EO (2022) de Jerzy Skomilowski

Le réalisateur polonais revient avec un remake, ou plutôt avec une variation autour d'un autre film à savoir en s'inspirant de "Au Hasard Balthazard" (1966) de Robert Bresson qui reçu le Lion d'Or à la Mostra de Venise. Le cinéaste avait parlé de ce film dans une interview dans les Cahiers du Cinéma il y a une dizaine d'années, le film de Bresson l'avait ému aux larmes : "Je pense l'avoir découvert juste après sa sortie. Depuis, je n'ai pas versé une larme au cinéma. Ainsi, je dois à Robert Bresson d'avoir acquis la conviction que de faire d'une animal un personnage de film est non seulement possible, mais aussi une grande source d'émotions." Le réalisateur-scénariste co-signe le scénario avec Ewa Piaskowska qu'il retrouve donc après "Quatre Nuits avec Anna" (2008), "Essential Killing" (2010) et "11 Minutes" (2015). Le film a recueilli plus de 100000 entrées France ce qui est un joli score vu la singularité du film, avec un très bel accueil critique en prime dont le Prix du Jury au Festival de Cannes 2022... 

EO (2022) de Jerzy Skomilowski

EO est un âne de cirque qui travaille avec une jeune foraine mais une nouvelle loi oblige la confiscation des animaux du cirque. EO est enlevé à son environnement. EO va alors parcourir tout un périple où il va être témoin des actes plus ou moins compréhensifs des humains qu'il rencontre... Au casting quelques acteurs plus ou moins connus, la dresseuse est interprétée par Sandra Drzymalska vue dans le film "Sole" (2019) de Carlo Sironi et dans la série TV "Sexify" (2021). Citons ensuite Lorenzo Zurzolo remarqué dans la série TV "Baby" (2018-2020), Mateusz Kosciukiewicz vu dans "Aime et Fais ce que tu Veux" (2013) et "Mug" (2018) tous deux de Malgorzata Szumowska et retrouve Skolimowski après "11 Minutes" (2015), Tomasz Organek star musicien polonais dans son premier film, la française Isabelle Huppert dans une année déjà faste avec "Les Promesses" (2022) de Thomas Kruithof, "À Propos de Joan" (2022) de Laurent Larivière ou "Une Robe pour Mrs Harris" (2022) de Anthony Fabian, qui retrouve aussi sa fille Lolita Chammah pour leur 5ème collaboration depuis "Une Affaire de Femme" (1988) de Claude Chabrol et juste avant une 6ème avec "Caravage" (2022) de Michele Placido. Et surtout n'oublions pas EO qui a eu droit à son casting comme l'explique Skolimowski : "Il s'appelle Tako. Dès que je l'ai vu, j'ai su qu'il serait la star de mon film. Un second casting a été réalisé ensuite afin de lui trouver les meilleures doublures possibles. Nous avons employé 6 ânes au total : Tako, Hola, Marietta, Ettore, Rocco et Mela."...

EO (2022) de Jerzy Skomilowski

Le film débute dans une séquence très rougeoyante fantasmagorie dont on ne comprend pas grand chose. Puis très vite EO quitte son cirque sous les yeux embués de sa maîtresse qui se retrouve seule. Sous couvert de maltraitance dans les cirques EO se retrouvent à porter une charrette pour d'autres. EO a pu croiser des cheveux galopant en liberté, tombe peut-être même amoureux d'un bel étalon blanc, croise de nuit des chasseurs d'élite, bref, EO croise des humains comme des animaux. Mais avec les seconds il n' y a jamais de danger, avec les humains tout dépend. Mais ce qui frappe c'est comment le réalisateur capte le regard de EO, deux grands yeux noirs où passent l'innocence, la gentillesse, la béatitude, la tendresse, la mélancolie surtout ou encore la stupeur ou l'incompréhension. Mais faut l'avouer il y a aussi du vide ou plutôt sans savoir ce qui peut bien se passer dans sa tête. Certains passages sont touchants (essentiellement ceux avec sa dresseuse), beaucoup de manquent pas de poésie et de lyrisme (rapport à la faune et à la flore), mais trop de scènes sont aussi soient trop longues soit juste inintéressantes (la plupart des scènes avec les humains). C'est une fable qui ne dure heureusement pas longtemps (1h30 pas plus ouf), un conte façon road-movie mais avec un âne comme témoin du monde. C'est sans doute un peu trop inoffensif, voir même trop sage mais le trip reste assez originale et fascinant pour se laisser aller à cette expérience unique dont plusieurs passages d'une beauté inouïe.

Note :                 

(2022) Jerzy Skomilowski(2022) Jerzy Skomilowski

14/20