Cinéma | MEN – 13/20

Cinéma | MEN – 13/20

De Alex Garland
Avec Jessie Buckley, Rory Kinnear

Chronique : Parabole horrifique tordue, Men sait très bien mettre son spectateur mal à l’aise. Alex Garland installe rapidement une ambiance austère et oppressante en exilant son héroïne traumatisée dans un petit village isolé. Un village qui a la caractéristique d’être habité par des hommes qui ont tous le même visage et qui vont se révéler de plus en plus inquiétants, voir menaçants.
La mise en scène est aussi folle qu’élaborée, traduisant parfaitement l’angoisse qui monte crescendo. La photographie joue superbement des lumières naturelles ou artificielles pour renforcer le malaise ambiant, les plans alternent visions suggestives et explicites pour témoigner de l’horreur et de la panique grandissante qui s’empare de Harper.
Après la présentation de ce comité d’accueil passablement anxiogène, Men se mue tout d’abord en Home Invasion movie efficace, puis vire progressivement au fantastique, paré d’une esthétique gore volontairement grotesque, mais pas moins terrifiante.
Derrière ces effets visuels et narratifs, Men s’en prend assez clairement au lourd héritage d’une société patriarcale attaquée dans son identité mais coriace dans sa volonté de résister, terreau ancestral de la masculinité toxique (le symbole de la pomme et du péché originel dès les premières minutes est tout sauf un hasard). Les multiples visages identiques du mâle (mal ?) renvoient à des millénaires d’éducation viriliste, à la misogynie ordinaire et par extension aux difficultés pour les femmes de faire entendre leur voix.
Mais en camouflant grossièrement son message derrière la fable d’épouvante, le réalisateur nous perd un peu, peut-être volontairement d’ailleurs, mais il nous laisse être les propres interprètes de la bizarrerie qu’on regarde. Quitte à ce qu’on ne la comprenne pas tout à fait et qu’on en sorte un peu frustrés.
Mais la proposition vaut indéniablement d’être reçue, ne serait-ce que pour les performances magistrales de Jessie Buckley et surtout de Rory Kinnear, impressionnant en hydre à 1000 têtes symbole monstrueux du male gaze.

Synopsis : Après avoir vécu un drame personnel, Harper décide de s’isoler dans la campagne anglaise, en espérant pouvoir s’y reconstruire. Mais une étrange présence dans les bois environnants semble la traquer. Ce qui n’est au départ qu’une crainte latente se transforme en cauchemar total, nourri par ses souvenirs et ses peurs les plus sombres.