Boléro (2024) de Anne Fontaine

Continuant à alterner les genres, la réalisatrice Anne Fontaine revient après le drame réaliste "Police" (2020) et la comédie politico-satirique "Présidents" (2021) pour un film historique genre qu'elle avait déjà aborder avec "Coco avant Chanel" (2009) et "Les Innocentes" (2016). La cinéaste adapte la vie du célèbre compositeur de l'opéra "Boléro" Maurice Ravel (Tout savoir ICI !). Elle explique que son projet est parti de ses souvenirs quand elle était jeune danseuse, marquée par une chorégraphie de Maurice Béjart sur le "Boléro" qu'elle avait trouvé moderne et érotique : "Il y a ensuite un désir : l'envie, depuis longtemps, de réaliser un film sur la musique et la danse - mon père étant compositeur et organiste, j'ai baigné toute ma vie dans une atmosphère musicale. Il y a enfin l'énigme que représente le créateur de cette oeuvre inoxydable, qui voyage à travers les époques et les pays, inspire les groupes pop comme la musique répétitives. Comment Ravel l'avait-il conçue ? Je savais peu de choses sur sa personnalité. Je me suis mis en tête de le rencontrer à travers la constructions cyclique et envoûtante du "Boléro". La réalisatrice-scénariste co-écrit son scénario avec Claire Barré, romancière qu'elle retrouve après une première collaboration sur "Police" (2020) qui a entre temps signé le scénario de la comédie "Hommes au Bord de la Crise de Nerfs" (2022) de Audrey Dana. Les deux auteurs ont surtout reposé leur travail sur la biographie "Maurice Ravel" (1986) de Marcel Marnat. Si la musique du film est évidemment celle de Ravel, la direction musicale est assurée par Bruno Coulais, compositeur déjà célèbre qui à qui on doit les B.O. de films comme "Les Choristes" (2003) de Christophe Barratier, "Les Adieux à la Reine" (2011) de Benoît Jacquot ou "Masaan" (2015) de Neeraj Ghaywan et qui retrouve Anne Fontaine après "Gemma Bovery" (2014) et "Blanche comme Neige" (2019)... Paris en 1928, alors que la Ville Lumière vit au rythme des Années Folles la célèbre danseuse Ida Rubinstein commande à Ravel une partition pour son prochain ballet. Mais Ravel est alors dans une phase difficile, il est en panne d'inspiration. Il commence alors à se remémorer sa vie passée, de ses échecs du début à la fracture de la Grande Guerre en passant par son amour impossible avec la muse Misia Sert... 

Ravel est incarné par Raphaël Personnaz vu ces dernières années uniquement dans "Le Tourbillon de la Vie" (2022) de Olivier Treiner et "Nos Frangins" (2022) de Rachid Bouchareb. La diva Ida Rubinstein est interprétée par Jeanne Balibar vue dans "Bâtiment 5" (2023) de Ladj Ly, "Le Processus de Paix" (2023) de Ilan Klipper et "Le Molière Imaginaire" (2024) de Olivier Py. L'artiste Marguerite Long est jouée par Emmanuelle Devos qui retrouve Anne Fontaine après "Coco avant Chanel" (2009) et vue récemment dans "Un Silence" (2024) de Joachim Lafosse et "L'Homme d'Argile" (2023) de Anaïs Tellenne, la muse Misia Sert, jouée justement tout dernièrement par Anouk Grinberg dans "Bonnard Pierre et Marthe" (2023) de Martin Provost, est cette fois jouée par Doria Tillier qui retrouve sa réalisatrice de "Présidents" (2021) et retrouve juste après "Une Affaire d'Honneur" (2023) son réalisateur et partenaire Vincent Pérez qui se fait rare avec ses derniers films "J'Accuse" (2019) de Roman Polanski et "The Curse of Turandot" (2021) de Zheng Xiaolong. Citons ensuite Sophie Guillemin vue dans "L'Île Rouge" (2023) de Robin Campillo et "Monsieur le Maire" (2023) de Karine le Blanc et Michel Tavares, Anne Alvaro vue dans "Arthur Rambo" (2021) de Laurent Cantet ou "Une Zone à Défendre" (2023) de Romain Cogitore, Forence Ben Sadoun journaliste passée par les magazines Première puis Elle déjà apparue sur grand écran dans "Tournée" (2010) de et avec Mathieu Amalric et "Les Jours Venus" (2015) de Romain Goupil, Marie Denarnaud vue dans "Slalom" (2020) de Charlène Favier, "Dalva" (2022) de Emmanuelle Nicot et "Reprise en Main" (2022) de Gilles Perret, Katia Tchenko aperçue dans "De l'Autre Côté du Périph" (2012) de David Charhon ou "Sous le Même Toit" (2017) de Dominique Farrugia, Serge Riaboukine vu dernièrement dans "Vacances" (2022) de Béatrice de Staël et Léo Wolfenstein et "Tombés du Camion" (2024) de Philippe Pollet-Villard, Jean-Chrétien Sibertin-Blanc acteur fétiche de Anne Fontaine dans pas moins de 8 de ses films depuis "Les Histoires d'Amour finissent mal... en Général" (1993) de Anne Fontaine jusqu'au dernier "Présidents" (2021), Constance Verluva surtout connue comme autrice-compositrice qui a aussi été scénariste du film "Un Jeu d'Enfants" (2001) de Laurent Tuel, puis enfin, n'oublions pas une vraie chanteuse de jazz Joniece Jamison choriste connue de nombreuses stars françaises, François Alu danseur étoile, et Alexandre Tharaud pianiste déjà aperçu dans son propre rôle dans "Amour" (2012) de Michael Haneke et qui a aussi été le prof sur le tournage de Raphaël Personna, qui est un pianiste solide mais qui a dû parfaire un peu son talent... La reconstitution historique est soignée, trop peut-être tant on sent le bon élève scolaire qui a suivi sagement le cahier des charges mais qui a la chance d'avoir pu avoir les décors de la vraie maison de Ravel, dit Le Belvédère à Montfory-l'Amaury. Une reconstitution à l'image de la réalisation très et trop académique, fade qui ne rend pas grâce au Boléro. En effet, le récit est sage et monotone et pourtant le Boléro méritait au moins une séquence digne de son panache, au moins un souffle ou une envolée lyrique mais il n'en sera rien.

Malgré le grand pianiste ravélien Alexandre Tharaud jamais la réalisatrice ne parvient à donner du rythme et/ou de pousser le Boléro hors de son contexte incarné par un Maurice Ravel/Personnaz jamais passionné, pour ne pas dire apathique. Si l'artiste n'a jamais compris le succès de ce qu'il jugeait lui-même "vide de musique", on a bien du mal à comprendre ou à déceler la moindre once de bonheur chez l'homme même quand il compose ou dirige. On savoure par contre ces muses incarnées par Doria Tillier et Jeanne Balibar (Emmanuelle Devos en retrait, moins écrit et actrice semblant un peu absente), qui parade et minaude à souhait sans que Ravel/Personnaz ne s'émousse même un chouïa. On passera sur le fait que Misia/Tillier qui devrait avoir 56 ans jouée par une actrice de 37 ans, et que Ida/Balibar devrait avoir 43 alors que son interprète en a 55 (?!) allez comprendre... Le film omet que si Maurice Ravel était discret et pudique il était aussi un dandy qui aimait la vie nocturne ce que le film ne parvient jamais à retranscrire au point qu'on penserait à un ermite sans passion. Par contre, les tergiversions, la recherche d'inspiration, l'approche artistique du compositeur pour arriver à écrire le Boléro reste intéressante et ce jusqu'au succès qui surprend le musicien lui-même et qui ne comprendra jamais cet engouement. En conclusion un biopic mou et inabouti auquel il manque justement cette passion viscérale (17mn de Boléro, il y avait moyen d'un grand final !) qui habite tout artiste génial. 

Note :                 

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11/20