Kiki la Petite Sorcière (1989) de Hayao Miyazaki

5ème long métrage d'animation de Hayao Miyazaki mais 3ème sous la houlette de sa société Studio Ghibli avec laquelle il venait de signer un énorme succès avec "Mon Voisin Totoro" (1988) dont le personnage était devenu le symbole et le logo du studio. Pour ce nouveau projet adapté du livre pour enfants "Majo no takkyubin", soit littéralement "Le service de livraison rapide de la sorcière" (1985) de Eiko Kadono, il est décidé pour la première fois de confier le film à des animateurs maison car Miyazaki est alors encore pris par son travail sur "Mon Voisin Totoro" et son confrère Isao Takahata par le futur "Le Tombeau des Lucioles". Mais le producteur Miyazaki n'est pas satisfait du premier scénario et s'implique alors davantage jusqu'à devenir finalement réalisateur-scénariste, la situation financière du studio obligeant les producteurs historiques de Ghibli à ne pas prendre de risque ; même si au final le succès de "Mon Voisin Totoro" sera salvateur. Notons que pour le personnage principal de Kiki, l'artiste s'inspire beaucoup de la fille du co-producteur et co-fondateur Toshio Suzuki, puis des jeunes collaboratrices du chez Ghibli...

Kiki la Petite Sorcière (1989) de Hayao Miyazaki

Kiki vient d'avoir 13 ans, et comme toute sorcière elle doit quitter sa famille pour parfaire son apprentissage en toute autonomie dans une ville lointaine. Après quelques péripéties Kiki décide de s'installer dans une ville en bord de mer. Si les débuts sont difficiles, elle réussit néanmoins de créer un service de livraison rapide via son balai volant... Le film est un nouveau pas vers d'autres choix artistiques pour Miyazaki qui offre cette fois-ci pratiquement pas de machines volantes, pas de guerres ou de conflits mortels, pas de messages écologiques comme fil conducteur mais un conte initiatique sur l'apprentissage, le long chemin qui mène de l'enfance à l'âge adulte. Et on constate que cette fois appuie encore plus vers un imaginaire qui s'éloigne du Japon pour aller se rapprocher du Vieux Continents. D'abord avec une histoire qui emprunte avant tout aux mythes européens autour de la sorcière et de son balai volant, puis en situant l'aventure dans une ville inspirée des grands capitales européennes. Miyazaki est venu avec son équipe en Europe pour s'imprégner de l'architecture et de l'esprit européen. Ainsi la ville de Kiki est un mélange de grandes villes comme Paris, Lisbonne, Amsterdam et d'autres, et surtout de Stockholm, la Suède ayant été la principale source d'inspiration graphique. Par là même, si Miyazaki a souvent opté pour des époques et des décors se rapprochant d'un 19ème siècle fantasmé, cette fois il mélange encore plus les références, de l'architecture allant du 18ème aux années 60 à l'électro-ménager très années 50 en passant par les voitures années 40-50. Notons que le film est réalisé en D2 traditionnelle sur celluloïds, mais avec un soin tout particulier pour les angles de vue utilisés pour les scènes de vol (zoom, panoramique, superposition...).

Kiki la Petite Sorcière (1989) de Hayao Miyazaki

Kiki est donc en apprentissage dans ce film, comme pourrait l'être une jeune fille en boulangerie (justement !) ou en coiffure, ou dans un quelconque autre domaine. Ce qui intéresse surtout Miyazaki est donc tout ce qui entoure ces premiers pas dans la vie active, outre le travail qu'il faut assuré et assumé, il y a aussi les questions de rapport entre les gens (respect, solidarité, politesse...) mais aussi savoir gérer ses propres peurs et/ou angoisses quand on est seul dans un nouvel environnement. Sur tous ces points, le réalisateur-scénariste a opté pour un réalisme et un sérieux plus pregnant que dans le livre qui est lui un peu plus léger car s'adressant sans doute à un public plus enfants que ados. Ce parti pris ne fut pas si aisé car l'auteur Eiko Kadono était contre, il aura donc fallu une certaine force de persuasion afin d'obtenir son accord sur ces légères modifications, sans compter quelques autres détails comme la longueur des cheveux ou des points plus litigieux comme le rapport à l'argent alors qu'il s'agit surtout de trocs et d'échanges de service dans le livre. Comparé à la plupart des films de Miyazaki celui-ci est plus simple, plus linéaire, plus "calme", avec un récit de quête initiatique assez classique auquel il manque sans doute un peu de magie, surtout quand on constate que le seul pouvoir de Kiki est de savoir voler. Néanmoins Miyazaki transcende sans aucun doute le livre, approfondi le propos et signe un conte moderne touchant même s'il manque un peu de peps ou d'effets émotionnels. Le film sera un nouveau succès pour Ghibli, le film sera n°1 au box-office nippon en 1989, alors qu'il faudra attendre 2004 pour qu'ils sortent dans les salles en France pour un résultat d eplus de 650000 spectateurs et d'excellentes critiques. Un film familial idéal.

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Pour info bonus, Note de mon fils de 11 ans :

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