Cold war

Cold warDes vies fracturées
4 ans après « Ida » et son Oscar du meilleur film étranger, Pawel Pawlowski remporte cette fois le Prix de la mise en scène à Cannes avec les mêmes recettes esthétiques que sur son premier long : un noir et blanc glacé et format carré enserrant ses personnages. Et la photo est réellement somptueuse, les cadrages au diapason ; et le montage, véritable personnage central du film tout comme la musique car eux-mêmes des éléments narratifs forts. Quelle gageure de faire cohabiter l’histoire et l’Histoire durant 15 ans sur 1h27 tout en gardant le souffle mélo-romanesque. Un couple se forme derrière un rideau de fer encore de papier en 1949 et passeront leurs temps à s’unir et se séparer durant 15 ans de chaque côté d’une frontière de moins en moins poreuse entre Pologne et France. Le temps défile à tout à l’allure, cela peut être désarçonnant pour deux raisons : le contexte historique n’apparait qu’en filigrane, les élans amoureux du couple sont observés de manière distancée. Un choix artistique dans lequel il ne perd tout de même pas ces deux personnages en cours de route, mais on adhère ou pas. Le final est aussi déroutant ; filmé comme une scène de « La mort aux trousses » de Hitchcock, le couple descend du bus et le dernier plan, un hors champ fabuleux, donne un ton définitivement très romanesque à cette histoire d’amour fracturé à l’image de l’Europe du XXème siècle. Froid mais pas sans émotion, sauf qu’elle se loge dans des formes plus complexes qu’à l’accoutumée dans les mélodrames amoureux. Très épuré, distancé aussi ; mais avec une grâce incroyable et une beauté sèche ; il est aussi un hommage du réalisateur à ses propres parents. Pawel Pawlikowski a révélé que ce film était « largement inspiré par l’amour compliqué et perturbé de ses parents », morts ensemble en 1989, juste avant la chute du mur de Berlin, condensait leur destin : « incompatibilité de tempérament, appartenance à des cultures différentes, impossibilité de vivre ensemble malgré un désir fou d’y arriver, souffrance de la séparation, difficulté de vivre en exil, de se comporter correctement sous le totalitarisme malgré la tentation de se rebeller. » Les deux héros, Wiktor et Zula, portent les prénoms de ses parents. A voir avec l’idée que soit on aime soit on n’aime pas, ce n’est pas le type de film consensuel.

Sorti en 2018
Ma note: 16/20