Madre

MadreDeux films en un

Tout commence par 15’ suffocantes lors d’un plan séquence virtuose mené de main de maitre par Rodrigo Sorogoyen. On est dans un appartement madrilène en compagnie d’une jeune mère qui reçoit un appel de son fils de 6 ans en panique. Il est seul sur une plage française et son père l’a abandonné quelques minutes mais ne revient pas. On sort de cette séquence rincé et sidéré. Sorogoyen recycle un court métrage qui lui valut de nombreux prix et en fait le point de démarrage de son histoire.

L’espagnol, un des maitres planétaires actuels du thriller, nous scotche en quelques minutes pour nous transporter via une ellipse de 10 ans, sur la côte basque où la mère du petit vit seule dans une sorte de errance psychologique. Et là démarre un second film traitant, non d’une éventuelle enquête sur sa disparition, mais du deuil le plus terrible, celui d’un jeune enfant. Dans cette nouvelle vie, elle rencontre un ado de 16 ans qui pourrait donc être son fils par l’âge mais aussi par la ressemblance ; et jette son dévolu sur lui. Lui flatté d’être le fruit de l’attention de cette belle femme et elle perdue en face de ce jeune homme sur lequel elle projette son manque. Cette histoire de transfert affectif est traitée avec beaucoup de tact et de finesse. La bascule entre les deux films est brusque ; du thriller, on passe au film psycho intimiste, mais à la sauce Sorogoyen, c’est-à-dire en mode marionnettiste manipulant les sentiments de ses personnages. De fait, il reste un peu de mystère et de tension dans ce second film de 1h40, car le metteur en scène maitrise parfaitement son cadrage, ses plans et sa direction d’acteur. Marta Nieto en mère sur la lame du rasoir est magnifique et bouleversante de complexité jusqu’à un final dont on ressortira avec mille questions sans réponse.

Même si ce film est frappé du sceau du talent à tous niveaux, on ressort un peu circonspect entre une montée d’adrénaline inhabituelle et un récit qui se dégonfle au fur et à mesure qu’il s’étire en longueur.

Avoir tout de même pour la virtuosité des 17 premières minutes et la maitrise de Sorogoyen

Sorti en 2020

Ma note: 14/20