Ce film du prolifique Claude Chabrol est une adaptation du roman "The Beast Must Die" (1938) de Nicholas Blake (pseudo du papa de Daniel Day Lewis !) qui retrace le parcours empreint d'un désir de vengeance et de haine aveugle d'un père après la mort de son fils jusqu'au face à face avec son meurtrier. Le titre en V.F. renvoie au passage 3:19 de l'Ecclesiaste dans la Bible : "19. Car le sort des fils de l'homme et celui de la bête sont pour eux un même sort ; comme meurt l'un, ainsi meurt l'autre, ils ont tous un même souffle, et la supériorité de l'homme sur la bête est nulle ; car tout est vanité." Chabrol co-signe le scénario avec son acolyte habituel, Paul Gégauff qui aura collaboré avec le cinéaste sur quasi tous ses films de "Les Cousins" (1959) à "Les Magiciens" (1976) en passant par "Les Biches" (1968) et "Docteur Popaul" (1972)...

Après la mort de son jeune fils fauché par un chauffard qui a pris la fuite, un père se mue en pisteur vengeur, cherchant consciencieusement le coupable. Lorsqu'il le retrouve, il s'immisce dans sa famille et devient un proche de cet homme qui s'avère être un homme abject haï de tous... Au générique on trouve des acteurs alors encore en début de carrière ou qui sont en pleine ascension. Dans le rôle du père est tenu par Michel Duchaussoy qui retrouvera Chabrol dans "La Femme Infidèle" (1969) et "Juste avant la Nuit" (1970) et "La Demoiselle d'Honneur" (2004). Le chauffard éventuel est joué par Jean Yanne qui retrouve Chabrol après "La Ligne de Démarcation" (1966) et qu'il retrouvera pour (1970) et "Madame Bovary" (1991). A noter que les deux acteurs ont connu une vrai reconnaissance avec des films de Alain Jessua, respectivement "La Vie à l'Envers" (1964) pour Jean Yanne et Jeu de Massacre" (1967) pour Michel Duchaussoy. La jeune femme par "qui tout arrive" est tenue la magnifique Caroline Cellier qui venait d'être révélée dans "La Vie, l'Amour, la Mort" (1969) de Claude Lelouch et qui retrouvera Chabrol dans "Poulet au Vinaigre" (1984) avec son époux Jean Poiret. Et enfin, on notera le rôle du commissaire interprété par un certain Maurice Pialat qui venait de réaliser son premier long métrage, "L'Enfance Nue" (1968), et qui retrouvera plus tard l'acteur Jean Yanne pour son film "Nous ne Vieillirons pas Ensemble" (1972)... Le prologue impose une atmosphère lourde, nous emmenant inévitablement vers le drame auquel on s'attend forcément.

Le ton est donné, un ton austère, froid, clinique presque dans lequel on imagine sans mal la détresse d'un père qui se mue doucement dans le rôle d'un homme au coeur asséché qui ne vit plus que par désir d'une vengeance violente. Mais l'intrigue met un peu de temps à se mettre en place, on s'impatiente un peu dans la première partie où tout repose sur le cahier intime en voix Off du père. Le film prend toute son ampleur après la rencontre avec Hélène/Cellier et sa venue dans la famille du chauffard présumé. L'intrigue pousse le spectateur à haïr également le chauffard tant il est un homme détestable, ce qui peut paraître un peu facile tant le drame originel se suffit à comprendre et à avoir de l'empathie pour le père. Ce choix nuance aussi logiquement la force de la morale, voir l'atténue sur la question de droit et de justice vis à vis de la vengeance. L'intérêt repose donc avant tout sur le face à face entre le père et le chauffard, entre Duchaussoy et Yanne qui offre un duel psychologique qui demeure un must dans le genre. Par contre, deux autres paramètres déçoivent plus particulièrement. La séquence du journal télévisé au contenu peu réaliste d'abord, et ensuite le jeu de Caroline Cellier au sommet de sa beauté mais qui ne sait pas pleuré correctement, à tel point qu'on peut remarquer qu'elle cache son visage retirant alors toute émotion. Claude Chabrol signe un film noir psychologiquement passionnant sur le fond, qui impose un climax pesant mais qui aurait pu être plus puissant émotionnellement parlant car un peu trop diriger vis à vis du chauffard.