[LES CARNETS DE L’ÉTRANGE] : Jour 4

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Étrange Festival cuvée 2021 : J-4.

Le rendez-vous de la rentrée pour les cinéphiles parisiens est, comme chaque année, L’Étrange Festival et son lot de curiosités venues des quatre coins du monde. Né en 1993, l’évènement prend place, cette année et comme d’habitude, au Forum des images, dans le centre de la capitale. C’est un immanquable pour tous les passionnés d’horreurs, de genre, de bizarre, de tout ce qui sort des écrans conventionnels et qu’on ne verrait pas ailleurs. Cette année, le festival propose sa traditionnelle compétition, sa sélection Mondovision, ses découvertes de nouveaux talents et ses trouvailles de documentaires mais aussi des cartes blanches et focus. La réalisatrice Lynne Ramsay a ainsi amené quelques œuvres avec elle, tout comme Pierre Bordage. On retrouve, enfin, des projections des films de Atsushi Yamatoya, un focus Fred Halsted et trois films de Yûzô Kawashima.

C’est un programme fort alléchant auquel on est ravi d’assister. Nos rédacteurs se font un plaisir de découvrir, pour vous, ces inédits ou ces rétrospectives.

Samedi c’est jour de fête. Les Parisiens se donnent rendez-vous dans des bars où la bière (ou le coca) coule à flot. Le programme de la Fucking Team est un peu différent : il s’agit de fêter le cinéma et plus particulièrement celui défendu par L’Etrange Festival. Comme chaque jour, il est difficile de choisir les séances, entre les rétrospectives alléchantes et les court-métrages qui attisent la curiosité. Notre équipe choisit finalement de se concentrer sur la compétition Nouveau Genre, avec deux films présentés dans ce cadre. On retrouve aussi, au milieu, une avant-première sélectionnée dans la catégorie Mondovision.

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© D.R.

Manon se dirige d’abord vers Sweetie You Won’t Belive It, décrit comme étant une comédie horrifique kazakh, réalisée par Yernar Nurgaliyev. Trois amis décident de partir à la pêche, sur l’idée de Dastan, qui souhaite s’éloigner des fréquentes disputes avec sa femme enceinte. La journée se gâte lorsque leur route croise celle de petits mafieux. Mais ce n’est rien face à ce qui les attend encore… Notre rédactrice s’exprime : « Sweetie You Won’t Believe It est l’enfant caché de Very Bad Trip et Massacre à la tronçonneuse. On y retrouve les traditionnels personnages masculins un peu beauf, pas très doués, fuyant les humeurs d’une femme, croisant la route de gangsters plus bêtes que méchants, jusqu’à être poursuivis par une sorte de Leatherface – en moins glauque et c’est un peu ça le problème. L’aspect horrifique est complètement sous-traité, ce qui donne parfois la sensation que l’on est face à un Scary Movie, avec quelques blagues potaches un peu trop axées sur la phase anale. Les gags s’enchaînent, les personnages sont dans une incarnation constante du burlesque (on ne peut pas dire que les acteurs ne sont pas en train de s’éclater) et le film, victime de sa générosité, devient vite indigeste. L’avantage c’est que, dans cet alignement de tentatives de faire rire le spectateur, il y a nécessairement quelques scènes qui fonctionnent (dont une clairement hilarante). »

Sweetie You Won’t Believe It sera rediffusé samedi 18 septembre à 14h45.

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Copyright Hype Film

Manon continue sa journée avec la séance de La Fièvre de Petrov, dans laquelle elle croise son comparse John. Le film russe de Kirill Serebrennikov (Leto) avait été présenté en compétition au dernier Festival de Cannes, duquel il était reparti bredouille. Il s’agit de l’adaptation du roman Les Petrov, la grippe, etc. d’Alexeï Salnikov. Sous l’emprise de la fièvre, Petrov est entraîné par son ami Igor dans une errance alcoolisée et médicamenteuse. Progressivement, les souvenirs d’enfance de Petrov ressurgissent et se confondent avec le présent…

On commence par laisser la parole à John : « Formellement incroyable autant qu'il est narrativement illisible, La Fièvre de Petrov est une expérience brute et minutieuse dont l'ironie, la folie et le catastrophisme ne peut s'apaiser avec des hectolitres de vodka ou de Tylenol; une oeuvre à part qui laisse le sentiment pugnace que dans ce chaos plus évocateur qu'il n'en a l'air, notre société contemporaine - et pas uniquement russe -, est frappée d'une maladie bien plus grave qu'un simple virus passager. »

Notre rédacteur en chef en a tiré une critique complète, que vous pouvez retrouver ici.

Au tour de Manon de s’exprimer au sujet du film : « La Fièvre de Petrov est pour le moins déroutant. La narration est (probablement volontairement) confuse, les scènes se mélangent, se confondent, à travers une mise en scène impressionnante. Serebrennikov semble vouloir nous dire quelque chose de son pays (avec lequel il est en termes compliqués), à travers ce chaos. Ce n’est pas très clair, pour le meilleur comme pour le pire, mais c’est une expérience moite, rebelle, qui laisse perplexe autant qu’elle fascine. »

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Copyright Hype Film

La Fièvre de Petrov sera rediffusé le dernier jour du festival, dimanche 19 septembre à 20h00.

La journée se termine avec la projection d’Inexorable le dernier film du réalisateur Fabrice Du Welz. Marcel, un écrivain qui a auparavant connu le succès avec son roman Inexorable, est mariée à Jeanne, une grande éditrice, avec laquelle il a une petite fille, Lucie. A la mort du père de Jeanne, la famille s’installe dans sa grande propriété et fait la rencontre d’une mystérieuse et timide jeune femme, Gloria.

Léa n’a pas été totalement convaincue par le film, accompagné par son équipe en très grande forme : « C’est vraiment une expérience de L’Etrange que de voir ce film, présenté par un Benoît Poelvoorde qui court-circuite tout, et qui s’assoit ensuite à un rang de nous pour découvrir l'œuvre en même temps que les spectateurs. “Si vous sortez pendant le film, je retiendrai vos visages!” lance-t-il à une salle hilare. Passé ce cadre survolté, cet Inexorable commence, avec son cadre très dark academia dans un manoir perdu dans la campagne, sa famille de nantis artistes, un gentil chien. La photographie est granuleuse, très belle, chaleureuse. Gloria, éducatrice de chien, amie, et bonne à tout faire, vient lentement s’incruster dans cette famille. Le pitch vous rappelle quelque chose ? C’est vrai, et c’est le principal défaut du film : tout est déjà-vu, prévisible, référencé jusqu’à l’os. C’est dommage, d’autant que le casting est impliqué et les moments de tension bien gérés. Entre les films de Chabrol, Bong, Haneke, les références s’accumulent et finissent par écraser le récit. Les thèmes abordés, comme la classe sociale et la légitimité artistique, sont seulement effleurés. Seule la fin parvient à s’envoler de ce cadre, et encore : c’est bien timide. En bref, un thriller efficace, mais seulement cela. »

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Copyright Kris Dewitte

Manon est un peu plus enthousiaste : « Fortement empreint par les paysages de son pays (la Belgique), Fabrice Du Welz propose un récit qui traite, sur fond de lutte des classes, des rapports sociaux entre les individus et des conséquences de nos actions. Les personnages sont étonnamment bien écrits et le thème de la vengeance flirte avec le désespoir, la fascination mais aussi la mort. Les fantômes hantent ce film tiraillé entre une maison froide et bourgeoise et l’animalité de l’humain dans lequel les pulsions rejoignent les sentiments. Du Welz possède toujours un sens aiguisé du visuel et son association avec le directeur de la photographie Manu Dacosse ne pouvait que proposer une image organique, à l’instar de son œuvre, sur laquelle on se rince les yeux avant qu’elle nous happe complètement. Le cinéaste se réapproprie des récits déjà traités mais les associe à ses obsessions pour un résultat plutôt convaincant. A noter que le film est co-écrit par Aurélien Molas et Joséphine Hopkins, déjà repérée à L’Etrange Festival pour son court-métrage Nuage. »

Vous êtes amateurs de Fabrice Du Welz et Benoît Poelvoorde ? Le film sera rediffusé jeudi 16 septembre à 18h45.

Notre équipe vous dit à demain pour un nouveau bilan de L’Etrange !

La Fucking Team (Manon Franken)

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