L'homme à l'affût

Un grand merci à Sidonis Calysta pour m’avoir permis de découvrir et de chroniquer le DVD du film « L’homme à l’affût » d’Edward Dmytryk.

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« Ce gars déteste les femmes. Il a du se retenir toute sa vie. Il faut l’arrêter vite sinon tous les toqués de cette ville vont s’y mettre et on sera dans un vrai bourbier ! »

Eddie Miller est un chauffeur-livreur à San Francisco. Malhabile avec les femmes, il vit comme un solitaire. Il est parfois pris de violentes pulsions pendant lesquelles, avec son fusil à lunette, il tue des femmes, toutes brunes, tel un sniper. La police est plutôt désemparée face à ses crimes, dont elle ne parvient pas à comprendre les mobiles, jusqu’à ce qu’elle fasse appel à un psychologue qui va les aider à cerner la personnalité du tueur…

« Maintenant qu’il a tué, il va recommencer encore et encore. Jusqu’à sa dernière cartouche. Ou jusqu’à ce qu’on l’arrête »

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Edward Dmytryk est un pur produit de la Paramount. Une firme qu'il intègre très jeune comme coursier et au sein de laquelle il n'aura de cesse de gravir les échelons, passant de projectionniste à monteur pour finir réalisateur à la fin des années 30. Solide technicien, il multiplie alors les séries B, principalement des films noirs et - guerre oblige - des films de propagande antinazis, pour la plupart de bonne facture dans lesquels apparaissent déjà son appétence pour les sujets sociaux et ses idées progressistes. Il évoque ainsi la résistance face à la barbarie dans « Les enfants d’Hitler » (1943), de la condition des ouvrières en temps de guerre dans « Tender comrade » (1943) et dénonce l’antisémitisme au sein de la société américaine dans « Feux croisés » (1947). Mon son ascension est stoppée net par la Commission des activités anti-américaines du Sénateur McCarthy, qui lui reproche ses sympathies de gauche et sa proximité avec le Parti Communiste américain. Refusant de se soumettre, il sera l'un des dix d'Hollywood à incarner la résistance face à cette inquisition. Ce qui lui vaudra d'être blacklisté, de ne plus pouvoir travailler et même d'être emprisonné durant quelques mois. Mais à la différence de ses compagnons d’infortune, Dmytryk finira par craquer et par témoigner devant ladite commission. Il y a gagnera le droit de travailler à nouveau, ainsi qu’une étiquette de traitre qui lui collera à la peau toute sa vie. Réalisé en 1952, « L’homme à l’affût » marque son retour à la réalisation à Hollywood.

« Quand une ville a peur, elle frappe aveuglément. Et n’importe où. A nous d’agir raisonnablement. »

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Même s'ils n'en ont pas toujours porté le nom, les tueurs en série ont toujours inspiré le cinéma, fascinant aussi bien les cinéastes que les spectateurs. De « M le maudit » à « Zodiac » en passant par « No country for old men ». Des films conçus comme une invitation dans les méandres terrifiants de la folie et d'une violence compulsive et incontrôlable. En 1952, Dmytryk s’intéresse à son tour à ce sujet avec « L’homme à l’affût », thriller centré sur un impitoyable sniper qui sème la mort et la panique dans les rues de San Francisco. Un  thriller au cordeau, qui tire en partie sa réussite de sa puissance visuelle (les séquences de meurtres sont très léchées, comme la première victime tuée contre une affiche à son effigie, ou celle de l’ouvrier sur la cheminée d’une usine). Mais contrairement à ce qui avait pu être fait avant, le cinéaste prend les spectateurs à contre-pied en adoptant un point de vue réaliste et en privilégiant une approche psychologique résolument moderne du serial killer. Son sniper, obsédé par les femmes brunes, n'est ainsi pas un fou. Car comme cela nous est rappelé judicieusement dans le film, ce qualificatif ne vaut que pour les individus incapables de dissocier le bien du mal. C’est un malade, conscient de ses actes. Il tente d'ailleurs de réfréner ses pulsions autant qu’il le peut. En vain. Ce qui lui confère une dimension à la fois inquiétante (c’est a priori un type lambda qui pourrait être votre voisin), effrayante (la scène, terrible, où il lance frénétiquement des balles contre la cage d’une hôtesse à la fête foraine) et, paradoxalement, humaine (notamment dans un final assez inattendu). Peut-être pas le plus connu des film de Dmytryk, mais sans aucun doute l’une de ses plus belles réussites.

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Le DVD : Le film est présenté en version restauré dans un Master Haute-Définition, en version originale américaine (2.0). Des sous-titres français sont également disponibles.

Côté bonus, le film est accompagné de quatre présentations respectivement signées Bertrand Tavernier, Olivier Père, Patrick Brion et François Guérif.

Édité par Sidonis Calysta, « L’homme à l’affût » est disponible en DVD depuis le 2 mars 2021.

Le site Internet de Sidonis Calysta est ici. Sa page Facebook est ici.