La vengeance d'un acteur

Un grande merci à Rimini Editions pour m’avoir permis de découvrir et de chroniquer le blu-ray du film « La vengeance d’un acteur » de Kon Ichikawa.

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« Cela fait vingt ans que je sais qui sont mes ennemis. Mais c’est la première fois que je les vois. Je ne pourrais plus jamais oublier leurs visages »

Yukinojo, célèbre acteur de kabuki, vient jouer à Edo avec sa troupe. Un soir, sur scène, il reconnaît dans le public les trois hommes qui ont provoqué la ruine et le suicide de ses parents : le magistrat Dobe et les commerçants Kawaguchiya et Hiromiya. À l’époque, il avait alors juré de les venger coûte que coûte. Yukinojo compte bien tenir sa promesse et va pour cela se servir de la fille de Dobe, Dame Namiji, tombée amoureuse de l’acteur...

« Quand on maitrise un art et qu’on devient célèbre, on en oublie la sagesse »

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Venu de la peinture et du monde de l’animation, Kon Ichikawa débute sa carrière de réalisateur au lendemain de la Seconde guerre mondiale. S’il n’aura jamais l’aura ni la considération des grands maitres du cinéma nippon de son époque (Kurosawa, Ozu et Mizoguchi), il n’en reste pas moins un cinéaste prolifique (80 films) et d’une rare longévité (il tournera encore au début des années 2000). S’il dirige de nombreux films commerciaux de divertissement populaire sans grande prétention artistique, il s’illustre toutefois par le biais de quelques projets plus personnels (« Le pavillon d’or » en 1958) - et notamment ses pamphlets pacifistes et antimilitaristes que sont « La harpe de Birmanie » (1956) et « Feux dans la plaine » (1959) - qui concourent dans les grands festivals et lui permettent de se faire connaitre à l’international. En 1963, le studio Daiei, lassé des tendances dispendieuses du cinéaste, lui confie le soin de diriger avec des moyens limités le film « La vengeance d’un acteur », remake d’une trilogie à succès réalisé en 1935 par Teinosuke Kinugasa, elle-même inspirée d’un célèbre roman feuilleton paru dans la presse nipponne des années 30. Pour l’occasion, le cinéma fait le choix audacieux rappelle le vétéran Kazuo Hasegawa, pour reprendre le rôle qu’il tenait déjà près de trente ans plus tôt dans le film de Kinugasa.

« Excuse-moi si j’ai blessé tes sentiments. Ton extrême réserve me fait souffrir »

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Clairement, la commande faite à Ichikawa avait tout du projet piégeux. D’une part parce qu’il s’agissait d’une histoire très populaire qui avait déjà l’objet de plusieurs adaptations cinématographique (dont la dernière en date quatre ans plus tôt). Et d’autre part parce que le kabuki n’a plus trop le vent en poupe au cinéma. Mais contre toute attente, le cinéaste réussit à s’en sortir brillamment, grâce à un gros travail de réappropriation de l’histoire. Celui-ci se traduit par un scénario malin, qui fait le choix d’expurger un certain nombre d’éléments de l’histoire originelle (notamment le personnage de la mère du héros) pour gagner en efficacité et tirer le meilleur parti de cette histoire de vengeance somme toute assez simple et classique, qui prend ici des tournures shakespeariennes. Mais la plus grande qualité du film réside dans la mise en scène particulièrement soignée du cinéaste qui, grâce à une série d’effets (stylisation des décors, jeu sur les clairs obscurs…) s’amuse à brouiller constamment les frontières entre le théâtre et la réalité. Une ambiguïté permanente qui lui permet d’assumer (et de donner du crédit à) la théâtralité de certaines scènes (notamment les scènes de mise à mort de ses trois cibles) et de renforcer la dimension mélodramatique du récit (notamment la relation du héros avec Namiji, la fille de son ennemi). Visuellement, « La vengeance d’un acteur » est une véritable splendeur. Sur le fond, l’histoire, si elle ne manque pas de panache, reste quand même un peu légère. D’autant que certaines clés de compréhension, très ancrées dans la culture nipponne, nous échappent un peu (notamment l’attirance de la jeune Namiji pour un vieil acteur de kabuki efféminé). L’ensemble n’en est pas moins envoutant.

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Le blu-ray : Le film est présenté en version restaurée dans un Master Haute-Définition et proposé en version originale japonaise (1.0). Des sous-titres français sont également disponibles.

Côté bonus, le film est accompagné d’une passionnante analyse signée Bastian Meiresonne (2020, 32 min.) et  du documentaire « Un siècle de cinéma japonais » de Nagisa Ôshima (1994, 52 min.).

Édité par Rimini Editions, « La vengeance d’un acteur » est disponible en combo blu-ray + DVD depuis le 1er octobre 2020.

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