Mort de Bertrand Tavernier !

Grande perte pour la cinéphilie ! On apprend la mort du producteur-réalisateur-scénariste Bertrand Tavernier aujourd'hui même, 25 mars 2021 à l'âge de 79 ans.

Mort Bertrand Tavernier

Né en 1941 à Lyon, il est le fils de René Tavernier, écrivain et fondateur de la revue Confluences qui publia de grands noms comme Paul Eluard et Louis Aragon. Ce dernier vécut justement avec sa compagne Elsa Triolet au domicile des Tavernier durant l'Occupation 39-45. Plus tard, Bertrand Tavernier affirmera que le poème "Il n'y a pas d'Amour Heureux" de Aragon était en fait destiné à sa mère Geneviève Dumond. La famille Tavernier quitte Lyon pour Paris en 1950 suite à la faillite de la revue Confluences. Il est envoyé en pension dirigée par la Congrégation des Oratoriens où il dit avoir fait l'expérience du sadisme et de l'humiliation. Il attrape la tuberculose mais c'est lors d'un séjour au sanatorium pour se soigner qu'il découvre son premier film marquant à l'âge de 12 ans, il s'agit de "Dernier Atout" (1942) de Jacques Becker.

Ensuite il poursuit jusqu'au Bac qu'il obtient le Bac à sa seconde tentative avant de s'inscrire en études de Droit à la Sorbonne. Il y fonde la revue de cinéma "L'Etrave". Il commence à fréquenter assidûment la Cinémathèque dès le lycée avec son camarade, un certain Volker Schlöndorff avec qui il fonde en 1961 le ciné-club Nickel Odéon (photo ci-dessous, il est en bas à gauche) pour promouvoir surtout les genres laissés pour compte comme le western, le Film Noir et les comédies musicales. Dès lors il commence à écrire pour plusieurs revue comme Télérama, et plus tard les Cahiers du Cinéma et Positif.

Mort de Bertrand Tavernier !

Il devient aussi Attaché de Presse de Georges de Beauregard, producteur de la Nouvelle Vague avec qui il apprend beaucoup. Il collabore à la promo et comme attaché de presse pour les films "Léon Morin Prêtre" (1961) et "Le Doulos" (1962) tous deux de Jean-Pierre Melville et "Le Mépris" (1963) de Jean-Luc Godard. Puis après avoir été assistant de Volker Schlöndorff sur le court métrage "Wen Kümmert's ?" (1960) Bertrand Tavernier se lance pour la première fois à la réalisation avec deux courts métrages, le segment "Baiser de Judas" dans le film "Les Baisers" (1964), puis pour le segment "Une Chance Explosive" compris dans le film "La Chance et l'Amour" (1964). Mais il ne transforme pas encore l'essai et poursuit comme Attaché de Presse à temps plein entre 1964 et 1974 notamment et surtout pour Stanley Kubrick.

Cinéphile accompli il devient l'un des tout premiers à interviewer et surtout à analyser les filmographies de nombreux réalisateurs américains, certains encore confidentiels en France. Il fait ainsi connaître en France des réalisateurs comme Delmer Daves et Budd Boetticher. Mais surtout il tente de réhabiliter des cinéastes français "oubliés" et surtout esquintés par les critiques de la Nouvelle Vague. Ainsi il prend le contre-pied parfait de François Truffaut qui attaqua dans son article "Une Certaine Tendance du Cinéma Français" des scénaristes comme Jean Aurenche et Pierre Bost ou le réalisateur Claude Autant-Lara. D'ailleurs il travaillera justement avec plus tard avec Jean Aurenche et Pierre Bost...

Ce passionné le pousse donc a accumulé des tonnes de documentation sur le cinéma, et co-écrit avec Jean-Pierre Coursodon le livre "30 ans de Cinéma Américain" (1970) qui deviendra au fil du temps une référence cinéphile qui connaîtra plusieurs rééditions.

Mort de Bertrand Tavernier !

Mais en tant que réalisateur, Bertrand Tavernier va attendre encore un peu avant de passer réellement derrière la caméra. Son premier long métrage est donc "L'Horloger de Saint-Paul" (1974) avec Philippe Noiret et Jean Rochefort, co-signé avec les scénaristes Jean Aurenche et Pierre Bost d'après le roman "L'Horloger d'Everton" (1954) de Georges Simenon. Tourné à Lyon qui est alors un troisième personnage, le film reçoit un joli accueil et le succès est au rendez-vous.

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Il enchaîne alors avec "Que la Fête Commence" (1975 - ci-dessous) où il collabore à nouveau avec Jean Aurenche, retrouve Rochefort et Noiret accompagné de Jean-Pierre Marielle pour un film historique sur l'histoire vraie de la Conspiration de Pontcallec. Nouveau succès pour le réalisateur avec en prime un film lauréat de quatre statuette lors de la première cérémonie des Césars, sont primés Jean Rochefort, Pierre Guffroy pour les Décors, Aurenche et Tavernier pour le scénario puis meilleur réalisateur pour Tavernier qui entre définitivement dans la cour des grands même si le meilleur film revient au chef d'oeuvre "Le Vieux Fusil" (1975) de Robert Enrico.

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Ces premier succès lui permettent de créer en 1975 sa propre société de production Little Bear Production, nommée ainsi en clin d'oeil à sa première grande récompense, l'Ours d'Argent du grand Prix du Jury pour son premier film en 1974. lancé sur une vitesse de croisière, le cinéaste enchaîne avec une nouvelle histoire vraie en costume, cette fois sur un tueur en série dans la France du 19ème. Le réalisateur-scénariste retrouve son duo de scénaristes Aurenche-Bost, ainsi que son acteur fétiche Philippe Noiret face à Michel Galabru alors en plein contre-emploi puis avec Isabelle Huppert pour "Le Juge et l'Assassin" (1976 - ci-dessous). Le film est une merveille salué par 6 nominations aux Césars, Galabru obtient le César du meilleur acteur et les scénaristes font un doublé mérité.

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Il réalise ensuite le drame contemporain "Des Enfants Gâtés" (1977), mais cette fois sans ses camarades habituels. Il s'agit alors du premier échec du cinéaste dont le film reçoit un accueil tiède suite à quoi il va attendre trois années avant de revenir. Ce sera pour "La Mort en Direct" (1980 - ci-dessous sur le tournage), un des premiers à aborder la télé réalité avec Romy Schneider et Harvey Keitel, ce dernier qui venait alors d'être évincé du tournage de "Apocalypse Now" (1979) de Francis Ford Coppola. Malgré l'ambition du projet le succès n'est pas franchement au rendez-vous malgré cinq nominations aux Césars. Aussitôt après il tourne ensuite "Une Semaine de Vacances" (1980) avec Nathalie Baye et un Philippe Noiret qui reprend son rôle de "L'Horloger de Saint-Paul". Le film est une réflexion sur l'Education Nationale, qui marque particulièrement les esprits lors d'un magnifique plan panoramique sur le Rhône d'où surgit la citation de Jacques Prévert : "Education Nationale : tout condamné à vivre aura la tête bourrée".

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Tavernier retrouve ses fidèles acolytes pour "Coup de Torchon" (1981 - ci-dessous), le scénariste Jean Aurenche, puis ses acteurs Philippe Noiret et Jean-Pierre Marielle aux côtés de Isabelle Huppert pour un film adapté et transposé du roman "1275 Âmes" (1964) de Jim Thompson. Le film fonctionne plutôt bien au box-office mais a malheureusement le triste record de rien obtenir aux Césars malgré 10 nominations (et malgré une nomination à l'Oscar du meilleur film étranger) ! record qui sera battu par "Huit Femmes" (2003) de François Ozon et ses 12 nominations sans statuettes.

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Il tourne ensuite deux courts métrage et le documentaire sur le Sud des Etats-Unis "Pays d'Octobre" (1983) en collaboration avec son ami Robert Parrish, réalisateur hollywoodien auquel on doit notamment les films "L'Enfer des Tropiques" (1957) et "L'Aventurier du Rio Grande" (1959). Il adapte ensuite avec son épouse Colo Tavernier le roman "Monsieur Ladmiral va Bientôt Mourir" (1945) de Pierre Bost, son ami et scénariste mort en 1975. "Un Dimanche à la Campagne" (1984 - ci-dessous), avec Michel Aumont et Sabine Azéma, s'inspire aussi beaucoup de Auguste Renoir et de la peinture impressionniste et surtout de Auguste Renoir. Le film est un grand succès, critique et public avec un Prix de la Mise en Scène au Festival de Cannes 1984, puis des Césars pour Sabine Azéma, pour Bruno de Keyzer pour la Photographie, et pour le scénario du couple Tavernier.

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Il collabore à nouveau en famille en adaptant librement et de façon romancée les vies du saxophoniste Lester Young et du pianiste Bud Powell avec "Autour de Minuit" (1986). Ce film voit sa distribution envahit par des pontes du jazz avec entre autre Dexter Gordon, Herbie Hancock, Chet Baker, John McLaughlin... Le film est aussi une première en France, où c'est la première fois que la musique est filmée et enregistrée en direct sur un magnétophone multipiste (24). Le film reçoit des critiques excellentes et obtient plusieurs nominations aux Césars, aux Oscars et aux Golden Globes, le film est ainsi surtout primé pour son travail sur la musique avec 2 Césars pour le Son et la Musique (Herbie Hancock), et un Oscar en prime à nouveau pour Herbie Hancock.

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Le réalisateur italien Riccardo Freda propose ensuite au couple Tavernier d'écrire un remake de son film "Le Château des Amants Maudits" (1956), mais finalement Bertrand Tavernier préfère carrément transposé l'histoire en France en l'enrichissant de la chanson de geste Raoul de Cambrai et surtout en adaptant librement le roman "La Passion Béatrice" (1987 ci-dessous) de Michel Peyramaure. Tournée au Château de Puivert, cette histoire terrifiante est interprétée par Bernard-Pierre Donnadieu et Julie Delpy. Tavernier reçoit une nouvelle fois un excellent accueil avec 4 nominations aux Césars et une statuette pour les meilleurs costumes de Jacqueline Moreau.

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Le cinéaste choisit ensuite un projet après avoir convaincu l'auteur Jean Cosmos de revenir au scénario de cinéma alors qu'il travaille essentiellement pour la télévision. Ils co-signent ainsi "La Vie et Rien d'Autre" (1989 - ci-dessous), un drame qui se déroule juste après la fin de la Première Guerre Mondiale avec Philippe Noiret et Sabine Azéma ; cette dernière ayant remplacée Fanny Ardant pour qui le rôle avait été écrit par Tavernier mais l'actrice due décliner suite à sa grossesse. Le film est un succès avec les Césars du meilleur acteur pour Noiret, meilleure musique pour Oswald d'Andrea sur 11 nomination, et en prime le BAFTA du meilleur film étranger.

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Le réalisateur retrouve ensuite son épouse scénariste pour une comédie dramatique plus intimiste avec "Daddy Nostalgie" (1990 - ci-dessous) avec Jane Birkin et Dirk Bogarde, un film qui vaut surtout parce qu'il s'agit du dernier film de l'acteur britannique, et qu'il est dédié au réalisateur Michael Powell que le cinéaste français a grandement contribué à le réhabiliter aux yeux de la presse professionnelle autant française que anglaise. Après ce film Bertrand Tavernier participe au film collectif "Contre l'Oubli" (1991) en signant le segment "Pour Aung San Suu Kyi, Myanmar", avant de signer le documentaire sur la Guerre d'Algérie "La Guerre sans Nom" (1992).

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Tavernier rencontre Michel Alexandre, un flic ayant déjà été plusieurs fois consultant sur des films policiers, le cinéaste finit par s'intéresser de près au métier de policier et surtout à la Brigade des Stupéfiants. Les deux hommes signent le scénario de "L.627" (1992 - ci-dessous), d'après l'ancien article du Code de la Santé Publique qui prohibait le trafic de stupéfiants. Le film se focalise sur le décalage entre la loi et le manque de moyens effarant des policiers. Le film obtient un joli succès d'estime sur une sujet sensible, tel point que le Ministre de l'Intérieur socialiste Paul Quilès poussera à une enquête administrative sur les conditions de tournage ! Outre la révélation inattendue de Charlotte Kady qui était jusque là surtout connue comme une camarade de Dorothée dans les émissions jeunesse, et outre 4 nominations au Césars, le film demeure très largement un des meilleurs films policiers français quant au réalisme autour du travail des policiers.

Mort de Bertrand Tavernier !

Via sa société de production Little Bear, il retrouve Riccardo Freda, réalisateur italien qu'il admire beaucoup et qui n'a pas tourné depuis 14 ans. Ensemble il se lance sur un projet, "La Fille de d'Artagnan" (1994 - ci-dessous) librement adapté des deus romans "Les Trois Mousquetaires" de Alexandre Dumas. Tavernier en producteur-scénariste, et Freda en réalisateur-scénariste avec aussi Jean Cosmos en co-scénariste. Malheureusement, le cinéaste italien alors âgé de 84 ans s'avéra incapable d'assumer un tel tournage et obligea Tavernier à le remplacer au pied levé. Le tournage fût bousculé apparemment par les desideratas de star de Sophie Marceau qui se plaignît qu'elle n'était pas assez mise en valeur. Précisons qu'à ses côtés il y avait le fidèle Philippe Noiret, Claude Rich, Charlotte Kady et en caméo son précédent scénariste Michel Alexandre dans le costume d'un hallebardier. Malgré le prestige de l'entreprise, le film sera un semi-échec au box-office mais, surtout ne restera pas dans les mémoires pour être un grand film.

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Retour à un projet plus "sérieux" pour Tavernier qui adapte avec son épouse le roman éponyme (1990) de Morgan Sportès lui-même tiré d'un fait divers sordide. Le film "L'Appât" (1995 - ci-dessous) est un Polar sombre et désenchanté sur les dérives d'une jeunesse incarnée alors par la fine fleur des acteurs de la toute nouvelle génération avec notamment Marie Gillain, Olivier Sitruk, Bruno Putzulu ou Clotilde Courau. Plus anecdotique, on notera le retour de Philippe Torreton et François Levantal en policier après "L.627". Le film est un succès avec un bel accueil critique et public, dont un superbe Ours d'Or au Festival de Berlin 95.

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Le cinéaste retourne ensuite à l'époque de "La Vie et Rien d'Autre", et retrouve ainsi 1918 mais cette fois pendant et après sur le front des Balkans en adaptant le roman éponyme (1934) de Roger Vercel pour "Capitaine Conan" (1996) que le cinéaste co-écrit avec Jean Cosmos. L'histoire aborde un sujet jamais vraiment traitée au cinéma, à savoir que l'armée française a combattu dans les Balkans et ce, même bien après l'Armistice. Outre quelques fidèles de Tavernier comme Philippe Torreton, Claude Rich ou François Levantal, on retrouve au casting les acteurs Samuel Le Bihan et Bernard Le Coq. Le film est un joli succès avec 7 nominations pour deux statuettes, une pour la performance de Torreton et une pour Tavernier comme meilleur réalisateur ex-aequo avec Patrice Leconte pour son tout aussi remarquable "Ridicule" (1995).

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À l'instar de son précédent film Tavernier revient sur un sujet, celui de l'Education Nationale qu'il avait déjà traité avec "Une Semaine de Vacances" (1980). Le fait que sa fille Tiffany soit marié à un directeur d'école, Dominique Sampiero explique sans doute cela. Ainsi sa fille et son époux co-signent avec le cinéaste le scénario "Ca Commence Aujourd'hui" (1999 - ci-dessous) où on suit le quotidien d'un directeur d'école dans une Zone d'Education Prioritaire. 20 ans après il semble que rien ne se soit arrangé (et ça a encore empiré !), en tous cas de nombreuses critiques ont noté le pessimisme voir le misérabilisme du film. Néanmoins on ne peut qu'être frappé par le réalisme toujours aussi naturaliste du réalisateur qui fait forcément effet sur un tel sujet. À l'affiche Tavernier fait à nouveau appel à Philippe Torreton, alors qu'on remarque un policier joué par Didier Bezace, nouveau clin d'oeil à "L.627".

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Bertrand Tavernier s'attaque ensuite à un projet particulier, un projet sur lequel il a dû particulièrement pensé à ses amis défunts Jean Aurenche (mort en 1992) et Pierre Bost (mort en 1975). Avec son scénariste Jean Cosmos il adapte les mémoires d'un autre grand scénariste, "Action !" (2002) de Jean Devaivre qui a écrit ses mémoires entre 1961 et 2000 dont une centaines de pages se focalisent sur les années d'Occupation qui vont servir aux scénaristes pour le film. Ainsi, Devaivre y relate l'expérience délicate mais foisonnante des tournages de film avec la société de production allemande Continental. Le film "Laissez-Passer" (2002 - ci-dessous sur le tournage) résume en quelques sortes la vie des plateaux durant les années 41-45 avec une pléthore de grands noms qui apparaissent dans le film de Jean Aurenche à Pierre Bost en passant par Maurice Tourneur et Jean-Paul Le Chanois, et avec un casting savoureux dont Jacques Gamblin, Marie Gillain, Denis Podalydès, Charlotte Kady, Olivier Gourmet... Soit pas moins de 115 rôles parlants, un des records en la matière pour une production française. Malheureusement, un conflit entre Tavernier et Devaivre va un peu entacher le film (alors que Tavernier sera un défenseur de Devaivre au même titre que Aurenche ou Bost), mais outre la petite bataille judicaire, le film demeure un bijou de justesse et d'amour du cinéma avec une dimension historique riche et originale. Un grand film trop souvent sous-estimépour lequel Jacques Gamblin et le compositeur Antoine Duhamel seront primés à Berlin d'un Ours d'Argent.

Mort de Bertrand Tavernier !

Après l'Education Nationale, le cinéaste retrouve ensuite sa fille Tiffany et son gendre pour un drame sur l'adoption, "Holy Lola" (2004) avec Jacques Gamblin et Isabelle Carré. Un drame intimiste qui reste discret et dont l'échec semble avoir touché le réalisateur qui va attendre plusieurs années avant de revenir. Grand admirateur du cinéma américain, il part finalement en Louisiane retournant ainsi dans le Sud des Etats-Unis 26 ans après "Pays d'Octobre" mais cette fois il ne signe pas un documentaire mais son premier polar aux Etats-Unis, "Dans la Brume Electrique" (2009 -ci-dessous), en co-production américaine et avec une équipe à majorité américaine dont les acteurs Tommy Lee Jones, Mary Steenburgen et John Goodman. Tavernier adapte ainsi le roman "Dans la Brume Electrique avec les Morts Confédérés" (1993) de James Lee Burke avec deux co-scénaristes, le couple Jerzy et Mary Krimolowski qui modernise le récit en y incluant les conséquences de l'ouragan Katrina de 2005. Si Tavernier loue Tommy Lee Jones et son implication jusqu'à réécrire certains passages, il n'en sera pas de même avec son co-producteur américain Michael Fitzgerald. Ainsi le film sort directement en DVD sur le marché américain dans une verison tronquée, à l'exception de quelques salles en Louisiane.

Mort de Bertrand Tavernier !

Le réalisateur revient en France et désire réaliser un vrai film d'aventure de Cape et d'Epée dans la tradition des années 50-60. Apprenant qu'un projet similaire est en cours il rejoint la production et réécrit le scénario avec Jean Cosmos en adaptant la nouvelle éponyme (1662) de Madame de La Fayette qui se déroule vers les années 1560-1572 durant les guerres de Religion. "La Princesse de Montpensier" (2010 - ci-dessous avec son équipe sur les Marches du Festival de Cannes) est pourtant une production laborieuse car encore sous les coups de la crise de 2008 financer un film en costume (parent pauvre du cinéma français !) reste particulièrement difficile. La situation se débloquera avec l'appui personnel du Ministre de la Culture Frédéric Mitterrand. Finalement avec un budget de 13 millions d'euros le cinéaste peut enrichir choisir un casting solide avec Gaspard Ulliel, Grégoire Leprince-Ringuet, Mélanie Thierry, Raphaël Personnaz et Lambert Wilson. Dans l'ensemble le film reçoit un accueil chaleureux mais qui n'est pas suivi par le public plus friand des blockbusters américains ou de comédies à la française. Le film ne rentre malheureusement pas dans ses frais, et n'obtient qu'un César des meilleurs costumes pour Caroline de Vivaise sur 6 nominations.

Mort de Bertrand Tavernier !

Le cinéaste revient à un cinéma contemporain et actuel avec "Quai d'Orsay" (2013 - ci-dessous sur le tournage), adapté d'une bande dessinée éponyme (2010-2011) de Christophe Blain et Abel Lanzac sur les coulisses du Ministère des Affaires Etrangères dans un style plutôt léger, et en engoncé dans un style trop "parlementaire". Tavernier co-signe le scénario avec deux nouveaux collaborateurs, Christophe Blain et Antonin Baudry eux-mêmes auteurs de BD. Au casting on trouve Thierry Lhermitte, Raphaël Personnaz et Niels Arestrup qui gagnera le César du meilleur second rôle pour sa performance, le film ayant été aussi nommé pour l'actrice du meilleur second rôle et la meilleure adaptation. Le film est très bien reçu, mais le public demeure malheureusement une fois de plus frileux malgré les qualités certaines du film.

Mort de Bertrand Tavernier !

Malheureusement, "Quai d'Orsay" est le dernier long métrage de fiction de Bertrand Tavernier ; sans doute ne le savait-il pas alors... Après avoir reçu un Lion d'Or pour l'ensemble de sa carrière au Festival de Venise 2015, il tourne un sublime et ultime documentaire pour les salles obscures avec "Voyage à Travers le Cinéma Français" (2016) à voir absolument.

Le réalisateur est aussi un scénariste qui n'écrira que très peu pour les autres, mais on peut citer ses scénarios pour "Coplan ouvre le Feu à Mexico" (1967) de Riccardo Freda, "La Trace" (1983) de Bernard Favre ou encore "Mon Père il m'a Sauvé la Vie" (2001) de José Giovanni.

N'oublions pas que le cinéaste est aussi un grand cinéphile passionné, auteur de plusieurs ouvrages dont son premier "30 ans de Cinéma Américain" (1970) qu'il révisera et améliorera pour une réédition retitrée pour l'occasion "50 ans de Cinéma Américain" (1991) puis une seconde fois (1995). En 2012, il annonce prépaper une nouvelle édition pour "70 ans..." qui devient vite les "100 ans de Cinéma Français" prévu pour 2020 ce qui prouve que l'homme était encore plein de projets... On peut aussi citer son autre sublime livre "Amis Américains : Entretiens avec les Grands Auteurs d'Hollywood" (1993 - ci-dessous) qui sera aussi amélioré plusieurs fois.

Mort de Bertrand Tavernier !

Dans ses films Bertrand Tavernier passe en revue son pacifisme, dénonçant les injustices et son aversion pour les guerres stupides ou les violences inutiles, et il aborde les thèmes sociétales comme la misère sociale le plus souvent dans des films très réalistes, à la limite du docu-fiction. Ironie du sort, le réalisateur est un défenseur du style français ne serait-ce que par les sujets abordés, son style peu flamboyant mais au contraire presque naturaliste alors qu'il est un grand fan du cinéma américain des années 50-70.

Mort de Bertrand Tavernier !

Rappelons que Bertrand Tavernier était Président de l'Institut Lumière à Lyon.

Bertrand Tavernier a été l'époux de Colo Tavernier pendant près de 60 ans jusqu'à la mort de cette dernière en Juin 2020. Ils ont eu ensemble une fille, Tiffany romancière, puis Nils Tavernier devenu réalisateur-acteur reconnu et qui a joué dans de nombreux films de son père.

Bertrand Tavernier a gardé sa maison familiale de Sainte-Maxime depuis son enfance, il y meurt ce jeudi 25 mars 2021 à l'âge de 79 ans. Il est parti au Panthéon du Septième Art où il va retrouver son épouse mais aussi tous ses Amis Américains Robert Parrish, Budd Boetticher, Samuel Fuller et tant d