Porco Rosso (1992) de Hayao Miyazaki

6ème film de Hayao Miyazaki et 4ème qu'il signe avec Ghibli, l'artiste adapte cette fois son propre livre, ou plutôt il porte à l'écran ses propres petits mangas "L'Ere des Hydravions" (1989) qui mettent en scène les aventures de Porco Rosso, un as de l'aviation devenu chasseur de prime pendant l'entre-Deux-Guerres après avoir été victime d'un sortilège. Au départ, ses bandes dessinées étaient destinées à un format court destinés à être projetés sur les vols de la Japan Airlines avant que le producteur-réalisateur-scénariste ne s'attache un peu plus à ce nouveau long métrage qui voit donc le passionné d'aviation revenir à un thème central de son oeuvre après le conte "Kiki la Petite Sorcière". Le film débute avec ce carton : "Ce film conte une histoire du porc vaillant surnommé "le Porc rouge", qui se bat contre les pirates du ciel, pour son honneur, pour sa Madone d'adoration et pour ses biens. La scène se passe en les Mers Méditerrannées à l'époque où l'hydravion gouverne les eaux de mer." ... Quelque part en mer en Italie, le pilote Marco dit Porco Rosso, est considéré comme le meilleur chasseur de prime pour combattre les nombreux pirates de l'air. Si sa réputation lui offre gloire et renommée il est pourtant toujours emprisonné dans un corps de cochon suite à une mystérieuse malédiction...

Porco Rosso (1992) de Hayao Miyazaki

Ce film signe donc le retour du réalisateur à ses premières amours pour la mécanique aérienne, mais aussi un retour à ses sujets de prédilection comme la guerre et ses absurdités mais cette fois il inscrit son histoire dans la grande avec H, car pour la première fois le cinéaste situe son récit précisément et dans notre monde réel, à savoir en 1929 (manga originel indique cette année-là, ainsi qu'un journal visible dans le film) et vraisemblablement dans l'Adriatique vers l'Istrie ou la Dalmatie, leurs secteurs étant composés de nombreuses îles. Précisons que l'Italie est alors en plein période fasciste depuis 1922, ce qui pousse à penser aussi que le surnom Porco Rosso renvoie aux opposants anti-fascistes traîtés de "porcs communistes", on peut aussi supposer un clin d'oeil à un certain Manfred Von Richthofen alias "Le Baron Rouge" l'As des As allemand durant 14-18. Miyazaki déclarera avoir été particulièrement marqué par le conflit yougoslave du début des années 90 ce qui lui inspirera funestement la thématique et la région géographique, reliant ainsi le fascisme italien des années 20-30 à la guerre civile yougoslave ayant débuté en 1991, soit durant la production du film. La grande qualité de fond est donc tout ce contexte historique, pour ne pas dire ces contextes historiques qui offrent un fond narratif d'une rare richesse, des conséquences de 14-18 à la résurgence du fascisme en passant par le Krach de 1929 en passant par les avancées de l'aéronautique avec toujours en filigrane cette critique sans concession de la guerre.

Porco Rosso (1992) de Hayao Miyazaki

Le film offre des scènes dont la diversité émotionnelle est une pure réussite, de la séquence onirique marquante du "paradis des aviateurs" à la séquence dantesque du duel final en passant par la mise en valeur des ouvrières qui remplacent au pied levé leurs hommes partis cherchés du travail, signe d'un féminisme omniprésent dans l'oeuvre de Miyazaki. Le cinéaste ajoute quelques clins d'oeil, politique comme la chanson "Le Temps des Cerises" qui serait une façon pour Miyazaki de marquer sa déception vis à vis de l'échec du socialisme, artistique aussi avec le vrai nom du héros Marco Pagot et de son amie Gina qui renvoient à Marco Pagot et Gi les enfants de Nino Pagot créateur du personnage animé "Calimero" (1962), Marco Pagot qui travaillera avec Miyazaki sur la série TV animée "Sherlock Holmes" (1984-1985), puis enfin technique avec la référence au Trophée Schneider qui aurait été gagné par un avion Curtiss en 1925 ce qui est véridique. On sera moins séduit par l'apparition de placements de marques, inédit chez Ghibli, avec Gitanes, Fiat ou Shell. Miyazaki signe un film d'aventure dense, passionnant de par son patchwork, sans compter un humour plutôt fun, deux belles composant les deux facettes féminines (fatale et enfant) et un héros qui pourrait faire penser au cynisme d'un Bogart ou d'un Mitchum. En conclusion, ce film est une petite merveille, où les sujets de prédilection de Miyazaki font directement écho à l'état géo-politique kafkaïen de notre monde, avec un mix action-émotion-humour idéal, et en prime un épilogue à la fois triste et poétique judicieusement inattendu.

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Pour info bonus, Note de mon fils de 11 ans :

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