Après deux longs métrages restés plutôt confidentiels, "Terre Battue" (2014) et "Allons Enfants" (2018), le réalisateur-scénariste Stephane Demoustier a entendu parler du film argentin "Acusada" (2019) de Gonzalo Tobal, et a ensuite eu envie de transposer l'histoire avec un nouvel angle de vue, à savoir en s'intéressant avant tout aux proches plutôt qu'à l'accusée et en insistant un peu plus sur la fracture entre jeunes et adultes. Le cinéaste explique : "A qui a-t-on affaire ? On a toujours l'impression de connaître ses enfants mais l'évidence apparaît inéluctablement : ce sont des êtres autonomes qui nous échappent de plus en plus."... Après un drame qui a mené à deux d'instructions, Lise, 18 ans, va comparaitre devant une Cour d'Assise pour le meurtre de sa meilleure amie. Soutenue par sa famille, tout semble pourtant l'accabler mais c'est surtout son détachement qui interroge...

Les parentts de Lise sont interprétés par Roshdy Zem qui passe pour ainsi dire de l'autre côté après "Roubaix, Une Lumière" (2019) de Arnaud Depleschin et Chiara Mastroianni vue dernièrement dans "Chambre 212" (2019) de Christophe Honoré dont elle est une actrice fétiche. La procureure est jouée par la soeur du réalisateur, Anaïs Demoustier vue dernièrement dans "Gloria Mundi" (2019) de Robert Guédiguian, tandis que l'avocate de la défense est jouée par Annie Mercier grande comédienne surtout connue au théâtre mais vue récemment en commanditaire dans le film "Qu'un Sang Impur..." (2020) de Abdel Raouf Dafri. A noter que ces deux dernières se retrouvent après avoir joué dans "Les Malheurs de Sophie" (2016) de Christophe Honoré. Et enfin, Lise est incarnée par la jeune Melissa Guers dont c'est ici le tout premier rôle... En amont Stephane Demoustier a assisté à de nombreux procès (surtout au tribunal de Bobigny) et a fais lire son scénario à des magistrats et des avocats. D'ailleurs, sur le tournage, il a pu également s'appuyer sur Pascal-Pierre Garbarini qui incarne le juge du film, mais qui est en vérité un avocat et qui a donc servi de conseiller technique lors du tournage.

Niveau distribution des rôles on salue la judicieuse idée d'offrir le rôle du procureur à Anaïs Demoustier, jeune femme et donc à l'inverse des habituels hommes d'âge mûrs qui pullulent dans ses rôles de magistrats qui en imposent. En prime, la jeune Lise alias Melissa Guers qui est impressionnante de justesse et de maîtrise. Une belle révélation dont on entendra encore parler à coup sûr ! Mais la grande réussite du film repose sur un scénario malin, ludique, et surtout particulièrement objectif sur l'univers d'un tribunal tout en disséquant les rapports intergénérationnels complexes, où comment les adultes semblent complètement à l'ouest quand il s'agit de comprendre un temps soit peu les moeurs des jeunes d'aujourd'hui. Néanmoins, les moeurs de Lise n'en font pas une généralité (heureusement !!!) et donc le film reste peu convaincant sur ce point. Par contre on ne peut que souffrir pour et avec les parents, surtout qu'on a bien du mal à croire et à soutenir Lise qui reste très antipathique, trop froide pour nous toucher. D'ailleurs si le film fait tout pour rester neutre et nous interroger constamment sur sa culpabilité il est difficile de ne pas choisir le camp de l'accusation tant Lise a tout d'une coupable manipulatrice. Mais on s'intéresse aussi au procès à proprement parlé, un monde qui exacerbe les émotions et les jugements hâtifs et faciles en témoigne même les allusions faciles de la procureure sur les moeurs de l'adolescente. Le film est prenant, grâce à des acteurs à la fois sobres et bouillonnants, mais surtout grâce à un scénario qui passe habilement d'une thématique à l'autre (conflits intergénérationnels, mode de justice, pur thriller...). Une très belle surprise que ce film mature et intelligent même si le fait que Lise soit si froide nous empêche d'être objectif. A voir et à conseiller.

Note :

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