La Mission (2021) de Paul Greengrass

Après "Un 22 Juillet" (2018) plutôt passé inaperçu voici le retour du réalisateur Paul Greengrass dont on peut citer ses excellents films de "Bloody Sunday" (2002) à "Jason Bourne" (2016) en passant par "La Mémoire dans la Peau" (2004), "Vol 93" (2006) et "Green Zone" (2009). Ce nouveau projet est adapté du roman "News of the World" (2016) de Paulette Jiles qui donne son titre en V.O. ce qui est beaucoup plus logique et judicieux que ce titre français impersonnel et passe-partout. Le scénario est co-signé de Greengrass et de Luke Davies auquel on doit les scénarios de films comme (2015) de Anton Corbijn, "Lion" (2016) de Garth Davis et "My Beautiful Boy" (2018) de Felix Van Groeningen. Le film est sortit dans quelques salles aux Etats-Unis, mais le film est désormais siglé Netflix pour le reste du Monde (excepté la Chine). Précisons qu'il s'agit du premier film "historique en costume" de Greengrass qui avait jusqu'ici essentiellement tourné des films ancrés dans notre actualité contemporaine et récente...

La Mission (2021) de Paul Greengrass

En 1870, Jefferson Kidd est un capitaine vétéran de la Guerre de Sécession. Ex-éditeur ayant tout perdu pendant la guerre il est devenu lecteur de journaux, passant de ville en ville afin de lire les nouvelles aux populations. Un jour il trouve une fillette, à priori d'origine allemande et qui aurait été enlevée par les indiens. Après avoir tenté de la remettre à l'armée, il s'oblige à la ramener lui-même jusqu'à sa famille. Un voyage dangereux dans un état qui vient tout juste de réintégrer l'Union des Etats-Unis... Ce lecteur d'informations est incarné par la star Tom Hanks qui retrouve le réalisateur après le très bon "Capitaine Phillips" (2013), et qui joue pour la première fois dans un western après avoir rarement joué un rôle d'action à l'exception notable de films comme "Il Faut Sauver le Soldat Ryan" (1998) de Steven Spielberg, "Les Sentiers de la Perdition" (2002) de Sam Mendes et le récent "USSS Greyhound" (2020) de Aaron Schneider. La fillette est interprétée par la jeune actrice allemande Helena Zengel déjà vue dans "Looping" (2016) de Leonie Krippendorff, "Die Tochter" (2017) de Mascha Shilinski et surtout particulièrement remarquée pour sa performance dans "Benni" (2019) de Nora Fingscheidt. Le duo de circonstance va croiser plusieurs personnages, dont ceux jouer par Michael Covino qui vient de réaliser et jouer dans (2020), Lare Winningham vue dans "Brothers" (2009) de Jim Sheridan et "Dark Waters" (2019) de Todd Haynes, Elizabeth Marvel qui a déjà abordé la période dans (2012) de Steven Spielberg et qui a croisé également "Jason Bourne : l'Héritage" (2012) de Tony Gilroy, puis une petite apparition de l'acteur Bill Camp qui retrouve plusieurs partenaire après "Lincoln", "Jason Bourne", "Dark Waters" et qui retrouve le western après l'excellence de (2017) de Scott Cooper... Le thème des enfants enlevés par les amérindiens est assez peu traité au cinéma, mais on peut citer deux monuments sur le sujet que sont les films "La Prisonnière du Désert" (1956) et "les Deux Cavaliers" (1962) tous deux de , maître incontesté du genre. Il faut rappeler que ces rapts ont réellement existé et qu'il reste, on s'end doute, source de traumatismes importants (comme bien d'autres cas !). Et si le rapt a un fond historique on constate que le film repose sur d'autres paramètres sur lesquels les scénaristes ont assurément vérifié les faits, par exemple le choix de l'année, 1870 est une date charnière pour le Texas puisque c'est cette année-là que le Texas rejoint officiellement les Etats-Unis après plusieurs années marginales ou le Texas a été exclu. Le contexte géo-politique du Texas est alors parfaitement rendu dans ce film avec notamment un passé sécessionniste encore brûlant. La législation sur les armes est également un paramètre intéressant dans une atmosphère post-sécessionniste et si on est pointilleux on peut aussi constater que le périple et les villes citées et/ou traversées sont parfaitement cohérents, entre San Antonio, Castroville et Galveston, et on peut saluer le soin apporté jusque dans le choix de la petite héroïne allemande ; il est avéré que les allemands étaient alors la communauté la plus nombreuse dans cette partie du Texas, et rappelons (pour une fois !) que l'héroïne est interprétée par une allemande qui a l'âge de son personnage.

La Mission (2021) de Paul Greengrass

On apprécie aussi la découverte du métier de liseur de nouvelles (d'où le titre en V.O.), un métier ayant réellement existé aussi et qui permet d'étoffer un scénario par des parallèles plutôt malins entre les lectures du capitaine Kidd et le monde en plein chamboulement, on pourrait ainsi même poussé avec ce Texas d'aujourd'hui. Le contexte historique, l'atmosphère qui en découle dans un Texas américain particulièrement divisé (et aujourd'hui ?!) place ce film dans un écrin judicieux d'un réalisme qui donne une dimension tout à fait légitime. Malheureusement, si le métier apporte un regard intéressant le parallèle entre le capitaine et la fillette (deuil, souvenirs traumatisants, rapports à la mort, solitude...) est déjà plus balisé et convenu ce qui nous ouvre grand la porte de l'épilogue. Mais on est surtout un peu frustré de voir la mise en scène de Paul Greengrass aussi statique, attentiste, comme si il n'était pas spécialement investi dans ce film. Le réalisateur nous avait plus habitué à un style presque naturaliste, non dénué d'une certaine nervosité et d'une immersion plus frontale. Ici le réalisateur s'attarde avec de long travelling sur les magnifiques paysages du Texas, certe c'est beau, mais ensuite il offre un périple d'un classicisme un peu désuet malgré quelques passages qui ne manque pas d'onirisme (la tempête de sable). Le récit pousse à un pessimisme peu engageant quant à l'avenir du Texas, et ce même si la toute fin engage à être optimiste ce qui serait presque sarcastique quand on voit ce qu'est le Texas aujourd'hui. Tom Hanks est égal à lui-même ni plus ni moins, la petite Helena Zengel est une révélation qu'on va revoir à n'en pas douter, on passe un bon moment mais émotionnellement on est à des années-lumière des films de Ford, et surtout on ne décèle pas le style singulier de Greengrass. Un bon film, mais le moins abouti du réalisateur.

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Pour info bonus, Note de mon fils de 11 ans :

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