Cold Fever

Cold Fever
La première fois que j'ai découvert la simplicité de Masatoshi Nagase, c'est lors de ma découverte de « Paterson » réalisé par Jim Jarmusch. Il arrivait à la fin du film, avec légèreté et ce flegme typiquement japonais pour converser avec « Paterson ». Un petit rôle qui m'avait marqué et qui est symptomatique de son talent, auquel il ne faut que peu de temps pour s'exprimer, Jim Jarmusch le savait lors de « Mystery Train », comme d'autre après lui qui l'ont fait jouer ! Alternant les genres et les styles avec aisance Masatoshi Nagase ne semble pas avoir de limites et ce petit film islandais, nous le montre une fois de plus …
" Hirata est un homme d'affaires japonais qui a réussi sa carrière, et dont les vacances de deux semaines prévues à Hawaï sont annulées quand son grand-père lui rappelle qu'il doit aller en Islande. Ses parents sont en effet morts sept ans plus tôt là-bas, et il doit à présent réaliser un rituel important dans la culture japonaise pour que leurs âmes puissent enfin trouver la paix. "
Je ne vous mentirai pas, mais j'avais une certaine appréhension à la découverte de ce film, car entre le titre énigmatique, un réalisateur qui m'était inconnu et un cinéma islandais qui s'ouvrait à moi, je n'étais vraiment pas en terrain conquis. Et bien comme notre personnage Hirata, j'ai baissé la garde et j'ai appris à apprécier la rudesse du climat islandais.

Cold Fever
« It's a strange country »
Comme une maxime qu'Hirata se répétera inlassablement, nous sommes aussi face à un pays étrange, scénarisé par l'un de ses représentants, le réalisateur Fridrik Thor Fridriksson et Jim Stark, producteur sur « Coffee and Cigarettes » et « Mystery Train » de Jim Jarmusch.
Le scénario est simple, c'est un road-trip de Hirata qui voyage du Japon à l'Islande pour réaliser les derniers rites funéraires suite au décès de ses parents là-bas. Seul bémol, il n'en a pas vraiment envie, mais il troque ses vacances à Hawaï, contre les froides contrés de ce pays qu'il ne connait pas, découvrant à la descente de l'avion, un pays étrange. La simplicité de l'intrigue est sans pareil à la complexité de fond qui se dégage de l'ensemble. On découvre ainsi « L’Islande », avec les yeux du personnage principal, instillant un décalage à cause des cultures qui divergent ainsi qu'un rire bon enfant. Personne ne se moque de l'Islande, des Islandais ou de leurs coutumes que nous découvrons partiellement ici ! Et on pourrait sans mal faire un parallèle entre le Japon et l'Islande qui semblent partager beaucoup de choses, comme l'insularité et des coutumes bien particulière.

Cold FeverC'est aussi une histoire que j'assimile à un conte ! Avec un héros, une problématique, des guides, des méchants et des épreuves. Hirata passe de la jungle urbaine japonaise aux décors hivernaux de l'Islande. Il rencontre des personnes diverses et variées qui ne lui veulent pas forcément que du bien, symbole des épreuves qu'il doit traverser afin de réussir sa mission. Ou les diverses traditions islandaises nous semblent si étrange qu'elles en deviennent presque magiques. Une déambulation chaotique, un parcours presque initiatique, au bout du quel, nous nous rappelons que le temps est éphémère et qu'il faut profiter des gens tant qu'ils sont encore là.
Qu'on retrouve Jim Stark au scénario ne me surprend pas, car l'un des cinéastes auxquels j'ai pensé tout au long du film, c'est à Jim Jarmusch ! Car ici on retrouve à mon goût cette poésie de l'ordinaire et cet amour des personnages singuliers. Malgré tout il n'est pas question de parler de filiation ou d'influence de l'un sur l'autre (car je ne connais pas assez l'oeuvre de Fridrik Thor Fridrikson), mais bien de ressemblance, notamment sur ce film ou je n'ai pas eu de mal à imaginer l'un à la place l'autre.
La réalisation de Fridrik Thor Fridrikson est quant à elle vraiment bonne ! Il arrive à donner du relief à cette histoire et un rythme assez singulier grâce au montage. D'ailleurs le choix d'avoir deux formats d'images à l'écran est très pertinent et en adéquation avec son personnage principal. Que ça soit le 1.66 : 1 à Tokyo qui montre l'étroitesse de la vie dans la mégalopole nippone, mais aussi l'état d'esprit de notre héros, au Cinémascope (2.35 : 1) qui aère le cadre et rend justice aux immensités enneigés de l'Islande, marque le récit de sa présence, intimant à son personnage de s'adapter s' il ne veut pas se perdre. C'est aussi agréable a suivre, qu'a voir, les choix de lumière de Ari Kristinsson magnifie ce pays et son patrimoine naturel, qui contribue grandement à l'atmosphère du film. Quant au casting, je pense que l'on s'est tous senti un jour comme Masatoshi Nagase, « It's a strange country » !
Cold Fever
Cold Fever – 15 Juillet 1998 - Réalisé par Fridrik Thor Fridriksson