[CRITIQUE] : Magnificat

[CRITIQUE] : Magnificat
Réalisatrice : Virginie Sauveur
Avec : Karin Viard, François Berléand, Maxime Bergeron, Nicolas Cazalé, Patrick Catalifo, …
Distributeur : Orange Studio / Alba Films
Budget : -
Genre : Drame, Policier
Nationalité : Français
Durée : 1h37min
Synopsis :
À la mort d' un prêtre, la chancelière du diocèse découvre abasourdie qu'il s'agissait d'une femme ! Contre l'avis de son évêque qui souhaite étouffer l'affaire, elle mène l'enquête pour comprendre comment et avec quelles complicités une telle imposture a été possible...

La critique :

En creux de l'enquête, #Magnificat s'emploie à montrer les rouages ​​du système religieux, qui placent les femmes dans des rôles de soutien (moral et organisationnel), mais également dans une fonction sacrificielle sans jamais leur octroyer une fois de pouvoir. ( @CookieTime_LE ) pic.twitter.com/dHOFDvWhuz

– Putains de cinéphiles (@FuckCinephiles) 8 juin 2023

Virginie Sauveur adapte le livre Des femmes en noir pour son premier film au cinéma. Après une belle carrière au sein du petit écran (où elle a réalisé cinq téléfilms, ainsi que des épisodes de série dont Engrenages pour Canal + et Virage Nord pour Arte), la réalisatrice se tourne vers la salle avec un sujet de taille : les femmes prêtres. Ça n'existe pas va–t-on nous dire. Dans Magnificat , ça existe et met une belle pagaille dans la vie de Charlotte (Karin Viard), la chancelière du diocèse de Paris.

[CRITIQUE] : Magnificat

Copyright (2021) MOVE FILM – TERENCE FILMS – ORANGE STUDIO


Virginie Sauveur décide de faire du corps son principal moteur de narration. Elle filme d'ailleurs un corps au début du film, dans la mer, avec une luminosité douce. La séquence est solennelle et fait penser à un baptême en immersion. Dépouillé d'un regard sexualisant, ce corps ne fait qu'un avec les vagues et devient presque un symbole de spiritualité au cœur d'un élément puissant. C'est exactement ce qu'est Charlotte au fond. Une femme dont le rôle est d'archiver les actes du diocèse et de préserver le droit canonique. Un travail conséquent mais traité comme subalterne par l'évêque (François Berléand) et son auxiliaire (Patrick Catalifo). C'est elle qu'on appelle néanmoins quand un des prêtres de l'évêché décède et que le pot aux roses est découvert. Le père Foucher est une femme et son médecin, un vieil ami, refuser de cacher la vérité sur l'acte de décès. Que faire alors ? Étouffer l'affaire. Le corps est incinéré promptement et une cérémonie commémorative décrite à la haine, pour couvrir la dissimulation. Ce corps, camouflé depuis si longtemps, ouvre une nouvelle perspective à Charlotte, allume une lumière en elle comme nous le montre un plan, de nouveau symbolique, où son visage encadré par une porte est illuminé grâce au feu de la crémation avant d'être englouti par les ténèbres.


Si le personnage suit au doigt et à l'œil les instructions de son évêque concernant la dissimulation, elle ne peut pas s'empêcher d'enquêter pour en apprendre plus sur le père Foucher. Elle veut comprendre pourquoi. Elle veut savoir commenter. Une curiosité qu'elle met d'abord sur le compte du diocèse qu'elle veut protéger, même si l'on comprend bien qu'un autre feu la porte. En creux de l'enquête, Magnificats'emploie à montrer les rouages ​​du système religieux, qui placent les femmes dans des rôles de soutien (moral et organisationnel), mais également dans une fonction sacrificielle sans jamais leur octroyer une fois de pouvoir. La découverte d'une femme prêtre ouvre une discussion sur la place du sexe (en tant qu'organe) dans la fonction religieuse. Pourquoi un prêtre devrait-il obligatoirement être un homme quand on se soumet à une non-sexuation du corps ? On souffle fort à l'annonce du médecin suite au décès du prêtre" il s'agit d'une femme, une vraie femme", c'est-à-dire avec un sexe de femme. Mais la réalisatrice semble s'éloigner d'une pensée essentialiste à mesure que l'enquête avance, et pense le corps au-delà du sexe biologique. Dès que l' on commence à imaginer qu'une femme peut être prêtre, ce n'est pas seulement l'idée qui provoque la peur, mais tout ce qui en découle. Le père Foucher dévoile l'hypocrisie religieuse autour des femmes, victime d'une puissante omerta les confinant aux secrets et aux mensonges.

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Hélas, il est une choisi d'avoir un bon sujet pour réaliser un film, il en est une autre de réaliser un bon film. L'Enfer est pavé de bonnes intentions comme on dit. Virginie Sauveur n'arrive pas à injecter du "cinéma" dans son film, malgré une mise en scène travaillée autour d'une symbolique religieuse. Les plans sont désespérément plats, la lumière uniforme (à part quelques très beaux plans), les dialogues insipides. L'enquête pâtit d'une lourdeur narrative lorsqu'il est question du secret que cache Charlotte à son fils. Cette partie du récit, d'un mélodrame dont on se passerait, doit se rattacher à un propos qui, lui, nous intéresse plus. C'est comme si la réalisatrice avait peur de ne parler que de la place des femmes dans l'Église et qu'elle se sentait obligée d'y insérer un peu de drame supplémentaire,
Mais on ne peut nier le sérieux avec lequel Virginie Sauveur traite son sujet, qui permet à son personnage d'imaginer, d'une manière utopique certes, une religion débarrassée de ses idées archaïques. Une chrétienté nouvelle où la foi prime sur le sexe de celui ou celle qui en donne les clefs.
Laura Enjolvy
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