Sorry We Missed You (2019) de Ken Loach

L'idée de ce film est venu pendant le tournage de "Moi Daniel Blake" (2016), le réalisateur Ken Loach s'est alors rendu de l'augmentation des travailleurs précaires : "C'est une nouvelle forme d'exploitation. Cette économie des petits boulots, comme on l'appelle, (...) la main d'oeuvre précaire, n'ont cessé d'être au coeur de mes discussions quotidiennes avec Paul Laverty."... A force, son scénariste Paul Laverty (fidèle depuis "Carla's Song" en 1995) a accumulé les infos et les documentations qui a amené leur productrice rebecca O'Brien a appuyé le projet. En quelque sorte, ce nouveau film est une suite thématique à "Moi Daniel Blake" et constitue une pierre de plus à l'édifice social dans la filmo de Ken Loach à l'instar de "My Name is Joe" (1998), "The Navigators" (2002), "Sweet Sixteen" (2002) et "It's a Free World" (2008).

Sorry We Missed You (2019) de Ken Loach

Le titre veut dire littéralement "Désolé de vous avoir manqué" qui fait référence au message laissé par le livreur en cas d'absence mais aussi aux parents qui doivent délaisser leurs enfants pour raison professionnelle... Ricky accepte un endettement pour devenir un chauffeur-livreur franchisé, officiellement à son compte mais en vérité il a les mains liées par un contrat particulièrement dur. Son épouse a dû vendre sa voiture et court donc après les moyens de transports collectifs. En même temps, leur fils ado tombe peu à peu dans la délinquance et la déscolarisation, tandis que leur fille souffre des disputes incessantes au sein de la famille... Le casting est composé pour l'essentiel d'amateurs. Le père est incarné par Kris Hitchen, plombier de métier, qui s'est lancé dans la comédie à 40 ans avec l'accord de sa femme tout en travaillant encore plus pour assurer le quotidien. Son épouse est jouée par Debbie Honeywood assistance scolaire dans la vie de tous les jours, et leurs enfants sont interprétés par les jeunes Rhys Stone et Katie Proctor. L'employeur du centre de livraison est incarné par Ross Brewster qui est en vrai policier... La mise en scène de Loach nous immerge direct dans le quotidien ouvrier, un style en docu-fiction qui met aussitôt en place le piège social où le couple doit se mettre d'accord sur un choix cornélien en espérant que leur choix va leur offrir un avenir meilleur. De nombreuses interrogations concernant les choix du couple nous submergent dès le début : pourquoi se lancer dans un projet avec autant de risques financiers ? pourquoi est-ce la femme qui doit perdre en autonomie ? Mais il faut savoir aussi se dire que la législation britannique est différente de la notre.

Sorry We Missed You (2019) de Ken Loach

Plus formel, aux malheurs financiers qui arrivent on peut se demander s'il était nécessaire de rajouter un ado en crise ?! On a connu Ken Loach un peu plus subtil que cette démonstration à charge à tous les niveaux, à force c'est marteler la misère sans que ce soit constructif tant c'est le pessimisme qui prédomine. Le soucis, est que même si le fond reste pertinent et révoltant, la démonstration empêche toute émotion et on finit par avoir envie de secouer ce couple. Surtout l'épouse qui est complètement apathique dans toutes les situations, la comédienne Debbie Honeywood n'offre d'ailleurs pas une performance inoubliable. Par là même, le fils ado n'apporte rien d'autre qu'agacement tant le scénario n'apporte aucune réponse et qu'il apparaît comme un paramètre scénaristique facile et galvaudé. Faut-il rappeler que la majorité des gens de niveau social modeste ou pauvre n'ont pas toujours des enfants délinquants ou déscolarisés ?! Sur ce film Ken Loach tombe dans le misérabilisme qui interdit toute porte de sortie. Certe le cinéaste dénonce, gratte et secoue les consciences, certe le monde ubérisé est une fatalité mais un peu nuance et un peu moins de manichéïsme n'aurait pas moins été utile et/ou juste. Ken Loach signe un drame qui sonne et résonne aux oreilles comme un appel à la révolution, dommage qie son combat l'aveugle au point de ne voir uniquement et seulement la lutte et/ou la souffrance.

Note :

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