 50 dernières années. Mais on peut trouver dommageable quand même qu'il n'y ait eu plus tout de même surtout quand l'histoire d'amour prend autant de place quasi hors de l'école, et donc, quasi en hors sujet. L'autre bémol vient de l'audace comique, le film reste une comédie bien sage où on ne rit pas, on sourit beaucoup mais on aurait aimé un peu plus de vitriole et une vraie comédie où rythme-gags-répliques devraient ouvrir la voie à des rires francs. Mais comme trop souvent dans les comédies française du 21ème siècle il y a toujours cet automatisme du minimum sérieux quand on touche à des sujets sociétaux. En pleine période #MeToo, Polansk, Weinstein et Cie le film surfe sur la vague. Certe les description de l'école est amusante et pertinente, certe le trio fonctionne à merveille (Binoche touchante et pétillante, Moreau mélancolique, Lvovsky tonitruante) et certe on passe un bon moment mais on reste finalement un peu sur notre faim. D'ailleurs, de fin, on pourra trouver le final sympathique mais un peu trop démago et moralisateur surtout que le film est assez satirique pour faire passer le message. En conclusion une fantaisie féministe plaisante et joyeuse qui permet de faire passer le message de façon indolore, un film à forte ambition mais dont l'audace ne va pas de paire. Dommage tant on aurait aimé rire à gorge déployé tout en étant secouer. Ca n'arrive pas, au lieu d'être l'éventuel film étendard d'un renouveau ce film est à ranger dans les comédies basiques et populaires sans que ça puisse se bousculer sur les étagères. On dira que ça reste à voir et à conseiller tant le message est nécessaire (encore !) et que la légèreté de l'ensemble ne fera pas de mal en cette période.

Note :

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