Grâce à Dieu (2019) de François Ozon

Un film dont l'actualité brûlante a déjà fait son effet puisque l'Eglise Catholique a tenté de faire reporter la sortie du film. Heureusement, la Justice a rejeté la demande laissant le place d'honneur du dernier film ayant eu un report suite à une décision de justice au film "Les Noces Rouges" (1973) de Claude Chabrol... En prime, cette mauvaise idée du clergé a surtout ouvert la voie à un joli buzz et créer un coup de pub salutaire au film qui a donc démarré en trombe au box-office cinéma depuis hier, jour de sa sortie nationale. Notons que le film avait déjà commencé à faire du bruit depuis qu'il est lauréat de l'Ours d'Argent au Festival de Berlin 2019. Le film aborde la pédophilie au sein de l'Eglise, il fait ainsi écho au film "Les Chatouilles" (2018) de Andréa Bescond et Eric Metayer qui abordait la pédophilie au sein du cercle familiale. Précisons qu'au vu du sujet particulièrement polémique, le réalisateur-scénariste François Ozon a tourné son film dans le plus grand secret, évitant notamment la ville de Lyon où, semble-t-il, l'Eglise Catholique a toujours un réseau influent... Le film relate donc l'affaire du Père Preynat, exemple brûlant de la pédophilie au sein de l'Eglise Catholique et dont le procès est toujours en cours... Notons que François Ozon précise lui-même : "... Ce film n'attaque pas la présomption d'innocence, il est très équilibré. Il est basé sur des verbatims qui ont été déjà publiés. Je pense que le sgens qui attaquent le film aujourd'hui ne l'ont toujours pas vu, donc ils l'attaquent par principe, plus que par rapport à la réalité de ce qu'il y a dans le film. Certaines personnes n'ont pas envie que ce film sorte. Elles sont dans la continuité de cette omerta du silence. C''est vrai que le film essaye de s'attaquer à un fléau et à un silence qui est retentissant, donc forcément il y a des résistances. Mais disons que ce que l'on vit, nous, aujourd'hui autour de ce film, ce n'est rien par rapport à ce qu'on vécu les victimes, aussi bien dans l'institution que dans leur propre famille."...

Grâce à Dieu (2019) de François Ozon

Ozon a déjà abordé des thèmes d'actualité comme "Le Temps qui reste" (2005), "Le Refuge" (2009), "Jeune et Jolie" (2013) et "Une Nouvelle Amie" (2014) mais jamais à un tel niveau polémique. Le cinéaste réunit pour son film un casting prestigieux et hétéroclyte dont, en premier lieu, Melvil Poupaud qui était déjà dans les deux premiers films sus-cités. Il est entouré de Denis Ménochet qui retrouve Ozon après "Dans la Maison" (2013) et qui explore ainsi une autre facette de la religion après "Marie Madeleine" (2018) de Garth Davis. Le troisième protagoniste principal est incarné par l'excellent Swann Arlaud qui retrouve Ménochet après le médiocre (2009) de Rose Bosch, et qui est aujourd'hui à un autre statut bien mérité après notamment "Petit Paysan" (2017) de Hubert Charruel et "Un Beau Voyou" (2019) de Lucas Bernard. Pour jouer leur entourage on peut citer des acteurs d'expérience comme Josiane Balasko, Dominique Pierrot, Eric Caravaca, Hélène Vincent... La chose la plus impressionnante est l'impartialité et l'absence de manichéïsme. François Ozon s'est appliqué à ne reprendre que des faits avérés donc incontestables, mais aussi et également et soulignant les différences des victimes, à savoir que certains sont croyants et se battent "pour l'église", d'autres sont devenus athées convaincus, d'autres se cherchent encore... etc...

Grâce à Dieu (2019) de François Ozon

Les liens vis à vis de l'Eglise ne sont pas unilatéraux et offrent donc d'autres perspectives dans le jugement que pourrait avoir le spectateur. D'ailleurs le bel hommage à l'association La Parole Libérée n'occulte pas pour autant les dissensions au sein du groupe. C'est sur ce point que Ozon évite l'écueil du parti pris et du film à charge. Dans le même temps, si le père Veynat est au centre de cette affaire, le scénario n'omet pas plusieurs pistes de réflexion vis à vis du clergé mais aussi de la question de son influence, encore aujourd'hui semble-t-il ?!... Et enfin, malgré une histoire déjà dense, Ozon instille des petites pensées sur la reconstruction intime et la place de la virilité pour les victimes. Le gros point fort reste donc un scénario pointilleux, intelligible et plein d'acuité. Le cinéaste réalise un film témoin de son époque, un film nécessaire et tristement réaliste. Le seul bémol serait l'émotion, si on évite la pathos souvent inhérent au genre, cette fois Ozon passe à l'autre extrême et on a du mal à s'attacher à la plupart de ces victimes. La caméra parfois trop en retrait manque sans doute de chaleur, l'austérité d'une église n'a d'égale que le froid ambiant même au sein des foyers... Dommage... Les quelques séquences flash-backs semblent un peu superflues, comme si on avait besoin qu'on nous tienne la main pour imaginer le plus terrible. Néanmoins, François Ozon signe un grand film qui mérite qu'on s'y arrête. A voir et à conseiller. Note sans doute un peu généreuse...

Note :

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