Rosalie (2024) de Stephanie Di Giusto

Second long métrage de Stephanie Di Giusto après son jolie premier film "La Danseuse" (2016). Elle aura donc pris son temps pour choisir son projet suivant pour constater qu'elle a choisi un sujet qui n'est pas sans lien avec son précédent film, en effet après avoir adapter librement la vie de la danseuse Loïe Fuller, la cinéaste a choisit de porter à l'écran de façon encore très libre la vie d'une femme à barbe,  Clémentine Delait (Tout savoir ICI !), qui est justement une contemporaine de la danseuse ; se seraient-elles rencontrées ?! La réalisatrice-scénariste a co-écrit son scénario avec le duo Sandrine Le Coustumer et Alexandra Echkenazi, deux autrices méconnues ayant surtout travaillé pour des épisodes de séries TV, avec ne collaboration, à moindre mesure avec les plus expérimentés Jacques Fieschi fidèle collaborateur de Maurice Pialat, Claude Sautet ou Nicole Garcia qui n'a pas écrit depuis "Illusions Perdues" (2021) de Xavier Giannoli, puis avec Romain Compingt scénariste entre autre des excellents "Divines" (2016) de Houda Nenyamina ou "En Attendant Bojangles" (2022) de Régis Roinsard... Années 1870 en France, Rosalie est une jeune femme qui cache un secret : depuis longtemps déjà son corps et son visage ont une pilosité anormale qu'elle cache comme elle peut en se rasant discrètement. Un jour, Abel, un tenancier de café, accepte de l'épouser sans savoir son secret mais pour sa dot qui doit aider à éponger ses dettes. Mais l'intimité d'une vie conjugale oblige forcément à se dévoiler ce qui choque Abel mais finit par faire avec. Les dettes de Abel restent une épine dans le pied, jusqu'à ce que Rosalie se décide à laisser pousser sa barbe pour faire venir les clients. Mais sera-t-elle pas réduit à un monstre de foire ?! Est-ce que Abel va réellement l'aimer pour ce qu'elle est ?!... 

Le rôle titre est tenu par la jolie "poilue" Nadia Tereszkiewicz qui a justement débuté comme figurante dans "La Danseuse" (2016), et qui est depuis devenue une valeur sûre avec récemment "Les Amandiers" (2022) de Valeria Di Giusto, "Mon Crime" (2023) de François Ozon, "La Dernière Reine" (2023) de Damien Ounouri et Adila Bendimerad puis "L'Île Rouge" (2023) de Robin Campillo. Son époux est incarné par Benoît Magimel vu dans "Le Marchand de Sable" (2023) de Steve Achiepo, "Omar la Fraise" (2023) de Elias Belkeddar et "La Passion de Dodin Bouffant" (2023) de Tran Anh Hung. Le père de Rosalie est joué par Gustave Kervern vu récemment dans "En Même Temps" (2022) de lui-même et son comparse Benoît Delépine et "Sentinelle" (2023) de Hugo Benamozig et David Caviglioli, et retrouve après "Fleur de Tonnerre" (2017) de Stéphanie Pillonca-Kervern son partenaire Benjamin Biolay vu dernièrement dans "Un Hiver en Eté" (2023) de Laetitia Masson et "Quelques Jours pas Plus" (2024) de Julie Navarro, qui joue pour la première fois aux côtés de sa fille Anna Biolay (avec Chiara Mastroianni) dont la première expérience était dans "Doutes" (2013) de Yamini Lula Kumar. Citons ensuite Guillaume Gouix qui semble de retour puisqu'il n'a tourné après "Les Choses qu'on Dit, les Choses qu'on Fait" (2020) de Emmanuel Mouret qu'un autre film avec "Toni en Famille" (2023) de Nathan Ambrosioni, Juliette Armanet chanteuse qui apparaît quelques fois dans un film justement en tant qu'artiste comme dans "Micmacs à Tire-Larigot" (2009) de Jean-Pierre Jeunet ou "Noureev" (2019) de Ralph Fiennes, puis Serge Bozon également réalisateur notamment dans l'oubliable "Don Juan" (2021) et qui n'avait pas tourné pour un autre depuis "La Prunelle de mes Yeux" (2016) de Axelle Ropert... L'histoire se déroulant en 1870, il faut aussi rappeler que sous l'impulsion entre autre de Barnum la fin du 19ème est une période de succès et d'apogée de tout ce qui est cirque et foire aux monstres ce qui amène à la curiosité plus ou moins malsaine de la population qui s'ouvre au monde de l'ère industrielle. Notons que le film a été tourné en Bretagne, essentiellement dans le Finistère qui est magnifiquement mis en valeur. La nature et les paysages ont leur importance comme source d'apaisement, et solitude pour Rosalie/Tereszkiewicz. Et enfin précisons que l'actrice a dû subir 3h de maquillage quotidien car il ne s'agit nullement de pastiches mais du collage poil à poil afin d'optimiser le réalisme de la pilosité.

Le début est particulièrement subtil, la rencontre du couple est logiquement gênée comme on s'y attend pour un mariage arrangé. La nuit de noce fatidique est merveilleusement écrite, sans hystérie, entre malaise, gêne, incompréhension qui amène des émotions multiples et contradictoires mais compréhensibles que ce soit pour elle ou pour lui. Le récit entre dans le vif du sujet très vite, le suspense n'étant pas le sujet ni sur le fond ou sur la forme. Au pied du mur Rosalie prend les choses en main et assume finalement sa pilosité au grand dam de son époux et du quand dira-t-on. Par contre, malheureusement, le fil conducteur du récit repose sur un point de départ irréaliste et invraisemblable : les villageois quasi tous travailleurs à la grand blanchisserie du village sont interdits d'alcools et donc de loisirs au café ! Bien sûr, inimaginable surtout fin du 19ème où le café reste le point de réunion, le rendez-vous communautaire. Le soucis est qu'ensuite le récit se repose sur ce soucis pour créer une sorte d'intrigue qui ne tient donc pas la route. Mais la relation conjugale est parfaitement réussie, évolutive et touchante avec donc toute une réflexion sur l'acceptation de la différence et sur la question toujours complexe de la féminité et presque plus important, de la maternité. Le duo Tereszkiewicz-Magimel est au diapason, même si l'handicap de monsieur permet une pirouette moralisatrice un peu facile. Le plus intéressant aurait été de travailler plus sur l'évolution des avis et opinions des villageois et villageoises au fil du temps, ce qui est un peu sous-exploité ou en tous cas un peu biaisé par une règle "sans alcool" un peu bête. En effet tout l'intérêt de cette histoire repose sur l'amour-haine et l'attirance-répulsion autour d'un phénomène naturel rare. Un film touchant, bien joué, jolie reconstitution, des scènes magnifiques et quelques plans champêtres qui ne manque pas d'onirisme, et finalement un film auquel il manque un fil conducteur plus probant. Un bon moment. Note de justesse.

Note :                 

Rosalie (2024) Stephanie GiustoRosalie (2024) Stephanie Giusto

14/20