Les Lumières de la Ville (1931) de Charles Chaplin

5ème long métrage de Charles Chaplin après "The Kid" (1921), "L'Opinion Publique" (1923), "La Ruée vers l'Or" (1925) et "Le Cirque" (1928). Alors que le parlant explose le cinéaste entreprend de rester fidèle au style du Muet tandis que le Krach de Wall Street de 1929 va venir nourrir encore plus son histoire dans sa dimension sociale. Une nouvelle fois l'artiste cumule et assume les différentes casquettes de Producteur-réalisateur-scénariste-monteur-acteur et même compositeur, même si cette fois le thème "Violetera" de la marchande de fleurs est signée du musicien espagnol José Padilla Sanchez. Doté d'un budget confortable de 1,5 millions de dollars soit son film le plus cher à cette époque, il aura fallu à Chaplin près de trois ans de travail dont 534 jours de tournages. Charles Chaplin peut se le permettre, il est alors au sommet de sa gloire et s'offre même le luxe de ne pas faire un film parlant, juste un film sonore (son premier !) comme pour dire je peux mais j'en ai pas besoin ! Chaplin refuse le parlant car il trouve que la parole positionne les personnages dans l'immobilisme. Et pourtant, le film reste le premier où on entend la voix de Chaplin pour la première fois ! Le film sera un nouveau succès mondial, critique et public. Pour l'anecdote, Le grand Orson Welles confiera plus tard qu'il s'agit de son film préféré de tous les temps... Charlot, un vagabond tombe amoureux d'une jeune vendeuse de fleurs aveugle qui vit avec sa mère couverte de dettes. Mais suite à un malentendu alors que Charlot lui achète une fleur, la belle fleuriste s'imagine que le vagabond est en fait un homme très riche. Plus tard, Charlot tente de trouver un travail pour pouvoir aider la jolie fleuriste... 

Les Lumières de la Ville (1931) de Charles Chaplin

Chaplin incarne une énième fois son personnage emblématique de vagabond qui s'éprend d'une jeune femme malgré sa pauvreté. Cette dernière est cette fois incarnée par Virginia Cherrill, mais trop mondaine et peu investie Chaplin la renvoie, auditionne Georgia Hale son actrice dans "Le Cirque", puis finalement réengage Virginia Cherrill qui accepte non sans en profiter pour obtenir une augmentation de son cachet. L'actrice a été remarquée dans un petit rôle non créditée dans "Les Rois de l'Air" (1928) de Howard Hugues, et fera une courte carrière entre autre avec les films "The Brat" (1931) de John Ford et "Fast Workers" (1933) de Tod Browning avant d'épouser un certain Cary Grant rencontré sur le film "Blonde Venus" (1933) de Josef Von Sternberg. La grand-mère est interprétée par Florence Lee, vétérante ayant débutée avec le film "Teaching Dad to Like Her" (1911) de D.W. Griffith. Le milliardaire est joué par Harry Myers qui tourna près de 340 films de "The Guerilla" (1908) de D.W. Griffith à "Terreur à l'Ouest" (1939) de Lloyd Bacon en passant par "Les Bons Larrons" (1922) de Rex Ingram ou "Soupe au Lait" (1936) de Leo McCarey. Citons plusieurs acteurs fidèles de Chaplin, Allan Garcia qui tourna dans quasi tous ses films de "Charlot et le Masque de Fer" (1921) à "Les Temps Modernes" (1936) à l'instar de son partenaire Henry Bergman vu dans 25 films de Chaplin depuis "Charlot Musicien" (1916), Albert Austin vu dans plusieurs également entre "Charlot et le Comte" (1916) et "Les Lumières de la Ville" (1931), puis Granville Redmond qui retrouve ses derniers dans "Une Vie de Chien" (1918), "Charlot et le Masque de Fer" (1921), "The Kid" (1921) et "L'Opinion Publique" (1923). N'oublions pas le boxeur alias Hank Mann vu dans plus de 460 films depuis le burlesque des Keystone (policiers hystériques et incompétents récurrents dans de nombreux courts entre 1912 et 1918), qui passera au parlant de "Scarface" (1932) de Howard Hawks à "Le Dernier Train de Gun Hill" (1959) de John Sturges en retrouvant Chaplin dans "Les Temps Modernes" (1936) et "Le Dictateur" (1940). Puis enfin citons deux rôles non crédités, joués par Robert Parrish qui débuta comme acteur souvent pour John Ford et qui deviendra réalisateur de films comme "L'Implacable" (1951), "L'Enfer des Tropiques" (1957) ou "L'Aventurier du Rio Grande" (1959), et Jean Harlow qui devient une star entre temps avec les films "Les Anges de l'Enfer" (1930) de Howard Hugues, "L'Ennemi Public" (1931) de William Wellman et "La Blonde Platine" (1931) de Frank Capra... Le film débute avec une inauguration d'un monument intitulé "Paix et Prospérité" sur lequel dort un vagabond, un pied de nez aux institutions qui donne le ton de cette fable sociale ironique, drôle et mélancolique, toujours avec Chaplin. Mais surtout on retiendra ce dialogue incompréhensible, premier "charabia" qui s'avère être en fait la propre voix de Charles Chaplin qu'on entend alors pour la première fois en 1931. 

Les Lumières de la Ville (1931) de Charles Chaplin

On suit donc le vagabond Charlot qui tombe amoureuse d'une fleuriste aveugle et qu'il va tenter de séduire alors qu'elle le croit riche, ce qu'il serait presque dans les moments d'ivresse ! Les 1h25 sont une succession de scènes toutes devenues mythiques, qui pourraient d'ailleurs se regarder comme des courts métrages uniques. Car si le tout fait un film linéaire il manque sans doute un peu de fluidité, le montage donnant l'impression d'une simple suite de sketchs malicieusement montés les uns aux autres. C'est bien le seul bémol du film. Notons que la grande et longue partie "boxe" est inspiré du court métrage "Charlot boxeur" (1915) que l'artiste rallonge et améliore. Chaplin pousse son perfectionnisme au maximum, comme la scène de la rencontre qui a mérité pas moins de 342 prises (!), car le cinéaste voulait trouver le "truc" parfait pour que les circonstances puissent être crédibles puisque la demoiselle est aveugle. Chaplin aborde une fois de plus les sujets des inégalités sociales mais aussi de l'handicap et c'est là encore que le maitre touche au génie en mettant en avant une femme qui ne voit pas face à un public qui n'a nul besoin d'entendre. Humour et émotion sont une nouvelle fois les deux piliers de Chaplin avec cette optmisme qui est toujours préféré à la fatalité. A voir revoir et à conseiller.  

Note :  

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17/20