La Mule (2019) de Clint Eastwood

Après le très médiocre et vain "Le 15h17 pour Paris" (2018), Clint Eastwood revient en force puisqu'il signe une histoire vraie qu'il réalise et dans lequel il revient devant la caméra pour incarner cet anti-héros comme en a tant fait le Rêve américain. Rappelons donc que Eastwood n'avait pas jouer devant la caméra depuis "Une Nouvelle Chance" (2012) de Robert Lorenz, et pas devant sa propre caméra depuis "Gran Torino" (2008). Un signe peut-être puisque pour ce film il retrouve son scénariste Nick Schenk qui dit : "Je me suis rendu compte qu'Earl est tout l'inverse du personnage de Walt Kowalski dans "Gran Torino". Quand j'ai fait mes recherches pour le script, j'ai rencontré de nombreux vétérans, et la plupart d'entre eux semblaient revenir de deux manières : soit ils en voulaient au monde entier comme Walt, soit ils laissaient le passé derrière eux et devenaient charmants et sociables. C'était mon point de départ pour Earl et son caractère affable, son sens de l'humour, son panache. Mais bien etendu, tout cela était réservé à ses amis et ses collègues. Comme le fait remarquer son ex-femme dans le film, les autres avaient droit à la version Earl sympa tandis qu'elle et sa famille avaient affaire à un homme qui ne pensait qu'à s'en aller."... L'histoire est celle peu banale de Leo Sharp (tout savoir ICI !), où comment un vétéran, agriculteur ruiné octogénaire devient passeur de drague pour un Cartel mexicain... Co-production Warner/Malpaso Productions (boite de Eastwood) le film est adapté d'un article du New-York Times. Cette fois il n'est donc pas celui qui la monte comme dans "Sierra Torride" en V.O. "Two Mules for Sister Sara" (1970) de Don Siegel, mais il incarne lui-même la Mule en prêtant sa gueule burinée pour être Earl Stone (donc Leo Sharp, pourquoi modifier le nom ?!),

La Mule (2019) de Clint Eastwood

Un agent de la DEA est incarné par Bradley Cooper qui retrouve donc son réalisateur de "American Sniper" (2015), ironie du sort Cooper a ensuite remplacé Eastwood aux commandes du film "A Star is Born" (2018) !... On s'aperçoit que la plupart des acteurs ont déjà tourné pour Eastwood. Laurence Fishburne vu dans "Mystic River" (2003), Michael Pena vu dans "Million Dollar Baby" (2004) et qui retrouve Cooper après "American bluff" (2014) de David O. Russell, et le 5ème film avec son père pour Alison Eastwood. On notera également la présence de Dianne Wiest actrice fidèle à Woody Allen, Taissa Farmiga soeur de Vera Farmiga vue dans "La Nonne" (2018) de Corin Hardy et un certain Andy Garcia star has been abonné dorénavant aux apparitions qui apparaissent comme du simple guest-star de prestige... A noter que la photographie n'est pas signée du Chef opérateur fétiche de Eastwood Tom Stern, sur ce film il est remplacé par le canadien Yves Bélanger dont le travail a été remarqué sur de grands films comme "Dallas Buyers Club" (2013) et "Demolition" (2015) tous deux de Jean-Marc Vallée... La première chose qui frappe est l'introspection en filigrane que Eastwood semble faire avec son nouveau film. Après quelques années où ses films étaient à la fois plus médiocres et plus tendancieux idéologiquement il semble faire un retour aux sources du divertissement pur, direct et intelligent tout en faisant une sorte de mea culpa. En effet, Earl Jones se repend d'avoir été un mari et un père absent (sa vraie fille jouant justement le rôle de sa fille !), tout en y instillant plusieurs séquences symboliques où ses côtés misogynes et fascistes sont remis au jour de l'autodérision comme avec le montage d'une roue pour rendre service...

La Mule (2019) de Clint Eastwood

Plusieurs passages qui font de ce film une oeuvre presque testamentaire, comme si Eastwood avait eu besoin de remettre les compteurs à zéro ; de Walt Kowalski il est devenu Earl Jones... Le film oscille entre les relations familiales compliquées et la partie polar. La partie familiale est émouvante, touchante d'autant plus qu'on sent le réalisateur-acteur particulièrement touché lui-même. La partie polar manque elle d'un peu plus de puissance, à tous points de vue. D'abord le cinéaste arase le fait que le vrai Leo Sharp a tout de même été millionnaire grâce à 10 années de trafic et plusieurs centaines de trajet alors que le film semble résumer l'"exploit" à quelques mois et une dizaine de voyages, d'où quelques passages qui semblent peu vraisemblables comme l'invitation du Parrain. Pas de suspense ni de tension malheureusement, les membres du cartel sont un peu "faiblards" mais on a droit à un Clint Eastwood magistral et charismatique comme toujours, avec ce regard bleu acier qui vous perce et, en même temps, qui peu dire tant de chose avec une telle économie de mots. Eastwood se sert d'un drame policier pour avant tout offrir un drame humain et familial avec une petite dose d'émotion bienvenu. On est ni dans "Million Dollars Baby" ni dans "Gran Torino" mais au vu de ses dernières années on prend et on salue l'artiste...

Note :

Mule (2019) Clint EastwoodMule (2019) Clint Eastwood