Les Confins du Monde (2018) de Guillaume Nicloux

Après "Valley of Love" (2015) le réalisateur-scénariste Guillaume Nicloux explore de nouveaux horizons mais toujours avec une dimension méta-physique des sentiments exacerbés par un drame. Le cinéaste auquel on doit les bons "Le Poulpe" (1998) et "Une Affaire Privée" (2001) mais aussi les moins réussis "Le Concile de Pierre" (2006) et "Holiday" (2006), retrouve son scénariste Jérôme Beaujour après "La Religieuse" (2013)... en 1945, alors que l'Europe se libère du joug nazi, un jeune soldat français est le seul survivant d'un massacre en Indochine. Aveuglé par la vengeance, il organise un groupe militaire pour des expéditions punitives alors qu'il rencontre l'amour auprès d'une jeune prostituée viêtnamienne... Le contexte historique est difficile à suivre pour les néophytes, mais en mars 45 les japonais sont encore en Indochine française et ceux qu'on va dénommer Viêt-Minh naissent à cette période (Tout savoir ICI !) qui va mener à la Guerre d'indépendance d'Indochine puis plus tard à la guerre du Viêtnam... Le soldat Tassen est incarné par Gaspard Ulliel entre (2018) de Benoît Jacquot et "Un Peuple et son Roi" (2018) de Pierre Schoeller, son compagnon d'arme et ami est joué par Guillaume Gouix entre "Gaspard va au Mariage" (2017) de Antony Cordier et "Les Drapeaux de Papiers" (2018) de Nathan Ambrosioni. On ne présente plus l'ogre Gérard Depardieu, tandis que ce film révèle le talent indéniable de l'inconnue Lang-Khê Tran qui trouve là son premier rôle...

Les Confins du Monde (2018) de Guillaume Nicloux

Dans un sens le cinéaste forme avec ce film une sorte de trilogie composé de "Valley of Love" puis de "The End" (2016) avec comme fil conducteur le monstre Gérard Depardieu comme Nicloux l'explique : "On peut en effet imaginer que Saintonge, père de substitution de Tassen (Gaspard Ulliel), est aussi le Depardieu qui a perdu son fils dans "Valley of Love" et tisse un lien avec l'homme perdu dans la forêt de "The End". On peut aussi pousser la comparaison en imaginant que la résurrection de Gaspard Ulliel émergeant de la fosse au début du film fait suite au suicide de Depardieu à la fin de "The End"... Sauf qu'ici Depardieu joue le rôle de catalyseur, celui du personnage qui insuffle le questionnement, l'ambiguïté et une certaine forme d'apaisement. Il propose une solution métaphysique à laquelle Tassen a du mal à adhérer. Comme s'il s'interdisait tout compromis, en plaçant l'amour et la vengeance sur le même plan il se force à choisir, malheureusement choisir c'est aussi renoncer..."... Malgré le contexte historique le film n'est pas un film de guerre à proprement parlé, et encore moins un film sur le colonianisme. Il s'agit avant tout une quête initiatique et existentielle entre une vengeance destructrice et une passion qui l'est tout autant. Le soldat Tassen est en quelque sorte un mort en sursis, qui n'a plus d'autre raison de vivre que d'assouvir sa vengeance, tandis qu'il ne peut accepter un amour n'entre pas forcément dans les cases.

Les Confins du Monde (2018) de Guillaume Nicloux

Tassen est psychologiquement instable et les affres de la guerre ne sont pas là pour arranger les choses avec la terreur et le sacrifice qui mène systématiquement aux horreurs inhérentes à la guerre (torture, décapitation etc... sont des faits avérés à cette période en Indochine). Nicloux confirme deux inspirations, "La 317ème Section" (1965) de Pierre Schoendoerffer et "Apocalypse Now" (1979) de Francis Ford Coppola, deux films dont les références sont judicieusement digérées et replacées dans ce récit sur un homme qui se perd littéralement dans la jungle, comme un gourou qui accepte sa condition de futur martyr. Gaspard Ulliel prête son animalité à ce personnage qui semble pourtant tout à fait conscient de sa folie ce qui le rend d'autant plus intéressant. Par contre, outre le meilleur ami et la prostituée, on peut se demander à quoi sert véritablement le personnage joué par Depardieu qui ne sert pas franchement le scénario, il reste sans doute la justification de Nicloux au lien intangible qui lie l'acteur aux deux films précédents comme expliqué plus haut... La toute fin est un peu terre à terre, un peu facile à contrario d'un film qui se veut pourtant plus subtil et métaphysique. Néanmoins, le film est à la lisière des genres avec une petite histoire dans la grande à la fois charnel et psychologiquement viscéral.

Note :

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