La Troisième Guerre (2021) de Giovanno Aloi

Après quelques courts métrages comme "A Passo d'Uomo" (2014) et "E.T.E.R.N.I.T." (2015), puis après un premier long métrage "Tension Superficielle" (2020) resté inédit à l'exception de l'Italie, le réalisateur-scénariste italien Giovanni Aloi s'intéresse aux militaires français de l'opération Sentinelle à Paris ; on peut d'emblée s'interroger sur le fait qu'un italien ait choisi la France pour ce sujet alors qu'en Italie il doit y avoir un protocole similaire. Mais deux autres paramètres intéressent le cinéaste, la notion de "guerre" et le fait que la plupart des soldats sont issus de milieux modestes voir défavorisés. Le cinéaste co-signe le scénario en collaboration avec le français Dominique Baumard qui a travaillé sur la série TV "Le Bureau des Légendes" (2018-2020) et qui a également en salle actuellement son film "Les Méchants" (2021) co-signé avec Mouloud Achour. Giovanni Aloi avoue plusieurs références comme "Serpico" (1973) de Sidney Lumet et "Taxi Driver" (1976) de Martin Scorcese mais il donne sa préférence à "Le Désert des Tartares" (1976) de Valerio Zurlini...

La Troisième Guerre (2021) de Giovanno Aloi

Léo Corvard vient de terminer ses classes et pour sa première affectation il est missionné pour l'opération Sentinelle à Paris. Il arpente les différents quartiers de la capitale avec son équipe habituelle avec qui il vit à l'affût de la moindre menace. Mais outre les missions, il y a aussi le quotidien dans la caserne avec des militaires qui sont désormais sa famille... Le jeune Léo est interprété par Anthony Bajon, vu entre autre dans "La Prière" (2018) de Cédric Khan, "Au Nom de la Terre" (2019) de Edouard Bergeon, et récemment dans "Teddy" (2021) des frères Boukherma et dans "Les Méchants" cités plus haut. Son partenaire est incarné par Karim Leklou vu récmment dans le très bon (2021) de Cédric Jimenez, son chef de patrouille est jouée par l'actrice Leïla Bekhti vue dernièrement dans "Comment je suis devenu Super-Héros" (2021) de Douglas Attal en attendant "Les Intranquilles" (2021) de Joachim Lafosse, Leklou et Bekhti se retrouvent ainsi après "Un Prophète" (2009) de Jacques Audiard et "La Source des Femmes" (2011) de Radu Mihaileanu. Citons ensuite l'officier incarné par Jules Dousset, vu surtout au théâtre et à la télévision dans diverses séries, mais plus rarement sur grand écran comme dans (2020) de Ruben Alves... Le film débute avec une immersion au sein du service militaire en question, les Sentinelles. Ainsi, on sent une volonté de réalisme qui frôle le docu-fiction. D'ailleurs le cinéaste aime à rappeler que le film a reçu l'aide d'anciens militaires des Sentinelles, conseillers techniques :"Nous nous sommes familiarisés avec leur langage, mais également avec la façon dont ils regardent la ville, à la recherche d'éventuels suspects. L'inactivité et le sentiment d'inutilité provoquent de nombreuses dépressions et beaucoup quittent l'armée. Sur le plateau, nous avions un conseiller militaire qui donnait aux acteurs des consignes précises quant aux gestes, aux mouvements, au maniement des armes, à la façon de regarder".

La Troisième Guerre (2021) de Giovanno Aloi

Effectivement, le quotidien des soldats, la routine, les protocoles et autres règlements sont crédibles et permettent une vraie plongée dans la réalité de ces soldats, même si on espère que nos soldats français ne sont pas aussi primaires (pour être gentil). Mais, si sur le quotidien "technique", surtout et essentiellement au sein de la caserne et les liens entre les effectifs sont très biens rendus, on constate que sur la partie "mission" sur le terrain le film est par contre souvent approximatif pour ne pas dire invraisemblable. Par exemple on sourit quand la patrouille s'intéresse à un porteur de couteau mais laisse filer des pickpockets, car en effet, les Sentinelles ne peuvent rien faire d'autres que d'agir seulement et uniquement en cas d'attentat ou de suspicion d'attentat. Les autres crimes et délits sont l'apanage de la police. On sourit d'ailleurs à la stupidité des répliques comme lorsque la police est dite parisienne (on sait tous qu'il y a des policiers un peu partout en France). Idem il est inconcevable que des Sentinelles dérogent au protocole qui est d'informer, aviser, mettre en place un périmètre de sécurité, et non pas de jouer les héros et encore moins les démineurs du dimanche. Ne parlons pas de la prise de risques ridicules et inutiles lors d'une manifestation. Clairement tous les passages des missions opérationnelles sonnent faux, ne sont pas crédibles, jouent la carte des clichés héroïques (tout le monde est suspects... etc... et on est toujours à l'affût) alors qu'il s'agit surtout d'ennui et de routine. La vraie réussite du film réside plus sur la détresse du soldat, privé de "vraie" mission, qui se sent inutile ou si peu considéré, le rapport à l'autorité aussi, et cette propension à croire à une guerre inévitable. La grande partie du film oscille donc entre les missions souvent semées d'actes stupides et/ou improbables et les scènes du quotidien à la caserne. On notera par contre un dernier quart d'heure qui fait monter la tension de façon probante, une cassure dans l'armure du soldat, une angoisse et un suspense efficacement mis en scène qui sauve le film du râtage complet. En conclusion, un film au sujet interéssant, au final prenant, mais auquel il manque un niveau technique sur le niveau des missions bien plus sérieux et probants.

Troisième Guerre (2021) Giovanno AloiTroisième Guerre (2021) Giovanno Aloi