Le voyage des damnés

Un grand merci à Elephant Films pour m’avoir permis de découvrir et de chroniquer le blu-ray du film « Le voyage des damnés » de Stuart Rosenberg.

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« Ce n’est qu’une folie passagère... Nous reviendrons. »

1939, le SS Saint Louis quitte Hambourg pour Cuba avec à bord 937 réfugiés juifs. Arrivés à Cuba, ceux-ci se voient interdit d’entrer sur le territoire. Les Etats-Unis s’y refusent également. Contraint de faire demi-tour, les officiers américains reçoivent une lettre signée de la main de plus de 200 juifs : s’ils ne trouvent pas refuge quelque part, ils menacent de collectivement mettre fin à leurs jours.

« Ils sont curieux ces juifs... on dirait que l’Allemagne leur manque ! »

Le_voyage_des_damnés_Max_Von_Sydow

Après avoir fait ses classes durant les années 50 à la télévision comme monteur puis comme réalisateur (sur diverses séries comme « Les incorruptibles », « La quatrième dimension » ou « Alfred Hitchcock présente » notamment), Stuart Rosenberg tente sa chance au cinéma dès le début des années 60. Mais son premier film, « Meurtre société anonyme » connait un tournage particulièrement tumultueux et après plusieurs semaines d’interruption, il est finalement remplacé par Burt Balaban. Il ne reviendra au grand écran que sept années plus tard, mais cette fois par la grande porte, avec le contestataire « Luke la main froide ». Après quelques comédies sociales assez oubliables, il devient au cours des années 60 l’un des spécialistes du polar virils, rugueux et à tendance paranoïaques (« Le flic ricanant », « La toile d’araignée » ou encore « Avec les compliments de Charlie ») avant de signer au début des années 80 son plus grand succès public avec le thriller horrifique « Amityville : la maison du diable ».

« Nous sommes une famille. A travers les siècles nous avons survécu car nous n’avons jamais perdu espoir »

Le_voyage_des_damnés_Faye_Dunaway

Mais au milieu de cette filmographie assez resserrée (une petite quinzaine de films réalisés pour l’essentiel entre 1967 et 1984) et très codifiée, Stuart Rosenberg signera en 1976 une grande fresque historique avec « Le voyage des damnés ». Basé sur une histoire vraie, le film relate l’odyssée du paquebot allemand SS Saint Louis qui en 1939 entama une traversée transatlantique avec à son bord un public essentiellement composé de juifs allemands cherchant désespérément à trouver un pays d’accueil pour fuir l’enfer qui leur est promis chez eux. Construit à la manière d’un film catastrophe, le scénario s’attache successivement à quelques-uns de ces voyageurs, pour la plupart des intellectuels et/ou des grands bourgeois, ainsi qu’à quelques membres d’équipage, certains étant d’ailleurs de fervents nazis. Avec énormément de justesse, le film décrit la peur et le traumatisme de ces gens qui tout quitté et tout perdu après avoir subi les persécutions antisémites, les brimades et même pour certains les camps de concentration. Il décrit surtout parfaitement l’ambivalence de leur ressenti envers l’Allemagne qui demeure à la fois leur patrie de naissance et de cœur et en même temps un pays qui leur inspire dégoût et peur. Mais plus encore, « Le voyage des damnés » montre avec beaucoup d’acuité le cynisme et l’indifférence dont feront preuve les nations occidentales ainsi que leur positionnement pour le moins ambigu par rapport à l’Allemagne nazie et aux populations juives. Qu’il s’agisse de Cuba ou des États-Unis alors sous la présidence de Roosevelt, aucun de ces pays n’accordera l’asile à ces populations en situation de danger absolu, au prétexte de questions bassement électoralistes. Comble de l’histoire, une grande partie d’entre eux trouveront finalement refuge en France et au Benelux où ils seront finalement traqués quelques mois seulement plus tard. Un grand film historique donc, qui a le mérite de rappeler combien les grands vainqueurs de la guerre n’ont pas toujours eu des comportements héroïques. Et si le film brille d’un énorme casting international (Max Von Sydow, Malcolm McDowell, Oskar Werner, Faye Dunaway, Orson Welles, José Ferrer, Ben Gazzara, James Mason...), tout juste pourra-t-on lui reprocher le classicisme un peu pesant de sa mise en scène.

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Le blu-ray : Le film est présenté en version restaurée dans un Master Haute-Définition, en version originale anglaise (2.0) ainsi qu’en version française (2.0). Des sous-titres français sont également disponibles.

Côté bonus, le film est accompagné de « Sans retour » : présentation du film par Julien Comelli (13 min.), d’une Bande-annonce d’époque et d’une Galerie photos.

Edité par Elephant Films, « Le voyage des damnés » est disponible en combo blu-ray + DVD ainsi qu’en édition DVD seul depuis le 29 octobre 2019.

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