Le salaire de la violence

Un grand merci à Sidonis Calysta pour m’avoir permis de découvrir et de chroniquer le blu-ray du film « Le salaire de la violence » de Phil Karlson.

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« Laisse un homme faire à ta place une chose que tu devais faire et tôt ou tard il se pensera supérieur »

Lee Hackett, rancher brutal, à la limite de la violence, a deux fils qu’il essaie d’éduquer à son image. Il a pleinement réussi avec l’ainé d’entre eux, puisque ce dernier est accusé de meurtre. En revanche, le plus jeune prend le contrepied de son père, allant jusqu’à être attiré par la sœur de la victime. Pour Lee, les temps commencent à changer et les deux frères vont devoir s’opposer.

« Savoir tirer est moins important que de savoir quand on doit tirer »

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Ex-poulain du Studio Universal, Phil Karlson y exerce divers métiers plus ou moins techniques avant d’être promu assistant-réalisateur au début des années 30.Là, il apprend le métier de cinéaste sur le tas, en côtoyant quelques pointures de l’époque comme Richard Thorpe, Walter Lang, Arthur Lubin ou encore le français René Clair. Mais il faut attendre la fin de la Seconde Guerre Mondiale pour le voir prendre son envol comme réalisateur. Abonné aux films de série B, apprécié des producteurs pour sa faculté à respecter les délais et les budgets de tournage, Karlson donne un temps dans le film d’aventures avant de se spécialiser au cours des années 50 dans le film noir, principalement pour la Columbia. On lui doit d’ailleurs quelques pépites du genre, telles « L’inexorable enquête » (1952), « Le quatrième homme » (1952), « On ne joue pas avec le crime » (1955) ou encore « Les frères Rico » (1957), l’une des rares adaptations américaines d’un roman de Simenon. Mais alors que le genre s’essouffle doucement à la fin de la décennie, le cinéaste rate le coche vers les films de série A en refusant notamment de diriger le premier James Bond (« James Bond contre Dr. No », 1962) pour des raisons bêtement salariales. Il continue alors d’alterner les genres, passant du film de guerre (« Saipan », « L’assaut des jeunes loups ») à la comédie d’espionnage (la saga des « Matt Helm ») en passant par le drame musical (« Un direct au cœur », avec Elvis Presley) ou encore le western, avec « Le salaire de la violence » (1958) qui nous intéresse aujourd’hui.

« Il se peut que votre père soit plus rapide que vous et qu’il vous devance de dix ou vingt ans. Et vous ne pourrez jamais le rattraper. »

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Sur le papier, « Le salaire de la violence » semblait comporter tous les éléments d’un western classique. A commencer par ses figures archétypales, tel ce patriarche, ancien pionnier ayant bâti à la sueur de son front (et de son colt) l’un des ranchs les plus prospères de la région. Au point d’être devenu une sorte de potentat local, craint de tous mais dont le pouvoir commence à gêner autant les petits éleveurs que les pouvoirs publics. Mais avec beaucoup de malice et de finesse, Phil Karlson prend ses spectateurs à contrepied en n’empruntant pas la voie toute tracée que semblait dessiner le scénario. D’affrontement avec ses contradicteurs il ne sera finalement pas ici question, le cinéaste préférant recentrer son intrigue sur un pur (et passionnant) drame familial. Le meurtre gratuit – et proprement raciste – d’un jeune indien par l’un de ses fils faisant alors apparaitre des lignes de faille au sein du clan. Faisant des choix différents, les deux fils s’opposeront et remettront en cause, chacun à sa manière, l’éducation et les préceptes de leur père. L’ainé choisira de céder à ses démons intérieurs et tentera d’asseoir son autorité par la violence, tandis que le benjamin refusera de recourir aux armes et choisira d’épouser une indienne. En creux, il dessine au travers de ce cowboy vieillissant la fin d’une époque et le portrait d’une Amérique en proie à de profonds changements civilisationnels. Les deux frères représentants ainsi, tels Abel et Caïn, les deux visages antagonistes d’une même société, l’une étant conservatrice et raciste, l’autre progressiste et pacifique. Et comme dans l’ouest tous les problèmes se règlent toujours par le sang, la scène du duel final n’en sera que plus bouleversante, conférant au film une dimension tragique. Porté par un scénario d’une étonnante finesse ainsi que par un casting de grande qualité (dominé par l’immense talent de Van Heflin), « Le salaire de la violence » se révèle être un western extrêmement fort et marquant. Assurément une très belle surprise.

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Le blu-ray : Le film est présenté en version restaurée dans un Master Haute-Définition et proposé en version originale américaine (2.0) ainsi qu’en version française (2.0). Des sous-titres français sont également disponibles.

Côté bonus, le film est accompagné d’une présentation du film par Patrick Brion, Bertrand Tavernier et Jean-François Giré ainsi que d’un documentaire.

Édité par Sidonis Calysta, « Le salaire de la violence » est disponible en édition collector silver blu-ray + DVD ainsi qu’en édition DVD simple depuis le 1er juin 2022.

Le site Internet de Sidonis Calysta est ici. Sa page Facebook est ici.