La Zone d'Intérêt (2024) de Jonathan Glazer

Après "Sexy Beast" (2000), "Birth" (2004) et "Under the Skin" (2013) voici le nouveau film de Jonathan Glazer, réalisateur-scénariste allemand  qui adapte le roman éponyme (2014) de Martin Amis, auteur déjà porté à l'écran avec le film "Le Dossier Rachel" (1989) de Damian Harris. L'histoire repose sur le quotidien qui semble hors sol de la famille de Rudolf Höss (Tout savoir ICI !) commandant du camp de concentration de Auschwitz qui a auparavant été incarné par Ralph Fiennes dans "La Liste de Schindler" (1993) de Steven Spielberg. Le romancier est malheureusement mort le jour même où le film a été projeté au Festival de Cannes 2023, il n'a donc pas vu l'accueil reçu par le film et lauréat du Grand Prix. Le film fait de plus en plus parler de lui notamment grâce aux nombreuses nominations pour divers prix dont les Bafta, Golden Globes et Oscars... début 1943, Rudolf Höss est le commandant du camp de concentration de Auschwitz depuis déjà trois années. Il est installé avec sa famille dans une grande maison juste en bordure du camp. La famille Höss semble vivre heureux et paisiblement alors que le commandant gère le camp sans que sa famille soit impliquée... 

Rudolf Höss (Tout savoir ICI !) est incarné par Christian Friedel remarqué dans le chef d'oeuvre "Le Ruban Blanc" (2009) de Michael Haneke, vu ensuite dans "Poulet aux Prunes" (2011) de Marjane Satrapi et Vincent Paronnaud ou "Un Héros Ordinaire" (2015) de Oliver Hirschbiegel, et retrouve après "Amour Fou" (2014) de Jessica Hausner sa partenaire, alias madame Höss, jouée par Sandra Hüller vue dans "Toni Erdmann" (2016) de Maren Ade, "Proxima" (2019) de Alice Winocour ou "L'Etau de Munich" (2021) de Christian Schwochow et surtout dernièrement qui conquiert le monde avec "Anatomie d'une Chute" (2023) de Justine Triet, elle retrouve aussi après "Requiem" (2006) de Hans-Christian Schmid sa camarade Imogen Kogge vue notamment dans "Barefoot" (2005) de Til Schweiger ou "Phoenix" (2015) de Christian Petzold. Citons ensuite Maximilian Beck vu dans "Les Oubliés" (2017) de Martin Zandvliet et "La Bataille de l'Escaut" (2021) de Matthis Van Heijningen Jr., Ralph Herforth aperçu dans "Aeon Flux" (2005) de Karyn Kusama, "Speed Racer" (2008) des Wachowski ou "Un Témoin pour Cible" (2012) de Til Schweiger, Marie Rosa Tietjen vue dans "Pour Lui" (2011) de Andreas Dresen ou "Human Factors" 2021) de Ronny Trocker, puis Sascha Maaz vu dans "Comme si de Rien n'Etait" (2018) de Eva Trobisch et "Fabian ou le Chemin de la Décadence" (2021) de Dominik Graf... La musique est signée de Micachu, musicienne britannique qui retrouve son réalisateur après "Under the Skin" (2013), et qui a signé depuis les B.O. de "Jackie" (2016)  de Pablo Larrain et "Monos" (2019) de Alejandro Landes... Le réalisateur ose un point de vue audacieux, un regard nouveau sur le plus funeste et le plus fameux des camps de la mort, à savoir montrer le quotidien de la famille du commandant nazi qui vit dans une grande maison juste à quelques mètres des massacres que le commandant Höss organise assume et assure. On plonge ainsi dans la maison familiale, avec une épouse qui gère tout comme la mère au foyer idéale, des enfants qui jouent dans le jardin d'eden merveilleusement façonnée par madame et sublimement filmé avec un soin particulier au cadre et à la photographie, tandis qu'au-dessus du mur d'enceinte gris on perçoit les toits des baraquements et des cheminées fumantes. Un coin de paradis à la frontière des enfers crématoires. Si la maison est grande elle reste assez classique, une maison bourgeoise rien de plus normale à priori, mais on reste plus "séduit" par ce jardin fleuri, avec piscine, salon et potager parfaitement entretenu. Une carte postale champêtre qui dénote juste par l'absence du chant des oiseaux, remplacé par des sons plus ou moins inaudibles provenant de l'autre côté de l'enceinte.

Le travail sur le son est assez inouï, un son à la fois vaporeux et métallique avec une musique à la fois fascinante et macabre. Par contre on reste plutôt perplexe sur l'absence, exception fait de 2-3mn vers la fin, trop imposante de cris, du bruit des armes à feu, des aboiements de chiens, et sinon qui proviennent de si loin alors que la maison est accolée directement au camp. On ne voit donc rien, on n'entend que du brouhaha lointain, le récit repose effectivement sur ce quotidien routinier et redondant d'une famille normale dont le père a tout du directeur d'usine ni plus ni moins. On devine que le réalisateur-scénariste a voulu montrer la "normalité" de cette famille, et a voulu imprégner de façon sensorielle notre implication vis à vis de ce qu'on sait tous de Auschwitz, mais malheureusement on est trop éloigné de l'horreur, on se dit que niveau émotion on est loin très loin du film de Spielberg, ou encore de  films comme "Kapo" (1959) de Gillo Pontecorvo ou"Le Fils de Saul" (2015) de Laszlo Nemes. La démonstration est trop clinique, la maison est d'ailleurs si aseptisée que le bonheur se dévoile uniquement dans le jardin. L'horreur du camps se résument à quelques dialogues au propos plus ou moins choquants, des images subtils comme la fumée du train qui dépasse le mur, et un brouhaha incessant mais flou. Le concept et l'angle de vue choisi est intéressant pour ne pas dire assez passionnant mais finalement ça reste un peu vain car nous n'arrivons jamais à nous émouvoir pour cette famille, les enfants sont inintéressants car jamais réellement exploités, madame serait antipathique même si elle n'était pas nazie, et même Rudolph Höss est trop peu montré au travail. On a l'impression que l'idée est géniale, le potentiel dingue mais dans un même temps Jonathan Glazer semble être resté à la surface sans jamais avoir osé gratté juste un petit peu l'écrin. Un film à voir assurément, à conseiller ne serait-ce que pour l'expérience. 

Note :                 

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14/20