[CRITIQUE] : De l’or pour les chiens

[CRITIQUE] : De l’or pour les chiens

Copyright Rezo Films


Réalisatrice : Anna Cazenave Cambet
Acteurs : Tallulah Cassavetti, Ana Neborac, Corentin Fila, ...
Distributeur : Rezo Films
Budget : -
Genre : Romance, Drame
Nationalité : Français
Durée : 1h39min

Synopsis :

Fin de l’été, Esther 17 ans, termine sa saison dans les Landes. Transie d’amour pour un garçon déjà reparti, elle décide de prendre la route pour le retrouver à Paris. Des plages du sud aux murs d’une cellule religieuse, le cheminement intérieur d’une jeune fille d’aujourd’hui.
Critique :

Porté par la toute jeune actrice Tallulah Cassavetti, qui donne vie à ce personnage solaire et touchant, #Delorpourleschiens est un 1er film fascinant, autant par son propos que par le malaise qu’il peut dégager par petite touche. (@CookieTime_LE) pic.twitter.com/zCuOloGsjm

— FuckingCinephiles (@FuckCinephiles) August 29, 2020

Tallulah Cassavetti brille dans son tout premier rôle, en première ligne de surcroît, où elle suit son amour de plage jusqu’à Paris.


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Anna Cazenave Cambet signe son premier long-métrage avec De l’or pour les chiens, en projection au Festival du Film Francophone d’Angoulême, où la Semaine de la Critique nous présente quatre films ayant reçu leur label. Avec deux court métrages à son actif, dont l’un a été primé à Cannes pour la Queer Palm en 2016, la réalisatrice nous livre un coming of age particulier, où une jeune fille naïve, ballottée par la vie va faire la plus incongrue des rencontres, un groupe de nonne en plein Paris.


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Esther est seule, vit seule dans une ville touristique où elle vend des glaces non loin de la plage. Elle est aussi amoureuse de Jean, le serveur d’en face. Elle vit pour cet amour, le respire, écrit dans son journal intime le nombre de leurs ébats, les positions, les lieux pour ne rien oublier. Une façon d’être encore plus proche de lui, quand il ne lui donne que des miettes de son être. Alors que de son côté, elle se donne corps et âme. La première scène du film caractérise leur relation en un seul plan séquence. Après un acte sexuel en plein jour, à peine caché par les dunes, Jean s’éloigne d’elle sans lui jeter un seul regard, tandis qu’elle le poursuit, s'habillant en vitesse. Le ton est donné, ce que nous voyons est un amour à sens unique. Un amour de vacances, qui n’a pas vocation à se poursuivre dans l’avenir. Elle le suivra jusqu’à un Paris froid, gris où la réalité reprendra le dessus sur l’idylle de plage. Elle emmène son cœur brisé jusqu’à un monastère de bonnes sœurs, qui le recueille et lui laisse le temps de réparer ce qui a été brisé.


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Anna Cazenave Cambet a voulu s’éloigner du code bien huilé du coming of age, où la jeune adolescente finit par s’émanciper par sa sexualité. Dans De l’or pour les chiens, ce serait plutôt l’inverse, Esther s’émancipe par le fait de prendre conscience de ce que son corps renvoie, de ce qu’on attend d’elle. Elle n’est pas obligée de tout donner, peut garder des choses rien que pour elle. Comme les jeunes filles de sa génération, Esther est consciente de la sexualisation de son corps, mais pense qu’elle peut retenir Jean de cette façon. Accepter des pratiques sexuelles, contrer sa froideur par des avances. Vivant dans une ville faite de plage et de sables, se dénuder lui semble logique, se fondant dans la masse de touriste. Quand elle quitte ce lieu, dans une petite robe à motif bonbons, le spectateur sent vite que ce style de vêtement n’est plus en adéquation avec son environnement. Le nouveau mari de sa mère la déshabille du regard, ce qui l’invite à faire du slut-shaming sur sa propre fille, jalouse du regard de convoitise de son homme. À Paris, elle détonne avec sa robe légère parmi les manteaux et écharpes, uniforme de fin d’été parisien. Jean la quitte de nouveau, définitivement cette fois, en lui donnant son manteau, non pas par pure générosité, mais par honte d’être dans un bar en compagnie d’une jeune fille habillée si légèrement. Son corps est désiré, méprisé, mais Esther ne s’en pas forcément compte. Elle pense que tout donner aux hommes est la seule solution et se retrouve démunie quand elle se rend compte que ça ne convient plus à celui qu’elle aime.

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La réalisatrice ne juge jamais son personnage et lui donne parfois de l’espace pour s’exprimer par son corps, pour elle-même, comme le montre une séquence rupture où elle commence une danse lascive pour un barman mais termine par une danse intérieure, où elle exprime son chagrin. La lumière change, pendant un instant, elle se réapproprie sa vie, avant de revenir dans la réalité. Pourtant, on peut se poser la question du cœur central du film, où Esther passe d’un personnage ultra sexualisé à une vie monacale entourée de nonnes. Le scénario a l’intelligence de ne pas radicalement changé l'héroïne. Si Esther prend part au quotidien de ces femmes qui vivent pour Dieu, elle n’y croit pas elle-même. Mais elle peut penser à elle, vivre sans le regard des autres sur son corps et s’émanciper de son importance. Ce twist nous paraît cependant beaucoup trop abrupte, surtout au niveau du style vestimentaire, où nous passons d’une robe proche du corps et coloré, à un uniforme noir : pantalon, pull et petite chemise à col remonté. Le film cache son corps, comme s’il donnait raison aux jugements qu’elle a reçu depuis son départ. Ce choix est bien sûr expliquer par le lieu où elle se trouve, par l’enjeu donné par Anna Cazenave Cambet tout le long du métrage, mais le mal est fait et un malaise s’installe. Elle sort grandit pourtant de cet expérience, prenant conscience que les rapports humains, surtout avec les hommes, ne se résument pas à “je te donne, tu reçois”.


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Porté par la toute jeune actrice Tallulah Cassavetti, qui donne vie à ce personnage solaire et touchant, De l’or pour les chiens est un premier film fascinant, autant par son propos que par le malaise qu’il peut dégager par petite touche, conscient de son existence pour remettre en question le spectateur.


Laura Enjolvy 


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