Les hommes le dimanche

Un grand merci à Tamasa Diffusion pour m’avoir permis de découvrir et de chroniquer le blu-ray du film « Les hommes le dimanche » de Edgar G. Ulmer et Robert Siodmak.

Les_hommes_le_dimanche

Cinq personnages jouent dans ce film les mêmes rôles qu’ils tiennent dans la vie : chauffeur de taxi, vendeuse de chaussures, vendeuse de disques, représentant en vin, figurant. Ils sont simplement des hommes et des femmes de la ville. Wolfgang fait la connaissance de Christl et l’invite à l’accompagner à un pique-nique, le lendemain, à la plage du Wannsee, haut lieu de loisirs berlinois. Le même soir, un ami, Erwin, et sa femme, Annie, se disputent alors qu’ils avaient prévu d’aller au cinéma. Le jour d’après, Erwin se lève et rejoint seul Wolfgang. Christl est là, avec son amie Brigitte. Le quatuor se rend à la plage…

Les_hommes_le_dimanche_Christina_Ehlers

Il est des films qui, par leur histoire particulière ou par leur modernité, resteront à jamais comme des jalons importants de l'Histoire du cinéma. « Les hommes le dimanche » est de ceux-là. Tout d'abord pour des raisons techniques, car ce film tourné en 1929 et sorti au début de l'année 1930 reste l'une des toutes dernières productions muettes du cinéma allemand à l'heure même de l'avènement du cinéma parlant (les films parlants « L'angle bleu » et « M le maudit » sortiront à peine quelques mois plus tard). D'un point de vue artistique, le parti pris réaliste du film, voire même naturaliste, le rattache au mouvement de la Nouvelle objectivité par opposition à l’expressionnisme alors très en vogue dans le cinéma allemand. Mais plus que tout, Les hommes le dimanche constitue un incroyable témoignage sociologique sur la société berlinoise de la toute fin des années 20 et de la République de Weimar déjà déclinante. On y suit ainsi un groupe de jeunes gens qui, après sa semaine de travail, organise sa journée de loisirs et de détente hebdomadaire du dimanche. Et en ce beau-jour d'été, il sera question d'aller piqueniquer sur les rives du lac Wannsee, lieu de villégiature de la banlieue berlinoise prisée des classes populaires.

Les_hommes_le_dimanche_Erwin_Splettsober

L'ambiance y est résolument à la légèreté: on rit, on se baigne, on prend le temps de vivre. L'heure y est même à la séduction. Et tandis qu'on rejoue ostensiblement le déjeuner sur l'herbe de Manet, deux jeunes gens s'éloignent dans la forêt pour y faire l'amour. Le tout dans un climat général d'insouciance et d'hédonisme que rien ne semblerait pouvoir perturber. D'ailleurs - et c’est ce qui fait toute la fragilité de ce film - à la vue de ces images, rien ne permet de se douter de l'imminence du krach boursier et de ses terribles répercussions ni de l'effondrement moral de l'Allemagne avec l'avènement du nazisme et d'Hitler qui précipitera son pays, mais aussi l'Europe et le reste du monde dans sa folie sanguinaire destructrice et dans les crimes de masse. Enfin, « Les hommes le dimanche » est aussi marquant en ce qu'il est le premier (et unique) film d'une nouvelle génération de cinéastes qui comptent parmi les grands espoirs du cinéma allemand et qui seront vite obligés de s'exiler à Hollywood pour fuir le régime nazi et ses lois antisémites. On y trouve ainsi des noms aussi prestigieux que Edgar G. Ulmer (qui réalisera ensuite en Amérique de nombreux films noirs tels que « Le bandit » ou « Le démon de la chair ») et Robert Siodmak (qui réalisera lui aussi de nombreux films noirs comme « Les tueurs » ou « Pour toi j'ai tuer ») à la réalisation, ou encore Billy Wilder (futur réalisateur de « Boulevard du crépuscule », « Sabrina », « Certains l'aiment chaud » ou « La garçonnière ») et Fred Zinnemann (« Les anges marqués », « Tant qu'il y aura des hommes », « Le train sifflera trois fois ») au scénario. Un quatuor de cinéastes de prestige qui glanera pas la suite de nombreuses récompenses dont pas moins d'une dizaine d'oscars. En cela aussi, le film témoigne, tel un âge d'or déjà révolu, de ce qu'aurait pu être le cinéma allemand si la guerre n'était pas passer par là.

Les_hommes_le_dimanche_Brigitte_Borchert

***

Le blu-ray : Le film est présenté dans une version restaurée dans un Master 2k. Le film est muet mais les intertitres sont présentés en version originale allemande sous-titrés en français.

Côté bonus, le film est accompagné de « Au petit bonheur » , court-métrage d'Eugen Schüffan (1931, 34 min.) et de « Weekend au Wannsee », documentaire de Gerard Koll (2000, 30 min.). Un livret de 24 pages, « Le regard de Pierre Eisenreich: la genèse des Hommes le dimanche et son contexte » vient avantageusement compléter cette très belle édition digibook.

Edité par Tamasa Diffusion, « Les hommes le dimanche » est disponible dans un très beau combo blu-ray + DVD depuis le 21 mai 2019.

Le site Internet de Tamasa Diffusion est ici. Sa page Facebook est ici.