[CRITIQUE] : Le procès de l’herboriste

[CRITIQUE] : Le procès de l’herboriste

Réalisatrice : Agnieszka Holland
Acteurs : Ivan Trojan, Josef Trojan, Juraj Loj, Jaroslava Pokorná, ...
Distributeur : KMBO
Budget : -
Genre : Biopic, Drame, Historique
Nationalité : Polonais, Tchèque, Irlandais, Slovaque
Durée : 1h58min
Synopsis :
Dès son plus jeune âge, Jan Mikolášek se passionne pour les plantes et leurs vertus médicinales. Il devient l’un des plus grands guérisseurs de son époque. Dans la tourmente de la guerre et des crises du XXe siècle, il consacre sa vie à soigner sans distinction les riches comme les pauvres, les Allemands nazis sous l’Occupation comme les fonctionnaires communistes d’après-guerre. Sa popularité finira par irriter les pouvoirs politiques. Accusé de charlatanisme, Mikolášek doit alors prouver le bien-fondé de sa science lors de son procès.


Critique :

Portrait sans concession, #LeProcèsdeLherboriste ne va jamais dans le sensationnalisme, ni dans le biopic lisse d’un homme extraordinaire. Son herboriste est un homme hanté, portant une noirceur qui empoisonne petit à petit ses proches. (@CookieTime_LE) pic.twitter.com/ZqkDnhSIm7

— Fucking Cinephiles (@FuckCinephiles) June 13, 2021

Tout juste un an après L’ombre de Staline, la réalisatrice polonaise Agnieszka Holland revient dans nos salles obscures pour un nouveau biopic. Après avoir rendu hommage au travail journalistique de Gareth Jones, elle s’attaque à la médecine. Le procès de l’herboriste s’intéresse au guérisseur tchèque Jan Mikolášek qui, grâce à ses connaissances dans les plantes médicinales, a pu sauver de nombreuses vies. Sa méthode de diagnostique est bien particulière, il lit dans les urines. Dans son immense villa, d’un petit village de Tchécoslovaquie, il soigne enfants et adultes, pauvres et riches, nazis et communistes, sans distinction. Son succès et ses méthodes non conventionnelles, ainsi que ses nombreuses accointances avec des politiciens feront de lui une cible à abattre. Agnieszka Holland nous propose, à partir de son emprisonnement pour haute trahison dans un procès à charge, un portrait nuancé de cet homme de l’ombre.

[CRITIQUE] : Le procès de l’herboriste

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Le style visuel de la cinéaste tire habituellement vers une image sombre, peu saturée, dans les tons gris et brun. Le procès de l’herboriste continue dans cette trajectoire, avec pourtant un changement majeur, l’apparition de la couleur jaune. Qui aurait cru qu’une mise en scène pourrait tourner autour de l’urine, de sa couleur, de sa texture ? Si vous en aviez rêvé, Agnieszka Holland l’a fait ! C’est le quotidien de Jan Mikolášek (Ivan Trojan), qui diagnostique plus de deux cent échantillons d’urine par jour. D’une simple infection urinaire au cancer du pancréas, le guérisseur (il refuse le titre de docteur) voit tout. La couleur, les petites particules qui peuvent se loger dans nos reins disent beaucoup plus que les mots. Jan Mikolášek est d’ailleurs un personnage taiseux, qui utilise les mots avec parcimonie. “Reins”, “intestins”, les diagnostiques sont simples, dictés à son assistant František Palko (Juraj Loj). Les solutions sont encore plus simples pour guérir. Des concoctions à base de plantes, des pommades. Parfois l’arrêt complet d’un aliment (la viande rouge pour un boucher atteint de la goutte ou le café pour un inspecteur qui fait de l’hypertension). Ce guérisseur n’est pas particulièrement souriant, ni sympathique. C’est avec froideur qu’il annonce à une femme l’infidélité de son mari, seule cause de ses infections intimes. Il guérit avec une sorte de fièvre intérieure. Quand il sera emprisonné, dans l’attente de son procès, Mikolášek réagit comme un accro en manque, ne pouvant pas s’empêcher de prodiguer des conseils et ses observations sur la santé de ses interlocuteurs.

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La mise en scène d'Agnieszka Holland a quelque chose de viscéral cette fois, comparé à son précédent film, proche des corps. La séquence du début donne le ton. Un visage en gros plan, dans la pénombre. Une respiration saccadée, douloureuse, et un profond soupir, annonçant la mort. Il s’agit du patient le plus prestigieux de Jan Mikolášek, celui qui le protège du gouvernement communiste, le président du pays. Cette mort annonce le malheur qui va s’abattre sur le guérisseur, sur son centre et ses employés. Très vite, la police vient frapper à sa porte, renvoie les malades encore convalescents chez eux et arrête Mikolášek et son assistant. La narration est ponctuée de flash-back, ils vont et viennent. C’est le personnage principal qui les appelle dans la narration, par un regard au loin ou quand il doit raconter son histoire à l’inspecteur. Nous apprenons qu’il a fait la guerre, qu’il en a été traumatisé. Pour contrebalancer ce mal, il apprend à soigner. Ce besoin de guérir ces corps ne le rend pas particulièrement sympathique. L'ambivalence de ses émotions fait tout le sel du film, qui porte son ambiguïté jusqu’à la moindre parcelle du cadre. Nous sommes face à un homme complexe, qui porte en lui à la fois la lumière de son don et l’ombre de ses doutes. La caméra se fait elle aussi double. Statique, froide quand elle montre les ravages de la guerre, des différents gouvernements qui ponctuent le récit (fascistes, communistes). Mais aussi lumineuse, sensuelle, quand elle s’intéresse à František Palko, le jeune assistant avec qui le guérisseur aura une relation amoureuse passionnée.

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C’est un portrait sans concession que nous offre Agnieszka Holland. Le procès de l’herboriste ne va jamais dans le sensationnalisme, ni dans le biopic lisse d’un homme extraordinaire. Son herboriste est un homme hanté, portant une noirceur qui empoisonne petit à petit ses proches. Un film qui prouve que la cinéaste polonaise n’a pas fini de nous dévoiler son regard nécessaire sur le siècle dernier.
Laura Enjolvy[CRITIQUE] : Le procès de l’herboriste