LES TROIS JOURS DU CONDOR (Critique)

LES TROIS JOURS DU CONDOR (Critique)LES TROIS JOURS DU CONDOR (Critique)

SYNOPSIS: Joseph Turner est un agent de la CIA chargé de réunir un maximum d'informations dans les livres d'espionnage afin d'en glaner des idées et de trouver les fuites quant aux pratiques de l'agence de renseignements. Sa vie va changer lorsqu'il retrouvera tous ses collègues assassinés pendant la pause-déjeuner. Turner, sous le pseudonyme de Condor va, dès lors, se lancer dans une course contre-la-montre dans le but de mettre au jour un réseau d'espions infiltré au sein même de l'agence.

Lorsque tous ses collègues de travail sont exécutés par une équipe de tueurs, le rat de bibliothèque de la CIA, Joe Turner ( Robert Redford)- nom de code " Condor " - se cache, réalisant bientôt qu'il est presque impossible de trouver quelqu'un en qui il peut avoir confiance, à mesure que les trahisons de ses supérieurs révèlent une vaste conspiration Ayant besoin d'un endroit pour se cacher, il kidnappe une passante, Kathy Hale (Faye Dunaway), qui ne croit pas vraiment à son récit des événements, surtout après qu'un reportage ait contredit une grande partie de ce qu'il lui a dit. Sans expérience sur le terrain et avec un assassin hautement qualifié à ses trousses, Condor pourra-t-il rester en vie et découvrir la vérité?

LES TROIS JOURS DU CONDOR (Critique) Le scandale du Watergate qui aboutira à la démission du président Nixon deux ans plus tard achève d'ébranler de façon durable la confiance du peuple américain, déjà traumatisé par le conflit au Vietnam et l'assassinat du président Kennedy et de son frère, dans ses institutions gouvernementales et économiques. Le cinéma s'empare immédiatement de ce malaise sous la forme d'un cycle de films qui semblent refléter ce monde de surveillance et de paranoïa, de dissimulation et de mensonges et qui implique des conspirations ténébreuses menées en coulisses par des groupes nichés au cœur de l'appareil d'état. Dans Les trois jours du condor sorti en 1975, l'ennemi intérieur est clairement identifié comme étant la CIA dont la réputation vacille à cette époque sous le coup de divers scandales : la Commission Rockefeller révèle le projet MKUltra, un programme illégal de contrôle mental, on l'accuse d'imprimer illégalement ses propres billets de banque; d'appuyer des coups d'État comme celui de Pinochet au Chili et même de vendre des intrigues réelles à des romanciers d'espionnage. Si les méchants du film se révèlent être une " CIA au sein de la CIA " - un groupe dissident extrémiste dont les agissements sont inconnus des dirigeants de " l'entreprise ", cette théorie des " quelques pommes pourries " semble être un échappatoire pour apaiser l'agence dont certains dirigeants furent invité à des projections du film. Avec le recul du temps, leur plan dans le film, qui implique une intervention au moyen-orient, lui donne un aspect visionnaire. Pourtant en dépit de l'implication de deux grandes figures libérales (entendre " de gauche ") d'Hollywood que sont Pollack et Redford, les Trois jours du Condor est sans doute celui des thrillers paranoïaques de l'époque au contenu politique le moins prononcé si on le compare à Conversations secrètes de Francis Ford Coppola, À cause d'un assassinat d' Alan J.Pakula (avec en vedette Warren Beatty qui refusera le rôle de Turner) et bien sur Les Hommes du président qui en quelque sorte ferme le banc de cette période. Le duo venait de tourner ensemble le western écologique Jeremiah Johnson et le film romantique Nos plus belles années et souhaitait poursuivre leur collaboration dans un autre genre. Les subtilités de l'intrigue et les déclarations éthiques ou politiques occasionnelles n'empiètent pas sur ce qui reste avant tout un grand film de studio destiné à mettre en valeur son couple de stars. Comme beaucoup de films de l'époque, il se monte autour d'un " package ", ici la réunion à l'écran de deux grands sex-symbols que sont Robert Redford et Faye Dunaway. Les trois jours du Condor est une relecture du thriller d'innocent en fuite à la manière de La mort aux trousses ou de Cinquième Colonne d' Hitchcock avec la CIA tenant le rôle de " Macguffin ". Le script est signé Lorenzo Semple Jr. qui, si il a travaillé sur À cause d'un assassinat reste surtout une figure du grand divertissement, s'étant fait remarquer sur la série télévisée Batman. Il deviendra le go to guy du producteur Dino De Laurentiis pour qui il signera aussi les scripts de Flash Gordon ou King Kong. Sans être tout à fait réaliste le film donne une impression authentique du monde de l'espionnage et porte néanmoins un aspect politique intéressant dans la confiance qu'à in fine Turner dans ce grand bastion de la presse - le New York Times. Mais dans le dernier arrêt sur image, la peur et le doute sur son visage montrent ce qui se passerait si cette liberté de la presse était perdue. Une peur qui semble se réaliser aujourd'hui dans l'Amérique de Trump et des fake-news.

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L'attraction principale du film est bien évidemment sa star Robert Redford qui malgré son charisme solaire de dieu californien parvient à être crédible à la fois en intellectuel livresque dont la tâche quotidienne est de rechercher des codes et des significations cachées dans les livres, les journaux et les magazines, en homme d'action capable de survivre à des fusillades dans les ruelles new-yorkaises et en kidnappeur capable de séduire Faye Dunaway. Même si l'actrice de Chinatown est à la fois électrique et vulnérable en spectatrice apparemment innocente pris dans cette toile, la romance entre Turner et Hale n'apparaît pas très organique en dépit du talent de Pollack qui a tourné sa part d'histoires d'amour au cinéma. Si les gens peuvent agir de manière dramatique après avoir subi un choc post-traumatique, la suspension d'incrédulité est forte pour accepter que le personnage de Turner, dont la petite amie vient d 'être abattue, finisse par coucher avec quelqu'un d'autre même si elle possède les pommettes ciselées et la beauté de Faye Dunaway. Cette liaison apparaît plus problématique encore de nos jours dans la manière dont le personnage de Dunaway tombe amoureux de son ravisseur. Le méchant principal est incarné par une autre légende de l'écran Max von Sydow, qui aurait eu 91 ans cette année, dont la carrière couvre 70 ans et 150 films. Bien qu'il soit surtout associé à son rôle d' Antonius Blockdans Le septième sceau d' Ingmar Bergman, du père Lankester Merrin de L'exorciste de William Friedkin ou Ming the Merciless dans Flash Gordon, sa performance en maître assassin suave aux trousses de Condor est l'une de ses plus mémorables. Grand, mince et silencieux, ses yeux toujours en mouvement, semblant calculer les prochains déplacements de sa proie, il ne montre aucun remord, ni aucune empathie. Si il est omniprésent dans l'histoire, il n'a que peu de scènes, il est plus souvent mentionné que vu, ce qui lui confère une aura effrayante. Le travail de Pollack est ainsi essentiel pour établir le jeu du " chat et de la souris " entre le tueur et sa proie, les deux acteurs ne partageant l'écran que deux fois. La seconde rencontre entre les deux hommes est très différente car le troisième acte prend une tournure inattendue qui leur permet de parler entre égaux plutôt qu'en antagonistes. Si Joubert reste menaçant, le jeu de Von Sydow souligne la transformation de Redford d'un personnage terrorisée en héros intrépide. Une transition nécessaire pour rendre crédible la confrontation finale entre Turner et l'autre méchant du film Higgins, incarné par une autre figure du cinéma des années 70, Cliff Robertson (connu des plus jeunes pour être l'Oncle Ben des Spider-man de Sam Raimi).

LES TROIS JOURS DU CONDOR (Critique) La mise en scène de Sydney Pollack a beaucoup de style, d'invention et une énergie que les œuvres de la seconde moitié de sa carrière semblent avoir perdues. L'utilisation de décors naturels confère au film un réalisme et une immédiateté qui tranche avec le glamour du vieil Hollywood. Ici règne un " réalisme dépressif " - un temps gris et pluvieux, des poubelles débordantes, des livres mal empilés et des réceptionnistes fumant à la chaîne. Même le générique d'ouverture avec sa police informatique - qui a dû paraître moderne en 1975 - nous rappelle la technologie terne du lieu de travail. Pollack utilise cette palette de gris pour effacer l'arrière-plan et rehausser le profil solaire de Redford. C'est est aussi un grand film new-yorkais, on y voit les tours jumelles (qui prennent aujourd'hui dans ce cadre de film paranoïaque un symbolisme sinistre), le musée Guggenheim, Central Park, ses delis, ses bretzels et des taxis jaunes à foison. La photographie, signée du grand Owen Roizman dont le nom est indissociable des thrillers des années 70 ( French Connection, L'exorciste, Les pirates du métro) est consciemment stylisée avec des plans à travers les branches et les essuie-glaces et contribue énormément à l'atmosphère du film. Ce n'est que dans la scène d'amour - entrecoupée de photographies artistiques en noir et blanc de bancs de parc vides sur une musique au saxophone sexy (le score de jazz-fusion de Dave Grusin n'a pas très bien vieilli) omniprésent que le film apparaît suranné. Redford revisitera le monde des espions et des conspirations dans Les Experts de Phil Alden Robinson puis sous la caméra de Tony Scott dans Spy Game , il passera même du mauvais coté dans Captain America Le Soldat de l'hiver (qui est une déclinaison super-héroïque dans le MCU du film de Sidney Pollack). Sydney Pollack comme réalisateur ( La Firme) et même comme acteur ( Michael Clayton) revisitera le genre du thriller complotiste mais Les trois Jours du Condor est sans doute le point culminant de ses sept collaborations avec Robert Redford.

LES TROIS JOURS DU CONDOR (Critique)

Titre Original: THREE DAYS OF THE CONDOR

Réalisé par: Sidney Pollack

Casting : Robert Redforf, Faye Dunaway, Max Von Sidow, Cliff Robertson ...

Genre: Thriller, Espionnage

Date de sortie: 21 novembre 1975

Date de reprise : 30 septembre 2020 en Version restaurée 4K inédite

Distribué par: Les Acacias

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