London Fields (2018) de Mathew Cullen

Ce projet est une production assez unique dans son genre, qui réunit une liste de producteurs/co-producteurs beaucoup plus longues qu'à l'accoutumée, allant jusqu'au triple qu'un blockbuster ! La faute à de nombreux soucis ayant démarré dès la mise en chantier du film et qui n'ira qu'en empirant malgré un casting prestigieux et un matériau d'origine solide. Ce film est adapté du roman éponyme (1989) de Martin Amis, qui est aussi co-scénariste du film, en collaboration avec Roberta Hanley qui signe là un de ses uniques scénarii et qui est épouse d'un des producteurs principaux Christopher Hanley qui s'est spécialisé dans les films d'auteurs ambitieux comme "Virgin Suicides" (1999) de Sofia Coppola, "Bully" (2001) de Larry Clark, "The Killer Inside Me" (2010) de Michael Winterbottom ou encore "Spring Breakers" (2013) de Harmony Korine. Après un premier désistement à la réalisation de David Cronenberg suivi de quelques autres, le choix s'est porté sur l'inconnu Mathew Cullen, réalisateur de clip musicaux notamment pour Adele et Katy Perry. Le tournage a eu lieu en 2013, mais dans les méandres cacophoniques de la production et des mésententes diverses le film qui devait être présenté au Festival de Toronto en 2015 sera annulé avant de connaître une renaissance inespérée en 2018. Mais le film entre alors à la postérité comme étant le 2ème film du pire démarrage au box-office de l'histoire du cinéma américain après "Proud American" (2008) de Fred Ashman avec seulement 168 565 dollars !...

London Fields (2018) de Mathew Cullen

Pêle-mêle on peut citer une attaque judiciaire du réalisateur contre son producteur pour avoir "dénaturé la fin du film", la production qui attaque sa star Amber Heard pour ne pas avoir assumé ses engagements promotionnels et pour avoir refusé de tourner des scènes de sexe hot dont elle "connaissait la nature salace et provocante du scénario, qui prévoyait des scènes de nu..."... Ce livre, le plus long de son auteur, connaît donc avec ce film une adaptation mouvementée à l'image finalement du résultat final... Dans le Londres de 1999, dans une société en proie à une crise sociale sans précédente, une femme fatale au dessein mystérieux, rencontre plusieurs hommes dont elle sait que l'un d'eux est son prochain meurtrier... D'emblée le film assume les thématiques de son auteur Martin Amis comme les excès du monde capitaliste dans toute son absurdité. Mais le désordre climatique annoncé dans le livre est ici à peine esquissé, on a l'impression d'être surtout au bord de l'implosion révolutionnaire... Pour le casting, il est assez judicieux de se remettre dans le contexte que le tournage a eu lieu en 2013. La femme fatale Nicola Six est incarnée par la sublime Amber Heard qui n'est pas encore la star du récent (2019) de James Wan, mais qui est alors surtout connue pour être la nouvelle compagne du monstre sacré Johnny Depp (relation 2012-2016) qui joue ici un second rôle à sa démesure mais trop caricatural et sous-exploité qui annonce sa pire période qualitative avec "Transcendance" (2014) de Wally Pfister et "Charlie Mortdecai" (2015) de David Koepp. Le film annonce un déclin certain pour les acteurs Jim Sturgess après "Cloud Atlas" (2012) des Wachowski et Billy Bob Thornton après (2013) de Peter Landesman. Par contre on notera que d'autres vont s'envoler un peu plus avec Theo James qui vient de se faire remarqué dans "Underworld : Nouvelle Ere" (2012) de Mans Marlind et Bjorn Stein et qui va grandir après "Divergente" (2014) de Neil Burger, et la top model Cara Delevingne après un petit rôle dans "Anna Karénine" (2012) de Joe Wright qui va s'imposer un peu plus par la suite, puis Jaimie Alexander révélée dans le rôle de Sif dans (2011) de Kenneth Branagh et "Thor : le Monde des Ténèbres" (2013) de Alan Taylor... Le style du film, son esthétique, ses outrances font qu'on pense ne pense pas franchement à un roman, on est entre le Film Noir et le roman graphique.

London Fields (2018) de Mathew Cullen

Par contre, malgré le casting et des producteurs chevronnés le budget de seulement 08 millions de dollars ne permet pas d'étoffer une histoire qui aurait mérité des décors moins pauvres. Cet économie de décors, ajouté à des acteurs pas toujours inspirés font qu'on est dans une sorte de théâtre filmé dont on a du mal à définir les contours. Niveau interprétation, si Amber Heard est sublimissime elle minaude trop pour être crédible, le pire est sans doute Jim Sturgess en surjeu total une vrai caricature ambulante sans une once de subtilité. L'outrance, pourquoi pas mais le décalage avec les autres ne crée qu'une fracture à laquelle il est difficile d'adhérer. La dimension presque post-apocalyptique est une option à peine exploitée, le film se focalise trop sur la sensualité de sa femme fatale façon Veronica Lake (qui était déjà la référence de Kim Basinger dans le chef d'oeuvre "L.A. Confidential" en 1997 de Curtis Hanson). Le vrai soucis réside dans le mobile de Nicola Six, dans le pourquoi du comment qui la pousse à aller vers son destin ?! Rien n'est expliqué, rien ne semble sensé, les tenants et aboutissants restent dans un flou artistique frustrant. Dommage pourtant, car le côté graphique du Film Noir a un attrait certain, encore faut-il des acteurs au diapason et une histoire qui tiennent à minima debout.

Note :

London Fields (2018) Mathew Cullen