[CRITIQUE] : The Innocents

[CRITIQUE] : The Innocents

Réalisateur : Eskil Vogt
Avec : Rakel Lenora Fløttum, Alva Brynsmo Ramstad, Sam Ashraf,...
Distributeur : Kinovista
Budget : -
Genre : Thriller, Fantastique.
Nationalité : Norvégien, Suédois, Danois, Britannique.
Durée : 1h57min
Synopsis :
Ce film est présenté dans la sélection Un Certain regard du Festival de Cannes 2021
Dans la quiétude d’une banlieue assoupie par l’été nordique, quatre enfants se découvrent d’étonnants pouvoirs qu’ils convoquent innocemment dans leurs jeux, loin du regard des adultes. Alors qu'ils explorent leurs nouvelles aptitudes dans la forêt et le parc environnants, leurs distractions prennent peu à peu une tournure inquiétante.


Critique :

Entre la vision clinique d'un Cronenberg des débuts, et celle de Shyamalan dans sa relecture minimaliste/auteurisante du film de super-héros, #TheInnocents tricote un cauchemar cruel et réaliste sur l'enfance, purgé de tout regard innocent face à la découverte maladroite du monde pic.twitter.com/mhZFaLk23H

— Fucking Cinephiles (@FuckCinephiles) September 11, 2021

Le monde solitaire, étrange et même parfois frappé d'une violence sourde qui peut caractériser - de manière générale - l'enfance, a rarement été exploré avec une candeur aussi effrayante que dans The Innocents, le deuxième long-métrage d'Eskil Vogt (la plume magique derrière les plus beaux films de Joachim Trier), dont le premier effort - Blind : un rêve éveillé - faisait déjà preuve de sa propension à privilégier la carte de l'expérience sensorielle.
Mais c'est sans doute vers Thelma de Trier, pour lequel il a également co-signé le scénario - déjà fortement embaumé par une aura très Stephen King -, que la filiation est la plus naturelle (autre que celle, totalement assumée et annoncée, avec Dômu de Katsuhiro Otomo), pur film de genre aussi intimiste que follement immersif, narrant lui aussi l'apprentissage à la dure de la vie pour une jeunesse torturée.
À ceci près qu'il privilégie ici la pré-adolescence au passage à l'âge adulte, et qu'il troque également les tourments de la classe bourgeoise, pour lui préférer ceux d'une classe populaire tout aussi tourmentée, dans laquelle vagabonde le temps d'un été, une poignée de mômes en perte de repères, dont l'amitié ne va faire que renforcer le développement de troublants pouvoirs surnaturels.
Soit quatre enfants, deux frangines - l'aînée autiste Anna et la cadette Ida -, Ben et Aisha, les deux premières venant fraîchement de déménager au coeur de la cité cossue dans laquelle vivait déjà les deux autres, élevés par des mères célibataires.

[CRITIQUE] : The Innocents

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Amusés et enthousiastes face à leurs nouvelles capacités (dont le cinéaste se garde - intelligemment - de donner la provenance, et dont il se servira par la suite comme catalyseur de leurs personnalités), ils vont tous lentement mais sûrement glisser vers le côté obscur, une sorte de bulle où la présence des adultes, déjà très permissive, devient totalement secondaire...
Emboîtant autant le pas clinique d'un Cronenberg des premières heures, que celui de Shyamalan dans sa manière de revisiter un versant imposant du cinéma populaire moderne - le film de super-héros -, sous un emballage auteurisant et minimaliste; Vogt tricote un cauchemar lent et réaliste sur l'enfance, expurgé de tout regard innocent face à la découverte maladroite d'un monde qui va les pousser, malgré eux, dans une spirale infernale ou la moralité est aussi troublée que leur loyauté et leur initiation des codes de la socialisation.
Distillant un malaise sourd et étouffant par la force d'une mise en scène furieusement épurée (une sobriété très scandinave, qui se retrouve aussi bien dans son score sans fioritures que ses SFX mesurés) et une photographie amplifiant progressivement le sentiment de claustrophobie et les tiraillements émotionnels de ses jeunes héros (chacun existant par lui-même, tout en étant magistralement incarnés); The Innocents, pas avare en séquences foutrement sombres et cruelles autant qu'en longues contemplations (parce que vissé sur le regard d'enfants en pleine découverte/assimilation), questionne les notions du bien et du mal tout en restant continuellement à hauteur d'enfants, dans un drame ou l'horreur fait son nid dans l'intimité du quotidien.
Là où l'on ne soupçonne jamais totalement sa présence, et encore moins sa dangerosité...
Jonathan Chevrier[CRITIQUE] : The Innocents