LES PETITS MEURTRES D’AGATHA CHRISTIE (Critique Episode Rendez-vous avec la mort) Un superbe exemple à la française…

LES PETITS MEURTRES D’AGATHA CHRISTIE (Critique Episode Rendez-vous avec la mort) Un superbe exemple à la française…Le cadre est celui d'un hôtel de luxe un peu défraîchi, qui a perdu son lustre d'antan, au bord de la mer du Nord. Quand la domestique de l'hôtel est retrouvée assassinée, c'est Clémence, la propriétaire, qui est soupçonnée. C'est une femme flamboyante, autoritaire et cruelle avec ses trois enfants, un véritable monstre. Elle a jeté son dévolu sur Laurence et veut en faire son troisième mari, au grand bonheur d'Avril bien sûr. Lorsque Clémence est assassinée, Laurence tombe des nues car le coupable s'avère être Tricard. Tricard, qui n'est autre que le propre frère de Clémence.

C'est une adaptation d' Apointment with Death des plus réussies qu'a écrit la scénariste Sylvie Simon, loin des ruines de Petra où se déroule la tragédie originale. Une affaire de famille toujours, mais pas seulement celle du sang, puisqu'elle touche de près la foldingue petite troupe du commissariat, camarades à leurs corps défendant. Cela semble être le fil rouge de cette saison sur laquelle souffle un grand vent d'impertinence : chaque affaire est liée de (très) près à un membre de l'équipe. Et c'est presque avec soulagement que l'on voit (enfin !) le commissaire divisionnaire Tricard ( Dominique Thomas) entrer dans la lumière, concerné au premier plan par les protagonistes fantasques dont l'on va faire la connaissance et les événements tragiques qui vont s'ensuivre. Laissant le champ libre aux seconds couteaux, parmi lesquels l'incomparable Arlette Carmouille ( Marie Berto), l'intrigue se concentre sur l'ambiance méphitique entretenue par les membres de la famille Berg, que l'on rapproche sans mal d'un écho antipathique mais tout aussi bizzaroïde de La famille Addams, la jeune Juliette Pedevilla-Defay aux lectures morbides rappelant immédiatement Mercredi Addams quand l'énigmatique valet campé par Olivier Carré évoque plutôt Max ( Lurch) leur maître d'hôtel.

Vénéneuse à souhait en double odieux de Morticia, Mireille Herbstmeyer déploie des trésors d'interprétation qui font proprement froid dans le dos, nous glaçant d'un regard ou d'un sourire cruel. On s'imagine sans peine le charisme qui doit être le sien dans la série horrifique Marianne de Samuel Bodin (disponible sur Netflix), et les cauchemars qu'elle y sera capable de déclencher. Impériale, elle tient la dragée haute à ses partenaires, chez lesquels la crainte et la crispation ne paraissent pas difficiles à feindre ! Nicolas Picard-Dreyfuss, aux commandes de cet épisode, distille savamment les ingrédients indispensables à une murder party réussie, et l'on jubile d'y être invité. Impossible de bouder son plaisir devant les scènes d'hallucinations macabres dont est assaillie Alice ( Blandine Bellavoir), forcée de jouer les garde-chiourmes auprès de la femme-dragon, dont on ne sait si l'on redoute sa mort, annoncée, ou si on la souhaite... Si, en fait... on sait ! Cerise sur le gâteau empoisonné : le coupable n'est pas si facile à prendre...

Fidèle à l'ADN des Petits Meurtres, la farce macabre, jouissive, accorde tout de même un large pan à la comédie pure, dans lequel Laurence ( Samuel Labarthe) se verra devenir dresseur de chien malgré lui, en même temps que conseiller matrimonial, avec tout le tact et la délicatesse qu'on lui connaît. On appréciera la réutilisation des " tubes " d' Alice Avril entendus la saison passée dans Mélodie Mortelle, ainsi que le running-gag autour de Bubulle, le fidèle et increvable poisson rouge de Marlène ( Elodie Frenck). Autant d'indicateurs que le puzzle est assemblé et tient, solide comme un roc, et que la série a acquis depuis quelques temps déjà non seulement l'aisance mais aussi le droit d'édifier sa propre mythologie, la figure tutélaire d' Agatha Christie ne servant plus que de caution aux aventures rocambolesques de personnages inédits devenus figures emblématiques de notre petit écran, affranchis ou presque de leur écrin d'origine. Un superbe exemple à la française. Fierté, quand tu nous tiens...

Crédits: France 2