Le Peuple Loup (2021) de Tomm Moore et Ross Stewart

"Le Peuple Loup", en V.O. "Wolfwalkers" ce qui semble largement plus approprié, est un film considéré par son réalisateur-scénariste-animateur-producteur Tomm Moore comme le 3ème d'une trilogie sur les mythes et légendes irlandaises après "Brendan et le Secret de Kells" (2009) et "Le Chant de la Mer" (2014). Mais cette fois, l'artiste a offert une co-réalisation à Ross Stewart, illustrateur-concepteur ayant déjà collaboré avec Tomm Moore sur ces deux précédentes oeuvres ainsi que sur le film d'animation "L'Etrange Pouvoir de Norman" (2012) de Chris Butler et Sam Fell des studios Laika. Le film est co-produit logiquement par Cartoon Saloon société créée par Tomm Moore et Paul Young (oui la rock star qui prête d'ailleurs sa voix pour ce film) à qui on doit les films de Moore mais aussi de petits bijoux comme "L'Apprenti Père Noel" (2010) de Luc Vinciguerra, "Jean de la Lune" (2012) de Stephan Schesch et "Parvana" (2017) de Nora Twomey, puis également avec le studio français de Mélusine Productions à qui on doit les excellents "Ernest et Célestine" (2012) du trio Renner-Aubier-Patar et surtout "Le Jour des Corneilles" (2012) de Jean-Christophe Dessaint. L'histoire parle de la volonté des hommes de contrôler les éléments selon Tomm Moore : "L'histoire se déroule au 17ème siècle, quand les anglais cherchaient à "civiliser" l'Irlande en coupant toutes les forêts et en essayant d'exterminer les loups, car ils incarnaient symboliquement le caractère indomptable du pays." (...) "Il peut être bon de prendre conscience (que la nature) n'est pas juste cette chose bienveillante et douce, mais aussi une force impressionnante, puissante et sauvage. Elle est capable de bine des choses que beaucoup ignorent."

Le Peuple Loup (2021) de Tomm Moore et Ross Stewart

Tomm Moore co-signe le scénario avec Ross Stewart, Will Collins qui n'avait écrit jusque là que pour le film "My Brother" (2010) de Paul Fraser, et surtout avec la collaboration de Jessica Cleland connue comme directeur photo/animatrice/consultant sur des oeuvres comme "Mission Noel" (2011) de Sarah Smith et Barry Cook, (2016) et Eric Summer et Eric Warin et sur "Parvana" (2017) de Nora Twomey... Au milieu du 17ème siècle Robyn et son père anglais ont émigré en Irlande, à Kilkenny. Son père est chargé par le seigneur anglais de chasser les loups qui peuplent la forêt de Kilkenny. Robyn rêve de suivre les pas de son père mais les enfants ont interdictions de quitter l'enceinte de la ville. Malgré tout Robyn désobéit et fait ainsi la rencontre de Mebh, une fille-loup qui a des pouvoirs magiques avec qui elle devient amie. Malheureusement, le seigneur ordonne la destruction de la forêt et la mort de tous les loups, ce qui place le père de Robyn dans une position très difficile alors que Robyn doit faire des choix décisifs... Pour les voix, aucune star dans la V.F., on notera toutefois que le producteur Paul Young prête sa voix au berger, tandis que le père a la voix de l'acteur Sean Bean, star connue pour mourir très souvent à l'écran et qui a finalement peu prêter sa voix à l'exception notable de plusieurs jeux vidéos et des films d'animation "La Reine des Neiges 2" (2014 - dans sa version anglaise et rien à voir avec Disney !) de Aleksei Tsitsilin et "Watch the Skies" (2019) de Mark Byers. Notons que la musique est signée du français Bruno Coulais, fidèle de Tomm Moore, à qui on doit aussi les B.O. de nombreux films dont plusieurs oeuvres d'animation et/ou documentaires comme "Microcosmos" (1996) de Claude Nuridsany et Marie Pérennou, "Coraline" (2009) de Henry Selick, "Mune le Gardien de la Lune" (2015) de Benoît Philippon et "Les Saisons" (2016) de Jacques Perrin et Jacques Cluzaud... Précisons que les deux réalisateurs sont originaires de la ville de Kilkenny, et que le choix du 17ème siècle est loin d'être anodin puisque l'armée anglaise de Cromwell a battu les Irlandais en 1649 justement à Kilkenny. D'emblée on est frappé par le style de l'animation, parfaitement raccord avec le style de Moore déjà vu dans ses premiers films et qui font aussi toute son originalité. Le cinéaste précise ses inspirations : "Les films hongrois, notamment, adaptés des contes folkloriques, comme ceux de Marcell Jankovics. Leur approche artistique m'a beaucoup influencé, bien davantage que les animés japonais. Ces derniers ont un très beau style, mais je trouve les illustrations et l'animation d'Europe de l'Est beaucoup plus variées. J'aime aussi la façon dont ces films sont liés à l'art moderne." (...) "Je suis également intéressé par les structures fractales présentes dans les plantes. Elles sont davantage perceptibles lorsque l'on vit une expérience psychédélique, durant laquelle se révèle la géométrie infinie et sacrée de la nature. Autant de chose que l'on voit dans les mandalas ou dans l'art indigène."

Le Peuple Loup (2021) de Tomm Moore et Ross Stewart

Effectivement, après un temps d'adaptation due à notre "soumission" à Disney et cie, on est émerveillé par la richesse graphique de cette animation, littéralement comme des dessins en 2D qui se mettrait à prendre vie. Outre la réussite totale d'un point de vue pictural on ne peut que savourer un graphisme qui nous change des "ronds" académiques des écoles Disney, Dreamworks et consorts. L'originalité formelle est un atout et le style de Tomm Moore unique et reconnaissable. Dans les détails, on peut percevoir un jeu d'ombre et lumière précis et judicieux pour mieux marquer la magie de la faune et de la flore. Du point de vue de l'histoire, si la scénario reste assez basique sur sa trame générale on remarquera que deux thématiques qui renvoient à l'actualité, le fanatisme religieux symbolisé par un méchant qui renvoie de surcroît au personnage historique Cromwell (dont les traits ne sont pas sans rappeler le méchant du film "Pocahontas" en 1995 de chez Disney), et le féminisme symbolisé par deux femmes wolfwalkers cheftaines de meutes hurlant à la Lune comme des guerrières fortes qui mènent leurs sujets mâles comme des amazones. Ces deux points sont plutôt intégrés judicieusement et de façon cohérente, sans oublier leur faiblesse respective comme l'aveuglément fanatique, la peur de l'inconnu, la force de l'union... etc... Par contre deux bémols arrivent dans la dernière partie du film, d'abord la métamorphose qui ne peut normalement arriver que durant un sommeil ce qui est invraisemblable pour le père en pleine bataille et folie destructrice, puis surtout, on tombe dans l'écueil du genre, à savoir un père aux oeillères telles qu'il refuse d'écouter et/ou de comprendre sa fille ; comme toujours dans ce genre de films, mais là le père est si borné que ça en devient juste hyper agaçant, voir complètement tiré par les cheveux (même quand il voit que sa fille semble en bonne compagnie il agit stupidement), ce paramètre est poussé si loin que soudain on en souffle d'agacement, le film vient de perdre des points tant c'est horripilant. Dommage... Car Tomm Moore et Ross Stewart signe un film pourtant fabuleux, techniquement encore plus abouti que les films précédents, avec deux sujets de base qui s'imbriquent parfaitement et deux héroïnes aussi touchantes que drôles. Sans ce père si crétin, la note aurait été bien plus généreuse, mais ça reste un film d'animation merveilleux à voir et à conseiller.

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Pour info bonus, Note de mon fils de 11 ans :

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