Le barbare et la geisha

Un grand merci à Rimini Editions pour m’avoir permis de découvrir et de chroniquer le DVD du film « Le barbare et la geisha » de John Huston.

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« Il n’y a pas de place au Japon pour les étrangers. Ce sont des barbares »

Japon, 1856. Townsend Harris débarque dans le petit port japonais de Shimoda. Il doit devenir le premier ambassadeur américain au Pays du Soleil Levant. L’accueil des autochtones est glacial, et Harris se heurte à l’hostilité des nobles. Depuis quelques temps, le pays est victime de divers cataclysmes, et le peuple est persuadé qu’il s’agit d’une preuve de la colère des dieux, mécontents de la venue de l’américain.

« Nous étions venus pour établir des relations diplomatiques avec le Japon et nous n’avons fait qu’apporter le choléra et déclencher une épidémie. Quel succès... »

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Fils du célèbre comédien Walter Huston, John Huston, après un passage éclair par le monde de la boxe, se fait connaitre pour ses talents de scénariste puis surtout de cinéaste. Spécialiste à ses débuts du film noir (« Le faucon maltais », « Quand la ville dort »), il devient à partir des années 50 le spécialiste du film d’aventures. Ce qui permettra à ce grand amoureux des lettres d’adapter ses auteurs préférés : Melville (« Moby dick »), Gary (« Les racines du ciel »), Williams (« La nuit de l’iguane »), Lowry (« Au-dessous du volcan ») ou encore, dans un autre registre, Joyce (« Gens de Dublin »). Après avoir enchainé les succès durant la première moitié des années 50 (« Le trésor de la Sierra Madre » qui lui vaut l’Oscar du Meilleur réalisateur, « L’odyssée de l’African Queen »), il entreprend au milieu de la décennie la périlleuse adaptation du monumental « Moby Dick » dont il sort rincé et épuisé. Sitôt après ce tournage compliqué, il quitte la Warner et signe avec la Twenty Century Fox avec laquelle il revient à des films volontiers plus simples : « Dieu seul le sait » (1957) et « Le barbare et la geisha » (1958).

« Le progrès, c’est de ne pas être assassiné pour ses opinions »

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Inspiré d’une histoire d’Ellis St. Joseph, « Le barbare et la geisha » nous plonge au milieu du 19ème siècle pour nous narrer de façon très libre les débuts tourmentés des relations diplomatiques entre la jeune nation américaine et le vieux Japon traditionnel du Shogunat. Plus particulièrement, le film est centré sur l’imposante figure de Townsend Harris, premier consul américain à être envoyé au Japon, qui devra pour s’imposer faire face à un incroyable décalage culturel. Oscillant entre drame (l’épidémie de choléra, les relations houleuses du héros avec les autorités locales) et la comédie (formidable scène de bagarre entre le consul John Wayne et deux brigands locaux), Huston signe là une étonnante fresque d’aventures historiques dans laquelle il aborde, sous des aspects joyeux et non sans un regard lucide et gentiment critique, des thèmes plutôt graves comme l’ambigüité de « l’amitié » américano-japonaise, l’impérialisme américain ou les méfaits de la colonisation, qui trouvent une résonance particulière moins de quinze ans après la fin de la guerre et les bombardements atomiques d’Hiroshima et de Nagasaki. L’occasion pour le cinéaste de réaliser son film « japonais » (intégralement tourné au Pays du Soleil levant) à une époque où Hollywood semble se passionner pour le Japon (« Sayonara », « La petite maison de thé », « La maison de bambou »). Le cinéaste nous offre d’ailleurs là une plongée dans le Japon médiéval où la richesse des décors, des costumes et des accessoires traditionnels se révèle être un régal pour les yeux. Le film est aussi l’occasion pour Huston de collaborer avec l’immense John Wayne, qui trouve ici un rôle atypique et très différent de ceux qu’il a pu interpréter jusqu’alors. Malheureusement, la relation entre les deux hommes se révèle difficile sur le tournage empêchant toute possibilité de nouvelle collaboration. Sans être un sommet de la filmographie de Huston, ce « Barbare et la geisha », d’une beauté formelle évidente, se révèle plutôt plaisant et mérite sans doute d’être réévalué à sa juste valeur.

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Le DVD : Le film est présenté dans un Nouveau Master Haute-Définition, en version originale américaine (2.0) ainsi qu’en version française (2.0). Des sous-titres français sont également disponibles.

Côté bonus, le film est accompagné d’une présentation et d’une analyse par le journaliste et historien du cinéma Patrick Brion.

Edité par Rimini Editions, « Le barbare et la geisha » est disponible en DVD ainsi qu’en blu-ray depuis le 22 mai 2018.

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