L’ÂME DES GUERRIERS (Critique)

L’ÂME DES GUERRIERS (Critique)L’ÂME DES GUERRIERS (Critique)

SYNOPSIS: La famille de Jake et Beth Heke vit dans une banlieue pauvre de Auckland, en Nouvelle-Zélande. La perte de son travail a rendu Jake alcoolique et brutal. Il fait peur à ses 5 enfants et sa femme, en fière descendante Maori, s'oppose à ses crises. Mais l'unité de la famille va bientôt voler en éclats dans une escalade de violence dont personne ne sortira indemne.

La ressortie il y a un peu plus de deux ans de l'excellent Utu de Geoff Murphy (1983) a permis de mettre un peu de lumière sur ce pays méconnu qu'est la Nouvelle-Zélande. Le film fut d'ailleurs sélectionné à Cannes à l'époque, une première pour un film néo-zélandais. Ce film puissant relatait la révolte du peuple maori contre le colonisateur britannique. Le cinéma néo-zélandais a dorénavant une grosse tête de gondole en la personne de Peter Jackson mais également Taika Waititi qui s'impose de plus en plus comme un acteur phare de cette colonie. A l'image de Murphy, Lee Tamahori fit partie de cette première génération de réalisateurs néo-zélandais qui répondit aux sirènes d'Hollywood après des débuts prometteurs. Malheureusement, Tamahori réalisa malgré de beaux budgets des films soit quelconques ( Le masque de l'araignée, A couteaux tirés) soit des purs nanars ( Meurs un autre jour sans doute un des pires James Bond, xXx2 : The Next level). Pourtant, il faut se donner la peine de se replonger dans L'Âme des Guerriers, son premier long-métrage, car bien qu'imparfait, ce film émeut et nous montre le destin du peuple maori à l'aune du XXIème siècle.

L’ÂME DES GUERRIERS (Critique)

Réalisé en 1994, ce film serait un bon complément au Utu de Murphy pour suivre l'évolution du peuple maori cent ans après la révolte (1870) ayant mené à l'indépendance de 1907. L'imagerie qui nous est présentée est à l'opposé du film de Murphy. Les maoris sont maintenant urbanisés et vivent dans des banlieues pauvres de grosses villes mondialisées. Fini les paysages de carte postale qui siéent si bien à ce pays. Les caravanes, cylindrées et autoroutes ont remplacés cabanes, chevaux et plaines. Le metteur en scène nous immerge parfaitement dans cet univers étouffant et suffoquant en utilisant une image jaunie qui rappelle le Wake in Fright de Ted Kotcheff. On suit donc ce couple dysfonctionnel, Beth et Jake, avec leurs cinq enfants. Leurs problèmes d'argent et la violence morale et physique de Jake commence à sérieusement impacter la vie déjà plus que chaotique de la famille. D'autant que Jake vient de perdre son emploi et a une sérieuse tendance à être porté sur la bouteille.

L’ÂME DES GUERRIERS (Critique)

Le film marque les esprits car il distille une énergie folle tout du long et, la nature très sociale de son sujet en fait un film à part. En effet, le cinéma d'auteur mondial a tendance à choisir un style contemplatif et assez lent pour décrire les dérives de notre société contemporaine. Tamahori choisit tout l'inverse. La musique est forte, la violence est brute, le style est rentre dedans à l'image du personnage principal interprété par Temuera Morrison, véritable monstre physique qui impressionne à chaque scène par son côté menaçant prêt à dégoupiller à chaque instant. A travers ce personnage de père égoïste, on observe le destin du peuple maori qui nous rappelle immédiatement la destinée du peuple indien d'Amérique. Le formidable livre de Tommy Orange Ici n'est plus ici sorti en 2019 nous démontre encore que ce grand peuple est toujours traumatisé par son histoire et que la plupart des indiens se noient encore dans l'alcool en attendant le retour à de jours meilleurs.

L’ÂME DES GUERRIERS (Critique)

On pourra rétorquer que le film ne joue jamais dans la finesse et accumule les clichés mais le réalisateur se repose toujours sur ces personnages attachants sans les juger ce qui permet de ressentir cette profonde sincérité dans le propos et de ne pas tomber dans le misérabilisme et les larmes forcées. De ce véritable drame nait un espoir qu'incarne Rena Owen. Femme violentée, amoureuse aveugle, elle décide de prendre sa vie en main une bonne fois pour toute faisant fi des humiliations du passé. Il fallait tout le charisme de cette actrice pour interpréter ce rôle peu aimable et complexe. En dégageant une force physique et mentale brute comme son alter ego masculin, elle excelle et le reste de sa filmographie ne rend pas hommage à son talent inné. On comprend que c'est par la prise de conscience puis par l'action que le peuple maori pourra retrouver toute sa splendeur. Le mal-être de Jake peut d'ailleurs s'expliquer par le reniement de son passé maori. Le metteur en scène appelle clairement la jeunesse à retrouver ses valeurs, se tourner vers le passé pour mieux préparer l'avenir. Il faut donc voir ou revoir le puissant L'âme des Guerriers.

L’ÂME DES GUERRIERS (Critique)

Titre Original: ONCE WERE WARRIORS

Réalisé par: Lee Tamahori

Casting : Pete Smith (II), Rena Owen, Temuera Morrison ...

Genre: Drame

Sortie en version restaurée le: 27 novembre 2019

Distribué par: Les Bookmakers / La Rabbia

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