Kursk (2018) de Thomas Vinterberg

Cette production signlée EuropaCorp de Luc Besson retrace l'évènement tragique du sous-marin russe Kursk qui a sombré avec ses 118 hommes d'équipages le 12 août 2000 (Tout savoir ICI !). Le film est tiré du livre "A Time to Die : The Untold Story of the Kursk Tragedy" (2002) de Robert Moore, cette oeuvre pointilleuse dissèque tous les rapports d'expertises qui ont été effectuées sur les faits. Le scénario est signé de Robert Rodat connu pour son travail sur les films "Il faut sauver le soldat Ryan" (1998) de Steven Spielberg et "The Patriot" (2000) de Roland Emmerich. Une fois n'est pas coutume, le projet a été proposé au réalisateur danois Thomas Vinterberg qui a pourtant l'habitude de réaliser ses propres projets et de signer également ses scénarios. Le cinéaste de "Festen" (1998) et (2012) se lance alors dans un film au casting international, ou plutôt très européen d'abord avec Matthias Schoenaerts (belge) qui était déjà dans "Loin de la Foule Déchaînée" (2015) de Vinterberg, Léa Seydoux (française) vue récemment dans "Zoé" (2018) de Drake Doremus, Colin Firth (britannique) en plein boum avec pas moins de 7 films en production en 2018, Peter Simonischek (autrichien) particulièrement remarqué dans le rôle titre "Toni Erdmann" (2016) de Maren Ade, August Diehl (allemand) vu dans "L'Empereur de Paris" (2018) de Jean-François Richet, Magnus Millang acteur danois vu dans "La Communauté" (2017) de Vinterberg et, enfin le monstre sacré Max Von Sidow (suédois) qu'on avait pas vu depuis "Les Premiers, les Derniers" (2016) de et avec Bouli Lanners...

Kursk (2018) de Thomas Vinterberg

Un casting européen comme pour rappeler que les frontières n'empêchent pas la solidarité !... Le 10 août 2000, le K-141 Koursk, un sous-marin fleuron de la flotte russe, sombre avec une centaine d'hommes après un accident lors de manoeuvres en Mer du Nord. A une période où la marine russe est en déliquescence les autorités russes ont bien du mal à assurer et à assumer aussi bien les secours que les informations tandis que les pays voisins proposent leur aide et assistance... Le film doté d'une base de documentation énorme et s'est adjoint les services du capitaine David Russell (incarné dans le film par Colin Firth) comme conseiller technique sur le tournage. Cependant, pour les besoins du film le scénariste a pris quelques libertés, essentiellement en ce qui concerne le personnage de Matthias Schoenaerts qui n'avait pas d'enfants mais qui symbolise ainsi les familles qui ont laissé 71 orphelins. Par là même, l'équipe du film en a profité pour se servir à bon escient de la réelle grossesse de l'actrice Léa Seydoux qui arrivait à sa fin. Néanmoins, ce choix reste un choix de facilité, qui focalise effectivement le récit sur cette unique famille délaissant les autres "survivants". L'autre choix discutable mais compréhensible, c'est l'absence du récit d'un personnage pourtant emblématique, à savoir Vladimir Poutine mais, selon The Hollywood Reporter, il semble que EuropaCorp ait eu peur de piratage informatique à l'instar de ce qui est arrivé à Sony avec le film "L'Interview qui tue" (2015) de Evan Goldberg et Seth Rogen qui parodiait la Corée du Nord... Pour info, plusieurs plans ont été tourné dans le sous-marin français Le Redoutable basé à la Cité de la Mer à Cherbourg, mais aussi aux bases de Brest et Toulon. Vinterberg débute son film en format 1,66:1 et s'élargit en format Scope que on arrive en pleine mer, pour en revenir doucement au 1,66:1 quand l'espoir sombre à son tour... Outre ce point technique ce qui étonne un peu c'est qu' on ne ressent jamais le côté claustrophobique du sous-marin, paramètre inhérent au genre vis à vis de l'exiguïté de l'engin. Certe le Koursk est un géant des mers mais l'intérieur semble ici plutôt confortable ce qui empêche la dimension anxiogène de s'instaurer. Si on est pas tout à fait dans le même registre, on conseille fortement l'anti-thèse à ce film avec le sublime "Le Chant du Loup" (2019) de Antonin Baudry... Le début du film n'est pas sans rappeler le chef d'oeuvre "Voyage au Bout de l'Enfer" (1978) de Michael Cimino, mais il est dommage que la suite n'offre pas le même souffle. En effet Vinterberg retrace les faits de façon chronologique et scolaire, oscillant entre le huis clos du sous-marin, les familles qui se rendent aux conférences des autorités et, en retrait, l'aide internationale qui est tout aussi bien résumé à un intermédiaire.

Kursk (2018) de Thomas Vinterberg

Il s'avère alors que le film reste sur une narration un peu trop académique, sensation accentuée avec une unique famille au centre de la tragédie. Mais malgré ces choix hasardeux et ces maladresses, le film instaure une atmosphère où la tragédie grecque est déjà jouée, les autorités russes en arrivent à préférer laisser mourir leurs hommes plutôt que de laisser des puissances étrangères approcher leur sous-marin ! Cette position géo-politique est sans doute un peu trop survolé dans le film qui se focalise avant tout sur le côté humain et la détresse des familles. On constate également que cet évènement est à un moment charnière de l'Histoire (on est en 2000 !), où Poutine est au pouvoir depuis peu et que si la Guerre Froide est officiellement terminée une autre ère s'ouvre. Par là même le film montre et démontre le décalage inouï entre une hiérarchie militaire héritière du régime soviétique et le peuple russe dont les réactions sont à l'image d'une nouvelle génération, mais aussi le film montre à quel point l'armée russe est alors au bord du gouffre. C'est sur ces derniers points que le film est le plus intéressant. Mais surtout, le film surnage grâce à une belle gestion de l'émotion, sans tomber dans la pathos ou l'hystérie lacrymale (un bémol pour la scène de la montre néanmoins, la symbolique est un peu superflue) on reste touché par le destin de ces marins et familles. On aurait aimé un film un chouïa plus ambitieux, autant dans la forme (plus de souffle, plus de passion) que dans le fond (les thématiques sont trop peu exploitées). Vinterberg signe un drame humain touchant et efficace mais il manque singulièrement de personnalité. A voir à à conseiller, ne serait-ce que pour la véracité des faits.

Note :

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