Assez rare pour le préciser, voici un film de sous-marin 100% français. Si Hollywood en a fourni de nombreux dont le plus connu reste sans doute "A la Poursuite d'Octobre Rouge" (1990) de John McTiernan la France en a produit que rarement. On peut citer "Les Maudits" (1947) de René Clément et "Casabianca" (1951) de Georges Péclet... Le titre n'a rien à voir avec le film au titre éponyme (1929) de Victor Fleming, ce titre fait référence dans le jargon au bruit du sonar qui plonge et qui repère une position d'un sous-marin, quand on entend ce son il faut comprendre que c'est le début de la fin... En ce qui concerne le héros du film, dénommé sous le terme de "Oreille d'Or" désigne le sous-marinier analyste acoustique, celui qui doit identifier tous les sons environnants. On doit ce projet à Antonin Baudry scénariste et auteur dont est issu le film "Quai d'Orsay" (2013) de Bertrand Tavernier. Ancien diplomate passionné de cinéma devenu scénariste il se lance cette fois également à la réalisation avec son premier long métrage avec cette histoire inédite, il explique : "Quand j'ai pu m'immerger dans un sous-marin pendant plusieurs jours, j'ai été saisi. On a l'impression d'être dans le ventre d'une baleine. Les machines sont semi-organiques. les équipages se connaissent intimement. C'est un microcosme de la société dans lequel ce qui sépare les gens à la surface (la religion, la politique, les origines) n'existe pas. Seuls comptent la solidarité, le courage, le fait de pouvoir réagir ensemble. Et en même temps le monde des sous-marins nucléaires est un univers dur, qui met en jeu la dissuasion nucléaire, l'auto-annihilation de l'espèce. J'ai voulu essayer de comprendre ce paradoxe : ils s'entraînent à la guerre pour qu'elle n'ait pas lieu : c'est le principe de la dissuasion, qui structure la doctrine française de défense. Autour de cette idée, bien réelle, de l'ordre irréversible. C'est très particulier."...

On suit donc deux sous-marins et leurs équipages en mer alors que le monde politique international est en crise. Les deux sous-marins sont un SNA dit Sous-marin d'Attaque, et le SNLE le Sous-marin Nucléaire Lanceur d'Engin... L'Oreille d'Or est incarné par François Civil, jeune acteur déjà remarqué dans plusieurs films mais dans des seconds rôles souvent ou dans des films au succès trop confidentiel comme (2016) de Igor Gotesman et "Burn Out" (2018) de Yann Gozlan ; 2019 sera son année... Il est entouré de ses officiers Omar Sy dans un de ses uniques rôles "sérieux", ces derniers se résumant souvent à ses passages dans des blockbusters hollywoodiens dont "X-Men : Days of the Future Past" (2014) de Bryan Singer, Reda Kateb qui porte ainsi un autre uniforme après "Frères Ennemis" (2018) de David Oelhoffen et l'Amiral Mathieu Kassovitz qui délaisse ici la série TV "Le Bureau des Légendes" (2015-...). Dans cet univers très masculin une petite place de charme pour Paula Beer surtout remarquée dans (2016) de François Ozon... Les acteurs ont également effectué des stages à bord et auprès des sous-mariniers, le cinéaste insistant sur le côté réaliste du projet. Outre le talent des acteurs, on salue le travail important sur les procédures et les dialogues plus ou moins techniques, un paramètre important puisqu'il faut être assez professionnel pour qu'on y croit et pas trop pointu pour éviter de perdre le spectateur. Sur ce point Antonin Baudry signe une partition parfaite qui, ajouté au travail du son précis et envoûtant. Précisons que les décors ont été construit à l'échelle 1 afin d'accentuer le réalisme des conditions de vie te de travail, accentuant par là même la côté anxiogène.

Niveau atmosphère et ambiance le réalisateur signe un film très prenant et angoissant par moment, passant doucement du film et d'espionnage au thriller psychologique sans jamais se départir du rôle complexe de la force de dissuasion. Baudry réalise un film en parfaite adéquation avec son scénario implacable, scindé en deux parties distinctes. La première met en place le jargon, la chorégraphie intra-militaire, les personnages et les bases de l'intrigue sans jamais prendre son temps ou être trop explicatif ; un très bon point. La seconde partie accentue le huis clos, la mission est lancée et les responsabilités s'imposent, avec cette même tension omniprésente qui nous lâche jamais. Rarement un film de sous-marin a été aussi puissant émotionnellement, où l'action est une conséquence d'abord de choix politiques et stratégiques. Quelques maladresses et/ou choix discutables (rôle féminin mineur, Oreille d'Or évidemment seul génie en son domaine...) par-ci par-là mais jamais primordiaux. Pour les acteurs, très bon François Civil qui s'impose joliement devant un Kassovitz peu convaincant en première partie mais qui se rattrape ensuite, Kateb toujours impeccable et un Omar Sy qui confirme qu'un comique est toujours surprenant dans le drame. Antonin Baudry frappe fort avec ce film et se place comme un des grands espoirs du cinéma français. Si le chef d'oeuvre du genre reste "Le Bateau" (1981) de Wolfgang Petersen, ce film français entre clairement dans le panthéon du genre. A voir et à conseiller, émotions garanties.

Note :