La Belle Epoque (2019) de Nicolas Bedos

Le grand retour de Nicolas Bedos après la jolie réussite de son premier long, "Monsieur et Madame Adelman" (2017) sur lequel il était réalisateur-scénariste-acteur-compositeur. Pour ce nouveau film Bedos a reçu le soutien à nouveau de ses producteurs François Kraus et Denis Pineau-Valencienne, en attendant son futur 3ème long métrage déjà annoncé, le prochain "OSS 117 : Alerte Rouge en Afrique" (2020). Cette fois, il signe le scénario sans sa partenaire Doria Tillier qu'il laisse seule devant la caméra alors qu'il reste réalisateur-scénariste-compositeur d'un film dont il a été inspiré par une situation qu'il a trouvé aussi pathétique que comique : "Je le voyais allumer une gauloise, mater une speakerine dans un téléviseur en bois et pousser un soupir de soulagement. Voilà : un homme qui se noie dans le présent et qui fuit dans une époque dont les codes le rassureraient, le protègeraient. Je voulais filmer ce vertige que l'on ressent parfois autour de soi, cette défaite psychologique, et cette solution à la fois grotesque et assez bouleversante. Je me suis dit que cette image contenait quelques promesses de cinéma."...

La Belle Epoque (2019) de Nicolas Bedos

Aujourd'hui, Victor un sexagénaire désabusé rencontre Antoine, jeune entrepreneur qui propose à ses clients de revivre une époque de leur choix. Victor accepte l'expérience et choisit de revivre une semaine où il rencontra l'amour de sa vie il y a 40 ans... Le casting est en grande partie composée de stars qui se sont déjà croisés par le passé. Victor est incarné par Daniel Auteuil, et Antoine par Guillaume Canet, les deux hommes étaient déjà à l'affiche de (2013) de Christian Duguay. Les deux acteurs jouent aux côtés de Fanny Ardant qui retrouve Auteuil après "Le Paltoquet" (1986) de Michel Deville et "Le Guetteur" (2012) de Michele Placido, Denis Podalydès qui retrouve également Auteuil après "Caché" (2005) de Michael Haneke et qui retrouve surtout Pierre Arditi pour la 6ème fois après "Comme un Avion" (2015), Arditi qui retrouve aussi Auteuil après "L'Un Reste, l'Autre Part" (2005) de Claude Berri, et qui retrouve pour l'occasion Bedos et Doria Tillier après "Monsieur et Madame Adelman". Citons tout de même deux autres acteurs moins prolifiques, Mickaël Cohen vu dernièrement dans "Versus" (2019) de François Valla et la jolie Lizzie Brocheré vue dans "Vaurien" (2018) de Mehdi Senoussi... La première bonne idée du film réside dans le fait qu'on est à des années-lumières d'un film d'anticipation où les clients revivraient leurs souvenirs dans un monde purement virtuel, non ici l'entreprise use de moyens artisanaux pour offrir ce retour en arrière momentané. Ainsi, Antoine offre un produit à partir de décors, de documentation et d'une reconstitution qui a tout du théâtre. On pense un petit instant au système de "L'Arnacoeur" (2010) de Pascal Chaumeil mais sans piège, en puissance 10 à dose de nostalgie et d'émotion. Par là même, pas de rajeunissement des clients, Victor reste Victor même avec 40 ans en plus, à Victor d'y croire et de profiter, à Daniel Auteuil de nous y faire plonger avec lui !

La Belle Epoque (2019) de Nicolas Bedos

Mais cela rien sans le talent d'écriture de Nicolas Bedos. Cette fois le cinéaste délaisse un peu le côté caustique et cynique et se penche beaucoup plus sur l'émotion pure et offre de jolis moments drôles et/ou touchants. T oujours entre comédie et drame avec cette émotion qui joue sur le fil du funambule grâce à des dialogues percutants que ce soit dans le romantique où la satire. La mise en scène n'est pas en reste, il utilise la caméra à bon escient, à l'épaule pour le présent (angoisse du temps qui passe), et plus lent, plus enveloppant lors de la reconstitution (mélancolie et rassurant). La construction narrative est judicieuse et cohérente, on passe du réel à la reconstitution d'époque sans filtre, en traversant les décors comme si on était constamment dans les coulisses tout en étant aussi acteur ou voyeur. Mais si le style et le genre diffère, Nicolas Bedos aborde pourtant les mêmes thèmes que dans son premier film, le temps qui passe évidemment mais surtout la routine et l'usure du couple. Un moment nostalgique certe, mais remplit d'amour, mais d'un amour vrai, réaliste et ludique sans romantisme aveugle. Rarement le cinéma français (en tous cas depuis longtemps !) aura offert un tel panel d'émotion ; on sourit tout le long du film, on a les yeux humides presque tout le long du film, souvent les deux combinés avec en prime quelques rires comme une cerise... Bedos en tous cas confirme qu'il est un cinéaste à suivre de près, que son premier film n'était pas un accident ou un coup de chance. Le meilleur film français de l'année, et de loin. Merci du voyage monsieur Nicolas Bedos...

Note :

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