Spéciale première

Un grand merci à Rimini Editions pour m’avoir permis de découvrir et de chroniquer le blu-ray du film « Spéciale première » de Billy Wilder.

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« L’emmerdant, c’est que c’est impossible de pondre un article de génie avec une pendaison... Si au moins on avait la chaise électrique ! »

Chicago, années 30. Alors qu’un homme doit être exécuté pour le meurtre d’un policier, Walter Burns, rédacteur en chef du Chicago Examiner, apprend que son journaliste vedette Hildy Johnson démissionne pour se marier. Burns va utiliser tous les moyens faire pour convaincre son journaliste vedette de couvrir l’affaire, d’autant que le criminel parvient à s’évader.

« Vous décrocherez soit le Nobel de journalisme, soit un an de taule ! »

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En 1974, Billy Wilder a presque soixante-dix ans. S'il reste une figure importante du paysage hollywoodien, ses heures de gloires sont derrière lui et il est tout bonnement ringardisé par les jeunes loups du Nouvel Hollywood. Tel une sorte de dinosaure. Pour preuve, ses derniers films (« Embrasse-moi idiot », « La vie privée de Sherlock Homes », « Avanti ! ») ont tous connu de cuisants revers publics et critiques, même s’ils comptent en l’état parmi les plus grandes réussites formelles de sa carrière. C’est dans ce contexte difficile qu’il se lance dans l’écriture de « Spéciale première », adaptation de la pièce à succès « The front page » écrite en 1928 par Ben Hecht et Charles McArthur et qui a déjà été adapté deux fois au cinéma : « The front page » (1931) par Lewis Milestone et « La dame du vendredi » (1940) par Howard Hawks. Pour la petite histoire, le film vaudra un nouvel échec à Wilder qui, découragé, ne tournera plus ensuite que deux films (« Fedora » en 1978 et « Victor la gaffe », un remake de « L’emmerdeur », en 1981). Quant à la pièce « The front page », elle connaitra avec « Scoop » de Ted Kotcheff (1988) une quatrième et dernière (à ce jour du moins) adaptation pour le grand écran.

« Je refuserai de couvrir le dernier repas du Christ même si c’était chez Maxim’s ! »

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Avec « Spéciale première », Billy Wilder trouve une fameuse occasion de traiter du métier de journaliste et, surtout, de brocarder leur sens éthique. Un sujet qui l’intéresse d’autant plus qu’il fut lui-même un temps journaliste lors de ses jeunes années viennoises puis berlinoises, et qu’il avait déjà traité sous un angle extrêmement cynique et corrosif avec « Le gouffre aux chimères », réalisé un quart de siècle plus tôt. Mais cette fois-ci, l’heure est à la farce et au vaudeville. On y suit le journaliste vedette d’un journal à scandale qui doit couvrir un dernier évènement avant de pouvoir rendre son tablier. En l’occurrence, il s’agira de l’exécution d’un anarchiste un peu corniaud, plus maladroit que dangereux, qui se retrouvera malgré lui en fuite. Un scénario de comédie improbable et minutieusement ciselé, propice à une avalanche de quiproquos drôlissimes. Mais comme toujours chez Wilder, le film ne fonctionnerait pas totalement s’il n’y avait pas, en arrière-plan, un sous-texte plus acerbe. « Spéciale première » est ainsi l’occasion pour lui de se livrer à une charge satirique sur les journalistes et, plus généralement, sur le monde de la presse, dont il reproche le sensationnalisme et la course effrénée au scoop, quitte à déformer la réalité. Ou même - pire - à la manipuler ! Réunis pour la deuxième (et avant-dernière fois) devant la caméra du cinéaste, le tandem comique Jack Lemmon - Walter Matthau fonctionne merveilleusement et à plein régime, donnant une dimension joyeusement immorale, cruelle et perverse à ces personnages principaux qu’on adore détester. Un regard qui, à cette époque,  dénote dans le paysage cinématographique américaine en ce qu’il s’inscrit à rebours des cinéastes du Nouvel Hollywood qui érigent alors les journalistes comme derniers garants de la liberté d’expression et de conscience (« A cause d’un assassinat », « Les hommes du Président »). S’il n’atteint peut-être pas la virtuosité de ses précédentes comédies (« Certains l’aiment chaud », « Embrasse-moi idiot » notamment), « Spéciale première » reste néanmoins un Wilder de très bonne facture et une comédie particulièrement savoureuse.

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Le blu-ray : Le film est présenté dans un nouveau Master Haute-Définition, en version originale américaine (2.0) ainsi qu’en version française (2.0). Des sous-titres français sont également disponibles.

Côté bonus, le film est accompagné d’une Interview audio de Walter Matthau (exclusivité Blu-ray, 28/08/1988, 62 min.), Interview audio de Jack Lemmon (50 min.) et d’une Conversation entre les journalistes Mathieu Macheret et Frédéric Mercier (54 min.). Un livret de 20 pages signé par le journaliste Marc Toullec complète avantageusement cette édition.

Édité par Rimini Editions, « Spéciale première » est disponible en DVD ainsi qu’en blu-ray depuis le 16 septembre 2020.

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