Gauguin - Voyage de Tahiti (2017) de Edouard Deluc

Après le road movie "Mariage à Mendoza" (2013), le réalisateur Edouard Deluc a pu avoir plus de liberté et d'ambition pour ce biopic sur le peintre Paul Gauguin qui se focalise sur un court pan de sa vie à Tahiti entre 1891 et 1893. Le cinéaste a depuis quelques temps déjà comme livre de chevet le carnet de voyage "Noa Noa" écrit pas Gauguin sur ce premier séjour à Tahiti. L'envie d'en faire un film se précisa quand le cinéaste a lu le roman inspiré de la vie du peintre, "L'Envoûté" (1919) de Somerset Maughan. Pour écrire le scénario Deluc s'est adjoint plusieurs co-scénaristes, Etienne Comar ("Des Hommes et des Dieux" en 2010 de Xavier Beauvois et "Mon Roi" en 2015 de Maïwenn), Sarah Kamiski ("Raid Dingue" en 2017 de Dany Boon) et Thomas Lilti (auteur-réalisateur des films "Hippocrate" en 2014 et "Médecin de Campagne" en 2016). Autant de mains laissent perplexe mais quand on lit les références de Edouard Deluc on l'est encore plus.

Gauguin - Voyage de Tahiti (2017) de Edouard Deluc

En effet le réalisateur-scénariste il dit notamment sur le carnet "Noa Noa" : "C'est un objet littéraire d'une grande poésie, un récit d'aventures, entre autre, d'un souffle romanesque assez fou."... On le croit volontier, mais alors pourquoi le préciser si fort alors que son film en est dénué ?! Il déclare également que sa première référence a été le western "L'Assassinat de Jesse James par le Lâche Robert Ford" (2007) de Andrew Dominik... Pour faire court Edouard Deluc n'a pas su faire de son film l'oeuvre qu'il aurait aimé, il ne suffit pas de montrer un homme à cheval pour faire un western, il ne suffit pas d'une histoire d'amour pour être romanesque, il ne suffit pas d'avoir un rythme plus ou moins lancinant pour créer un temps soit peu d'onirisme, il ne s'agit pas d'avoir des paysages exotique pour être un film d'aventure... Et pourtant... Gauguin est incarné par un Vincent Cassel investi et viscéral tandis que la jeune Tehura (13 ans dans les faits !) est interprétée par la toute aussi jeune Tuhai Adams (17 ans), un petit bijou polynésien. Le couple focntionne bien et la performance tout en justesse est certainement le grand bonus du film. On peut saluer également la reconstitution sans esbroufe mais réaliste et simple qui aide à croire à ce morceau de vie.

Gauguin - Voyage de Tahiti (2017) de Edouard Deluc

Le plus décevant est de s'être focalisé sur l'histoire d'amour entre Gauguin et Tehura plutôt que d'appuyé sur l'histoire d'amour de Gauguin pour la Polynésie et surtout son envie et son besoin vital de peindre. Car avant tout, ses écrits reflètent son amour pour cette civilisation et ses paysages. On peut également s'interroger sur les omissions (voulue sou non ?!) comme le fait que Gauguin a été particulièrement prolifique (70 toiles en quelques mois) lors de sa relation avec Tehura et que le film ne montre rien d'autre qu'un peintre paumé et énamouré. Malheureusement il manque au film tout ce que le cinéaste a pourtant annoncé. Si on comprend et on ressent le peintre hédoniste on n'a ni onirisme, ni les effets sensoriels des iles sur l'artiste, le côté contemplatif n'est pas complètement assuré. Le visage buriné de Cassel colle à merveille à l'idée qu'on peut avoir d'un peintre malade et seul mais c'est un peu léger pour que le film soit complètement convaincant. A la place de la peinture, de l'inspiration et sa recherche d'un eden de jouissance Edouard Deluc se contente d'une histoire d'amour homme-femme assez basique. Loin d'être déplaisant ce film est un biopic inabouti mais forcément intéressant. Dommage...

Gauguin Voyage Tahiti (2017) Edouard DelucGauguin Voyage Tahiti (2017) Edouard Deluc