Hill of Freedom, une histoire d’amour dans le désordre, délicieusement mise en scène par Hong Sang-soo

hill_of_freedom-2-a9af0Hill of Freedom
De Hong Sang-soo
Avec  Ryo Kase, Moon So-ri, Seo Young-hwa, Kim Ee-song
Lee Min-woo, Jeong Eun-chae

Corée du sud, 2014, 1h06

Date de sortie : 08 juillet 2015

Présenté à la Mostra de Venise 2014, Montgolfière d’Or du dernier Festival des 3 Continents.

Description
Mori, un jeune Japonais, se rend à Séoul afin de retrouver la femme qu’il aime.  Mais celle-ci est absente. Attendant son retour, il s’installe dans une chambre d’hôtes et y fait différentes rencontres.

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A propos du film

Après avoir filmé un Coréen dans les rues de Paris dans son film Night and Day puis une Française dans la ville de Séoul dans In Another Country, le cinéaste filme ici un Japonais qui se rend  à Séoul, en Corée, et nous conte une histoire universelle, qui traite des tourments de l’âme humaine.

Dans Hill of Freedom, Mori, un jeune Japonais se rend à Séoul pour reconquérir un ancien amour, Kwon. Chaque jour, Mori écrit en anglais,  des missives amoureuses à Kwon. Celle-ci découvre la série de lettres. Par accident, la liasse tombe à terre, et une fois ramassées les lettres se retrouvent dans le désordre. Aussi chaque lettre permet au cinéaste de « recommencer » à zéro son récit presque aléatoirement, de réorganiser des rencontres. Pendant que Kwon lit les lettres en voix off, le spectateur voit ce qu’elle lit. Aussi, ce dernier éprouve parfois le sentiment, que le projectionniste se perd dans l’ordre des bobines. Qu’elle belle idée, le décalage délicieusement ludique du découpage de Hong Sang-so !

Désordre aussi dans les sentiments amoureux de Mori. A Séoul où il espère retrouver  Kwon, Mori prend ses habitudes dans un café appellé Hill of Freedom  (La colline de la liberté) . Ce dernier est tenu par une jeune femme, Youngsun, qui ne laisse pas Mori indifférent. Une histoire va se nouer…

Cette histoire simple d’amours qui se construisent au fil des  hasards de la vie, sources de rencontres et de quiproquos, contient tout les sujets de prédilection du réalisateurs : alcool, sexe,et discussions à bâtons rompus.

« Rimes, plis, répétitions, replis et variations rythmiques – Hong Sang-soo travaille autant en compositeur inspiré qu’en origamiste virtuose. » (Arnaud Hée)

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Le mot de Jérôme BARON – Délégué général et directeur artistique du Festival des 3 Continents de Nantes

L’ART DE LA FUGUE OU LE SOJU EST SERVI !

Un film après l’autre, le petit monde d’Hong Sangsoo nous ramène à une géographie familière et mélancolique, et plus obliquement peut-être, à une manière de négociation avec le journal intime et l’autobiographie que le cinéaste détournerait au profit de ses fictions. Nos retrouvailles avec ce monde, alimentées par une cadence régulière d’un ou deux films par an, n’ordonne d’autre forme de connivence que le plaisir réitéré que nous prenonsà ces miniatures géniales de la vie ordinaire. Chez Hong Sangsoo, les choses et les êtres sont déjà là avant que le film ne commence, et on s’active en cuisine avant même qu’on ne prenne place à table. La limpidité du style rappelle à cette antériorité des présences que le film accueille en les faisant bientôt danser selon des lois qui nous empêchent de prendre trop d’avance sur des personnages qui, tout Coréens qu’ils sont, nous ressemblent bien depuis l’autre bout du monde. On leur emboîte tout naturellement le pas jusqu’à l’enseigne la plus proche, là où le soju est servi, précipitant l’heure incertaine des rencontres et des séparations, des chassés-croisés entre vérités et mensonges. Les films d’Hong Sangsoo n’ont d’autre mouvement dramatique que celui des négociations complexes qu’engagent les personnages avec eux-mêmes et l’ordre des choses qui les entoure. De ce point de vue, ils semblent cheminer dans leur propre vie comme on avance en territoire étranger risquant dans la proximité construite avec leur entourage qu’elle devienne le théâtre de désordres affectifs et sentimentaux les plus troublants.

Après un Coréen à Paris (Night and Day), une Française à Séoul (In Another Country) , c’est dans Hill of Freedom un Japonais, Mori, qui s’avance avec le désir de renouer avec un amour perdu de vue en Corée, Kwon. L’anglais sert de passerelle entre les personnages du film et si tous parlent avec un certain aplomb cette même langue dans une version simplifiée, elle n’en devient pas moins ironiquement source de quelques incompréhensions.

Mais avant d’être un film parlé, Hill of Freedom (énigmatique nom d’un café) consiste en un paquet de lettres envoyées par Mori à Kwon. C’est le désordre provoqué par leur chute au sol qui ordonne à Kwon un nouvel ordre de lecture et au film sa chronologie accidentée. Chez Hong Sangsoo, ah ah ah ! on sait que le hasard a toutes les manières de bien faire les choses.

On a régulièrement et avec justesse souligné l’affinité reliant Hong Sangsoo à Rohmer, et sans doute aussi à Ozu (pour l’épure) et Eustache (pour ses glissements subtils entre trivial et morale). Mais la manière des derniers films, dont Hill of Freedom signe un nouvel accomplissement, incite à regarder un peu ailleurs, tant du coté de la peinture, à cet endroit où l’on dispose le petit atelier du film comme d’autres (Degas) venait poser le chevalet en faisant varier les échelles de la perception répétée des choses, que de la musique où les tonalités dramatiques jouent des couleurs de saison et du temps comme de la réalité incertaine des sentiments. Entre la palette et la partition, le montage et le zoom redoubleraient les gestes de la baguette et du pinceau impressionniste, et le cinéma d’Hong Sangsoo déposerait l’idée de synthèse entre les arts pour lui substituer les beautés troublantes du côtoiement, du frôlement ou de la rencontre comme elles se réalisent dans ces vies ordinaires filmées entre plein air et musique de chambre. Notre Sunhi avait des airs de pop song douce amère, Hill of Freedom emprunte peut-être à l’art de la fugue tant Mori venu renouer avec Kwon semble vouloir la chercher plutôt que la trouver.

Et si nous savons comme disait l’autre que « le bonheur n’est pas gai », les films d’Hong Sangsoo ont de grâce essentielle et salutaire qu’ils chuchotent élégamment dans le creux de notre oreille que ce n’est pas bien grave de faire du cinéma. On comprendra de suite pourquoi il nous importe autant de voir cette colline de la liberté s’élever, depuis ses 66 minutes seulement, aussi haut.

Hong Sang-soo

Hong Sangsoo fait un début remarqué avec son premier long métrage Le jour où le cochon est tombé dans le puits, sorti en 1996. Depuis, dans les 15 films qu’il a écrits et réalisés, HONG Sangsoo a toujours aimé utiliser une architecture complexe et hautement ordonnée sous une surface au premier abord aléatoire, qu’il créé grâce aux circonstances spontanées contenues dans les représentations de ses personnages. Réputé pour son langage cinématographique unique et son esthétique sans précédent dans la réalisation, HONG Sangsoo est considéré comme l’un des auteurs les plus reconnus dans le cinéma coréen contemporain.

Filmographie de Hong Sang-soo

Hog sang su

  • 2015 HILL OF FREEDOM
  • 2014 SUNHI
  • 2013 HAEWON ET LES HOMMES
  • 2012 IN ANOTHER COUNTRY
  • 2011 MATINS CALMES À SÉOUL (THE DAY HE ARRIVES)
  • 2010 OKI’S MOVIE
  • 2010 HA HA HA
  • 2009 LES FEMMES DE MES AMIS
  • 2008 NIGHT AND DAY
  • 2006 WOMAN ON THE BEACH
  • 2005 CONTE DE CINÉMA
  • 2004 LA FEMME EST L’AVENIR DE L’HOMME
  • 2002 TURNING GATE
  • 2000 LA VIERGE MISE À NU PAR SES PRÉTENDANTS
  • 1998 LE POUVOIR DE LA PROVINCE KANGWON
  • 1996 LE JOUR OÙ LE COCHON EST TOMBÉ DANS LE PUITS